Que ce soit pour motoriser les avions de transport régionaux qui chaque jour sillonnent les cieux du monde entier pour transporter leurs passagers sur des distances plus ou moins longues, ou bien les avions d’entraînement intermédiaires et avancés qui forment les futurs pilotes militaires, les turbopropulseurs sont partout de nos jours dans l’aéronautique. Ce que l’on sait peu sur ces formidables moteurs, c’est qu’ils sont quasi postérieurs aux réacteurs, même si c’est de très peu. C’est d’ailleurs sur un jet profondément modifié que le premier vol opérationnel d’un turbopropulseur eut lieu juste après la fin de la Seconde Guerre mondiale : le Gloster Trent Meteor.
Dès 1939, l’ingénieur britannique Frank Whittle commença à s’intéresser aux travaux de son homologue hongrois György Jendrassik qui avait testé deux ans auparavant un nouveau type de motorisation pour l’aéronautique basé sur la rotation d’une hélice à cinq pales mu par une turbine à gaz : le turbopropulseur. Jendrassik avait bien essayé de convaincre les autorités de son pays de l’intérêt de ses travaux mais ces derniers n’étaient pas vraiment au fait de ce genre de considération. La Hongrie se détourna rapidement de ce principe et se réorienta vers la fabrication sous licence de moteurs étrangers, principalement d’origine allemande. Malgré cela, sur banc d’essais statique, le Jendrassik Cs-1 enchaîna plus d’une cinquantaine d’heures de fonctionnement.
Whittle de son côté espérait bien développer un turbopropulseur puissant. Mais alors que la Seconde Guerre mondiale était amorcée, les crédits alloués à ce chantier furent gelés. L’ingénieur devait se concentrer sur des programmes plus viables à court ou moyen terme : les réacteurs. Alors qu’il travaillait officiellement au développement des premiers d’entre eux et du prototype qui devait les faire voler, le Gloster E28/39, Whittle continuait de penser aux travaux de György Jendrassik.
Fin 1943, après avoir inondé les bureaux de l’Air Ministry de requêtes en tous genres, Frank Whittle fut enfin autorisé à reprendre ses travaux sur les turbopropulseurs. En fait, il n’avait jamais vraiment cessé, mais désormais il avait les crédits demandés. Depuis longtemps il envisageait de construire son moteur autour d’un réacteur Rolls-Royce RB.37 Derwent, la version de série de son fameux Power Jets W2 avec lequel vola le E28/39. D’ailleurs Whittle comptait bien monter son turbopropulseur dessus.
Le nouveau turbopropulseur fut désigné Trent et son usinage confié aux bons soins de Rolls-Royce alors principale motoriste britannique pour ce qui concernait les propulseurs expérimentaux. Dans la nomenclature maison du motoriste le Trent était appelé RB.50.
Les premiers essais sur banc statique eurent lieu à la mi-juin 1944. Malgré le fait que des crédits étaient alloués à son développement le turbopropulseur ne semblait pas impressionner l’état-major britannique qui envisageait désormais uniquement le réacteur comme avenir pour l’aéronautique. Une vision réductrice qui malheureusement allait perdurer pour plusieurs décennies et bien au-delà de Grande Bretagne. Début 1945, Whittle décida de passer aux essais en vol. En cela il venait de dépasser largement les travaux de Jendrassik. En fait à ce moment là son RB.50 Trent avait plus de 425 heures de fonctionnement, soit huit fois plus que le Cs-1 hongrois.
Un débat commença entre l’ingénieur, l’Air Ministry, et la Royal Air Force quant à l’avion qui allait faire voler le turbopropulseur. Whittle voulait l’adapter sur son E28/39, l’Air Ministry envisageait plutôt le recours à un biréacteur Gloster Meteor et la RAF de son côté préférait qu’on le monte sur un Supermarine Spitfire. Il faut dire que c’est un pilote d’essais de cette dernière qui devait réaliser ce premier vol.
Finalement après quelques atermoiements c’est l’Air Ministry qui obtint le dernier mot. Ce serait le Meteor. Se posaient alors deux questions principales : l’avion devait il conserver un réacteur pour le décollage et l’atterrissage, ou bien devrait il disposer de deux turbopropulseurs ? Finalement c’est la solution la plus coûteuse qui fut choisie : les deux turbopropulseurs. Rolls-Royce s’exécuta et produisit les moteurs.
La Royal Air Force sélectionna l’avion. Il s’agissait du dix-huitième Meteor F Mk-1 de série, une machine non encore livrée en unité de combat. Ce biréacteur fut renvoyé en usine où l’on déposa tout ce qui en faisait un avion de combat, et notamment son armement. Il fut repeint et la lettre P cerclée de jaune, symbole des prototypes britanniques fit son apparition sur son fuselage. À la demande expresse des ingénieurs du bureau d’étude Whittle on installa deux petites dérives verticales supplémentaires sur l’empennage de l’avion afin de compenser les vibrations dues au fonctionnement des pales.
C’est dans cette configuration, et sous la désignation de Gloster Trent Meteor, que l’avion vola pour la première fois le 20 septembre 1945. Avec une vitesse maximale de 715 km/h il réussissait le tour de force d’être plus rapide que la majorité des avions à réaction contemporains. Par la suite le Trent Meteor fut utilisé pour divers autres essais notamment de pales de différentes tailles. Si l’envergure des premières étaient de 2 mètres 31 elle passa à 2 mètres 41 par la suite. Lors du premier vol chaque RB.50 Trent développait une puissance de 1774 chevaux.
Le Gloster Trent Meteor vola encore jusqu’en 1947 assurant notamment les premiers essais de turbopropulseurs à double hélice contrarotative. Au début de cette même année Whittle proposa même une version de série de l’avion, destiné notamment à des missions de chasse, de reconnaissance, ou encore d’attaque au sol. Mais là encore l’état-major britannique ne jurait que par les jets. Et puis le RB.50 Trent n’était plus le seul turbopropulseur à avoir volé, les Américains en avaient fait de même avec leur General Electric T31 conçu suite au développement du Convair XP-81. On soupçonnait alors les Soviétiques, mais aussi les Français, de travailler sur des projets similaires.
Grâce à l’acharnement de Frank Whittle et à l’assemblage du Trent Meteor, le rêve de György Jendrassik était désormais une réalité. Le turbopropulseur était désormais entré dans le monde aéronautique.
Finalement peu d’aéronefs ont vraiment eu la chance de laisser durablement leur empreinte dans l’histoire de l’aviation. Que ce soit des machines construites en série ou des prototypes le nombre de ces appareils réellement primordiaux pour l’aventure aéronautique se compte sur les dix doigts. On peut raisonnablement se dire que le Gloster Trent Meteor est de ceux-là, un peu à la manière du Heinkel He 176 allemand. Il est original de voir que le nom de Trent a été conservé de nos jours par Rolls Royce même s’il ne concerne plus des turbopropulseurs mais des réacteurs de nouvelle génération destinés à l’aviation civile, notamment les Airbus A380 et Boeing 787.
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