C’est en juillet 1944, alors que la guerre se poursuivait activement en Atlantique Nord et dans la Manche contre la Kriegsmarine allemande, et surtout dans le Pacifique et en Océan Indien contre le Japon, que le Department of Navy, le ministère américain de la marine, fit savoir qu’il recherchait un nouveau bombardier torpilleur destiné à remplacer les Grumman TBF Avenger alors massivement en service dans l’aéronavale américaine. L’état-major de la Navy sélectionna l’avionneur Grumman qui proposait alors un gros bimoteur désigné TB2F, un appareil en partie dérivé du chasseur d’escorte F7F Tigercat. Toutefois il apparut rapidement que cet appareil était trop ambitieux et Grumman dût revoir sa copie. Il était nommé G-70 dans la nomenclature constructeur.
La nouvelle version de son torpilleur, cette fois ci nommé G-82 par Grumman, se présentait sous la forme d’un appareil à propulsion mixte du type moteur en étoile et turboréacteur, à la manière du chasseur Ryan FR Fireball, et disposant d’une soute à armement. Le nouvel avion reçut la désignation de TB3F Guardian. Il réalisa son premier quelques semaines après la fin des hostilités, le 19 décembre 1945. Toutefois à cette époque la fin de la guerre amena la marine américaine à réduire considérablement ses budgets. Mais le programme de remplacement des Avenger était alors prioritaire. Pourtant une fois encore le programme allait changer radicalement. Alors que les essais en vol du second prototype, véritable appareil de présérie, le TB3F-1 allait bon train, la Navy décida de modifier ses attentes. Elle demanda à Grumman de revenir à un appareil à propulsion alors « classique » c’est à dire à moteur à pistons. Grumman ne modifia pas profondément l’avion, se limitant à ôter le réacteur Westinghouse. La nouvelle version devint donc le TB3F-2.
C’est en 1946 que la doctrine d’emploi du « Hunter-Killer » fut élaborée aux Etats-Unis, et l’US Navy ordonna que le TB3F-2 soit construit en deux versions, dont l’une de reconnaissance et de surveillance radar et l’autre de torpillage. La première dotée d’un puissant radar AN/APS-31 et d’un spot de recherche AN/AVQ-2 fut désigné TB3F-2W tandis que la seconde disposant de la soute à armement et d’un radar de suivit AN/APS-20A devint le TB3F-2S. Mais rapidement la désignation fut modifiée par l’US Navy qui attribua aux machines les codes respectifs de AF-2W et AF-2S. Le Grumman AF Guardian venait vraiment de naître. La désignation d’AF-1 ne fut jamais utilisé officiellement car réservée aux deux TB3F-1.
Le premier AF-2 réalisa son vol inaugural en novembre 1948. Une commande fut passée immédiatement pour 156 avions, livrés pour moitiés en AF-2S et pour l’autre moitiés en AF-2W. Bien que particulièrement aptes aux missions dévolues à ces avions, il fallut rapidement se rendre compte que le Guardian était devenu obsolète, notamment en raison de l’arrivée au sein des forces navales soviétiques de nouveaux sous-marins beaucoup plus difficiles à repérer. C’est pourquoi il fut décidé en 1953 de modifier quarante AF-2W en AF-3W doté d’un système particulièrement moderne, et alors totalement inconnu sur des avions embarqués : le MAD (Magnetic Anomaly Detector, détecteur d’anomalies magnétiques) AN/ASQ-8, véritable radar à sous-marins, capable à l’époque de repérer toutes masses métalliques jusqu’à une profondeur de 135 mètres, qu’elle soit en mouvement ou non. Au final 230 AF-3 furent construits, dont une majorité de « Killer » AF-3S disposant eux aussi du MAD.
Le Grumman AF Guardian se présentait sous la forme d’un monomoteur triplace (parfois quadriplace) monoplan à aile médiane disposant d’un train d’atterrissage classique escamotable, renforcé d’une crosse d’appontage pour permettre les opérations embarquées. L’une des caractéristiques principales de l’avion résidait dans son armement interne en soute et dans l’absence de canons et mitrailleuses. L’empennage monobloc massif avait été modifié par l’adjonction de stabilisateurs horizontaux permettant le vol à basse altitude lors des phases de torpillages.
Le Guardian a servit au sein de sept unités d’active (Squadrons VS-21, 22, 24, 25, 27, 31, 37) et quatre de réserve (Squadrons VS-801, 871, 892, 931) jusqu’à son retrait du service. Son premier embarquement eut lieu en mars 1950 au sein du VS-24 déployé sur le porte-avions USS-Palau (CVE-122) à bord duquel les pilotes prirent part aux opérations navales de la Guerre de Corée. Serviteurs discrets de la guerre anti-sous-marine que l’Amérique mena contre l’URSS les Guardian permirent à l’US Navy de se rôder à la technique du Hunter-Killer, une stratégie qui resta active jusqu’à l’entrée en service au milieu des années 70 des premiers Lockheed S-3 Viking. Les AF commencèrent à être retiré de première ligne en mars 1955, soit seulement cinq ans après leur arrivée, et remplacés par les premières versions de l’increvable Grumman S2F Tracker. Nonobstant l’entrée en service de ce polyvalent bimoteur le Guardian demeura en service encore presque deux ans et demi au sein des unités de réserves puisqu’il ne fut définitivement retiré du service qu’en décembre 1957.
Bien que désigné AF, ce qui laissait présager des missions d’attaque au sol, le Guardian n’eut jamais à remplir la moindre de ces missions, se limitant à n’être qu’un bombardier torpilleur. Donc sa désignation initiale de TB3F aurait dû persister. Peut être que la marine américaine la trouvait un peu lourde. Ou alors voulait elle noyer le poisson quant à cet avion méconnu mais qui marqua son temps en instaurant un nouveau schéma directeur dans la lutte anti-sous-marine. Il est original de constater que la Fleet Air Arm et l’Aéronautique Navale eurent également recours au principe de « Hunter-Killer » mais avec le … Grumman TBF Avenger, celui là même que le Guardian remplaça aux Etats-Unis. Plus tard ces deux aéronavales firent perdurer cette technique, respectivement sur Fairey Gannet et Breguet Alizé.
Au total ce sont 393 exemplaires, prototypes compris, qui furent construits. Une trentaine de AF furent rachetés dans les années 60 par divers compagnies civiles qui les transformèrent en bombardiers d’eau. Les Guardian de lutte anti-feu furent utilisés aux États-Unis et au Canada jusque dans les années 90. En tant que torpilleurs, seule l’US Navy utilisa des Grumman AF.
De nos jours un seul Guardian semble encore en état de vol aux Etats-Unis, il appartient à un collectionneur privé. Un appareil, un AF-2S, est toutefois visible au Naval Air Museum de Pensacola en Floride. Le nom de baptême de Guardian a ensuite été repris par les Dassault HU-25 acquis par l’US Coast Guard.
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