Au cours de la Seconde Guerre mondiale la plus part des pays alliés eut recours à la démarche de réquisitions des moyens civils. Cela n’échappa pas à l’aviation. Ainsi en Grande Bretagne la Royal Air Force fit voler pas mal de modèles différents d’avions civils dans des rôles secondaires de soutien opérationnel. Il s’agissait généralement d’avions ou d’hydravions de transport léger, de liaisons, ou encore de communication. L’un des plus emblématiques de ces aéronefs fut le petit bimoteur de transport General Aircraft S.T. Monospar.
Les origines de cet avion remontent à la volonté de l’ingénieur suisse Helmuth Stieger de construit lui-même ses conceptions. Vivant depuis le début des années 1910 au Royaume-Uni il avait travaillé durant quatorze ans pour le compte de la branche aéronautique du groupe Beardmore œuvrant notamment sur le chasseur biplan de la Première Guerre mondiale WB.III construit en petite série.
Finalement en 1929 Stieger réussit à réunir suffisamment de fonds pour pouvoir fonder sa propre entreprise : Monospar Company Limited. Son idée est de construire un bimoteur de transport haut de gamme permettant l’accueil de trois passagers en plus de son pilote.
Logiquement Helmuth Stieger désigna son avion Monospar S.T.3. Malheureusement pour des raisons purement techniques le prototype de l’avion ne put être assemblé dans les locaux de la société puisque ceux-ci étaient surtout des bureaux d’étude. Aucun atelier n’existait alors.
Un accord fut passé avec le constructeur Gloster, alors connu pour ses chasseurs biplans Gamecock ou encore Grebe, pour que celui-ci assemble le premier appareil.
Extérieurement le Monospar S.T.3 se présentait sous la forme d’un monoplan à aile basse cantilever de construction entièrement métallique. Sa propulsion était assurée par deux moteurs à trois cylindres en étoile Salmson 3Ad d’une puissance nominale de 45 chevaux entraînant chacun une hélice bipale en bois. Largement vitré le nouvel avion disposait d’un train d’atterrissage classique fixe.
C’est dans cette configuration que le premier vol de l’avion eut lieu en octobre 1931.
Malgré de très bons retours sur les vols d’essais le S.T.3 ne fut pas poursuivi. Helmuth Stieger et ses équipes décidèrent de lancer le S.T.4 légèrement amélioré et doté de moteurs britanniques à sept cylindres en étoile Pobjoy R. À la même époque la société Monospar Company Limited disparut au profit d’une nouvelle raison sociale appelée General Aircraft Limited.
Dès lors l’avion devint officiellement le General Aircraft S.T. Monospar. L’ancienne raison sociale fut alors transformée en patronyme de l’avion. Et surtout désormais il n’était plus assemblé chez Gloster mais bel et bien dans les ateliers de son créateur. Au S.T.4 succéda le S.T.6 doté d’un train d’atterrissage escamotable. Particularité c’est une pompe à mains qui permettait la rentrée des roues.
Par la suite General Aircraft développa les S.T.10, S.T.11, et S.T.12 construits à chaque fois à quelques exemplaires. Sur le marché britannique l’avion se vendait bien mais surtout il perçait à l’étranger. Sa robustesse et sa simplicité en faisait un avion idéal pour les compagnies aériennes de troisième zone. On vit arriver des Monospar sous immatriculations civiles brésiliennes, canadiennes, françaises, ou encore lituaniennes.
Fin 1934 un ingénieur britannique proposa à Stieger de développer une version améliorée du Monospar sous la désignation de S.T.25. Si le fuselage était identique la voilure avait été redessinée et affinée. L’empennage classique laissait la place à un modèle double dérive. Cinq passagers pouvaient prendre place à bord mais l’avion avait été pensé pour d’autres rôles comme l’évacuation sanitaire ou encore l’entraînement militaire sur multimoteurs.
Le chef d’entreprise suisse accepta. Et grand bien lui en fasse puisque ce S.T.25 fut la version la plus construite du Monospar avec 60 machines.
Avion profondément civil le General Aircraft S.T. Monospar fut cependant utilisé à plusieurs exemplaires par divers opérateurs militaires. Le premier fut la South African Air Force qui acheta en 1936 un lot de deux S.T.12 pour des missions de liaisons et de transport d’état-major. Quelques exemplaires civils furent pris en compte par les forces républicaines espagnoles qui combattaient les troupes franquistes. Après la victoire des forces nationalistes deux Monospar encore en état de vol furent repris par l’Éjercito del Aire pour des missions de liaisons.
La Seconde Guerre mondiale changea la donne. La Royal Air Force réquisitionna un total de vingt-deux exemplaires entre Noël 1939 et l’été 1940. Dans sa nomenclature ils reçurent la désignation de General Aircraft Jubilee Mk-I. Mais beaucoup de militaires britanniques continuaient à les appeler des Monospar, y compris dans plusieurs rapports officiels.
Des exemplaires étrangers qui se trouvaient sur le sol britannique furent également réquisitionnés et fournis aux Alliés. La délégation de la Royal New Zealand Air Force en Écosse reçut ainsi deux exemplaires désignés Jubilee Mk-II.
En 1942 les jeunes Forces Aériennes Françaises Libres reçurent de leur côté cinq exemplaires, utilisés aussi bien pour le transport d’état-major que pour le soutien aux missions clandestines au-dessus de la France occupée. Pour les pilotes français libres le Monospar S.T.25 était un avion agréable à piloter et pardonnant beaucoup les erreurs.
Durant le conflit des Monospar furent également aperçus sous les cocardes des pays suivants : Brésil, Portugal, Roumanie, Turquie, et Union Soviétique. Dans ce dernier pays il s’agissait d’avions saisis après l’invasion de la Lituanie par l’Armée Rouge.
Si au sein de la Royal Air Force la plus part des Jubilee Mk-I furent remplacés dès la fin 1943 par des Avro Anson Mk-I et des Beechcraft Expeditor Mk-I il en fut tout autrement dans les Forces Aériennes Françaises Libres. Elles purent même récupérer six avions supplémentaires, d’anciens Jubilee Mk-I qui volèrent au sein du fameux N°24 Squadron britannique. Au moins quatre Monospar français furent dotés des fameuses bandes d’invasion et utilisés après le 6 juin 1944 pour le transport d’officiers généraux français. L’un d’eux était fréquemment employé par les généraux Juin et Leclerc.
Une fois la guerre finie seule la France et le Portugal conservèrent leurs General Aircraft S.T. Monospar en service militaire. L’Armée de l’Air renaissante utilisa un total de quatre avions hérités du conflit pour des missions dans les colonies. Deux furent déployés en Indochine comme avions de liaisons et deux autres à Madagascar pour des missions de police aérienne. Dans le jargon colonial des années 1940/1950 il s’agissait d’avions de reconnaissance tactique. Lors des représailles contre la résistance malgache en 1947 l’un des Monospar fut sérieusement endommagé lors d’un raid aérien mené par des trimoteurs Amiot AAC-1 Toucan utilisés comme… bombardiers tactiques.
En 1948 les deux monoplans quittèrent Madagascar et rejoignirent l’Afrique Occidentale Française. Ils y volèrent comme avions de liaisons.
Finalement l’Armée de l’Air se sépara de son dernier S.T.25 à l’été 1949. Ces avions étaient alors totalement obsolètes. Ils furent envoyés à la ferraille.
Au total le General Aircraft S.T. Monospar fut construit à 105 exemplaires dont plus de la moitié participa de près ou de loin à la Seconde Guerre mondiale. Pas mal pour un avion conçu au départ spécifiquement dans un cadre civil.
Aujourd’hui quelques exemplaires sont préservés dans des musées européens, notamment au Danemark et au Royaume-Uni.
En savoir plus sur avionslegendaires.net
Subscribe to get the latest posts sent to your email.