Grigorovich I-2

Entre la Seconde Guerre mondiale et son effondrement en 1990 l’Union Soviétique sut entretenir une puissante industrie aéronautique, notamment dans le domaine de la défense. Pourtant il n’en fut pas toujours de même. À la naissance de ce pays, entre la fin des années 1910 et le début des années 1920 l’industrie aéronautique soviétique était hésitante. Beaucoup de ses têtes pensantes avaient fui la révolution rouge et ainsi fait perdre au pays ses forces vives. C’est pourquoi la chasse soviétique peina à se mettre en place.
L’une de ses premières réussites fut un biplan de conception assez simple : le Grigorovich I-2.

C’est en 1921 que le pouvoir soviétique décida de lancer tous azimuts des projets de recherches dans le domaine de l’aviation militaire. Plusieurs bureaux d’études nationalisés virent le jour dont celui créé du temps de la Russie impériale par Dmitri P. Grigorovich et jusque là plutôt spécialisé dans la conception d’hydravions légers.
Grigorovich qui accepta le contrôle de l’état se lança en 1922 dans le développement de son premier chasseur terrestre.

S’inspirant alors de ce qui se faisait aux États-Unis, en France, ou encore en Grande Bretagne Grigorovich développa un avion désigné I-1. Il s’agissait d’un biplan assemblé en bois entoilé et propulsé par un moteur à douze cylindres en V Liberty de facture américaine d’une puissance de 420 chevaux actionnant une hélice bipale en bois. L’armement se composait de deux mitrailleuses Vickers assemblés au Royaume-Uni d’un calibre de 7.7mm.

Les essais statiques démontrèrent des difficultés dans le refroidissement de son moteur Liberty. On pensa alors fixer un radiateur sur chaque jambe du train d’atterrissage puis un seul sous l’avion. Rapidement les militaires et les ingénieurs comprirent que l’I-1 était sans avenir. Ils décidèrent alors de lui trouver un successeur.
Jouant la carte de la continuité les équipes de Dmitri Grigorovich étudièrent un avion simplifié, toujours doté d’un moteur Liberty mais cette fois refroidi. Le nouvel avion reçut a désignation d’I-2.

Par rapport à son prédécesseur il possédait une voilure composé de deux ailes reliées entre elles par seulement deux mats en bois haubanés et non plus autant de traditionnels haubans entrecroisés que sur l’I-1. L’empennage fut également redessiné, raccourci en fait tandis que le cockpit était légèrement agrandi de manière à être moins inconfortable pour le pilote. Les mitrailleuses britanniques d’origine furent remplacés par des Maxim PV-1 de calibre 7.62mm de facture soviétique. Dès sa conception l’I-2 fut pensé pour recevoir des skis en lieu et place des roues de son train d’atterrissage classique fixe. Le patin de queue était même remplacé par un mini-ski dans ce cas.
C’est ainsi que le premier vol de l’avion eut lieu le 4 novembre 1924.

Un accord industriel fut passé avec Liberty afin que le motoriste soviétique Mikulin assemble ce moteur à douze cylindres en V sous licence, sous la désignation M-5. Désormais la fabrication en série du Grigorovich I-2 pouvait être lancé en toute quiétude. Une première commande portait d’ailleurs sur 164 machines de série. Jamais aucun avion militaire développé dans la jeune URSS n’avait été commandé à autant d’exemplaires. Une seconde fut passée quelques semaines plus tard pour 47 avions supplémentaires. Les deux lots furent produits dans deux usines différentes.

Les avions de série reçurent la désignation Grigorovich I-2Bis, afin de marquer la différence entre le prototype équipé d’un moteur américain et l’appareil de série doté du même moteur mais produit par des ouvriers soviétiques. Le diable se cache dans les détails.
Les premiers avions entrèrent en service en octobre 1925 et la première escadrille complète fut déclarée opérationnelle en janvier 1926.
À cette époque l’I-2Bis était un chasseur très convenable même si le train à skis réduisait considérablement ses capacités.

Le Grigorovich I-2 fut le principal chasseur soviétique entre 1926 et 1929. Il participa à plusieurs missions le long des frontières du pays mais également en accompagnement de la propagande léniniste. Plusieurs furent utilisés pour des vols le long des frontières du pays, frontières qui bougeaient beaucoup à cette époque dans cette partie du globe.
Finalement l’I-2Bis laissa peu à peu la place à un avion bien plus moderne : le Tupolev I-4.

Jamais exporté, jamais engagé dans le moindre combat aérien ou dans le moindre exercice avec des pays alliés les performances du Grigorovich I-2 restent encore aujourd’hui très théoriques. Et on doit faire confiance aux données transmises par les constructeurs à l’époque. Quoi qu’il en soit cet avion a marqué son temps en ouvrant l’industrie aéronautique soviétique à fabrication en grande série.
De nos jours aucun I-2 n’est préservé en Russie ou ailleurs dans le monde.