En octobre 1917 quand la révolution rouge éclate la Russie est déjà le plus vaste pays du monde. Avec ses 9000 kilomètres d’est en ouest et ses 3000 du nord au sud c’est un territoire démesuré fait pour l’aviation. Avec 37650 kilomètres son littoral équivaut quasiment à la circonférence de la Terre à l’Équateur. Les Soviétiques comprennent donc rapidement que s’ils veulent contrôler une telle distance ils doivent posséder une flotte d’hydravions digne de ce nom. Et le premier appareil qu’ils vont employer dans ce rôle sera le biplan Grigorovich M-9.
C’est pourtant à l’automne 1915 que l’ingénieur Dmitry Grigorovich commence à travailler sur une version agrandie de son hydravion à coque M-5. Pour ce nouvel appareil, baptisé M-9 l’ingénieur russe demeure fidèle à ses années passées en France où il a étudié l’hydraviation auprès de la société Donnet-Lévêque. L’ingénieur fait redessiner le M-5 et le dote d’une nouvelle coque et d’une motorisation plus puissante. Grigorovich sait que l’industrie russe est défaillante dans ce domaine, il fait donc appel à ses réseaux à Paris. La Russie impériale étant alors alliée de la France et de la Grande Bretagne une telle démarche ne surprend personne.
Il jette son dévolu sur le moteur à neuf cylindres en étoile Salmson M.9P, identique à celui équipant la majeure partie des bombardiers Voisin Type III. C’est une hélice propulsive que ses 150 chevaux animent. Dédié à des missions de reconnaissance et de bombardement léger le M-9 possède comme armement une mitrailleuse Lewis de construction américaine de calibre 7.7 millimètres ainsi que charge de dix bombes légères de neuf kilogrammes chacune.
Pour le reste l’hydravion est construit en bois entoilé et contreplaqué et dispose d’une voilure en biplan d’envergure inégale et coque à simple redan. Il vole pour la première fois le 9 janvier 1916.
Très rapidement après celui-ci l’aviation et la marine impériales russes passent commandes pour un total de 170 Grigorovich M-9. Dans le même temps la marine impériale demande à l’avionneur de développer une version légèrement raccourcie sans capacité d’emport de bombes afin de mener des missions de surveillance côtière. Cette fois le moteur en étoile Salmson M.9P laisse la place à un Hispano-Suiza 8A à huit cylindres en V toujours de conception française. Il développe 140 chevaux et anime là encore une hélice propulsive. Ce nouvel appareil prend la désignation de Grigorovich M-15. Il est immédiatement commandé à 50 exemplaires.
Grigorovich M-9 et M-15 sont mis en service tous deux dès l’année 1916. Ils sont principalement employés pour surveiller les côtes russes mais aussi pour attaquer les navires allemands, militaires ou civils. En octobre 1917 quand la révolution bolchévique éclate plusieurs formations d’hydravions basculent des forces tsaristes aux unités communistes. Mais surtout dès l’instauration de l’URSS celle-ci ordonne la reprise de l’usinage des deux modèles.
Il faut dire que les commissaires politiques de Lénine ont pu constater par eux même l’efficacité de ces deux machines. Quarante nouveaux M-15 sont produits en 1919 et 330 M-9.
Ils vont former l’ossature de la jeune AVMF, l’aéronavale soviétique. Ils resteront en première ligne jusqu’en 1924 avant d’être totalement retirés du service deux ans plus tard, ils seront alors obsolètes. À l’étranger la Finlande utilisa quelques M-9 pour des missions de reconnaissance côtière et de lutte anti-sous-marine tandis que l’Estonie fera l’acquisition d’un unique M-15 pour de la reconnaissance côtière. En 1928 plus aucun de ces biplans ne volait, nul part dans le monde.
Le Grigorovich M-9 est entré dans l’Histoire le 17 septembre 1916 quand le pilote polonais Alfons Jan Nagórski réalisa à son bord le tout premier looping depuis un hydravion à coque. Le M-15 a donné naissance aux M-17 et M-18, deux versions n’ayant pas dépassées le stade du prototype. Chacun disposait d’une motorisation différente, de 130 chevaux pour le premier et de 200 chevaux pour le second. De nos jours un M-15 est préservé au musée aéronautique de Cracovie en Pologne. C’est le seul et unique survivant de ces deux modèles qui marquèrent l’épopée des hydravions soviétiques.
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