Dès 1937, le gouvernement de l’Australie se prépare au second conflit mondial en construisant une usine d’assemblage d’avions militaires, sachant qu’il ne pourra plus compter sur ses fournisseurs habituels dès le déclenchement des hostilités. Quelque 700 Bristol Beaufort, suivis par des Beaufighter, sont fabriqués à cette usine située tout près de Melbourne. Parallèlement, la production de monomoteurs est surtout assumée par Commonwealth Aircraft avec ses Wirraway, Boomerang et Wackett. L’entreprise de Havilland Australia contribue également à l’effort de guerre en produisant des avions Mosquito et Tiger Moth.
La fin de la guerre réduit drastiquement la demande en avions militaires et l’industrie aéronautique australienne doit se restructurer. Les installations gouvernementales de production d’avions sont regroupées sous l’entité Government Aircraft Factories (GAF) qui se voit confier la fabrication de bombardiers lourds Lincoln, suivis du montage d’une cinquantaine de bombardiers Canberra et plus tard d’une centaine de Mirage IIIO adaptés aux besoins du Royal Australian Air Force (RAAF). Souhaitant diversifier la production d’avions vers le marché civil à la fin des années 1960, les dirigeants de GAF lancent le projet N visant la conception d’un bimoteur léger répondant à la fois aux besoins des forces armées australiennes et à ceux des communautés isolées du «Outback» australien. GAF vise ainsi à développer un avion à décollage et atterrissage courts (ADAC) rustique, facile d’entretien et abordable pour les petits transporteurs, tout comme le DHC-6 Twin Otter canadien.
Désignés N2, deux prototypes sont fabriqués à compter de 1970. Afin de maximiser l’espace intérieur, la carlingue de l’appareil est de forme plutôt carrée et le concept original prévoyait même une queue montée sur charnières qui permettrait d’ouvrir l’arrière du fuselage afin d’embarquer un petit véhicule et des charges encombrantes. Les ailes hautes sont dotées de dispositifs hyper sustentateurs et la motorisation est assurée par deux turbopropulseurs Allison 250-B17C. Lors d’une tournée nord-américaine auprès des motoristes, GAF signe un contrat avec l’américaine Allison Engine Company pour la fourniture des nouveaux turbopropulseurs Allison 250-B17. La famille de moteurs Allison 250, originellement développée pour les hélicoptères, n’a toutefois pas encore fait ses preuves sur des appareils à voilure fixe. Face au turbopropulseur Pratt & Whitney Canada PT6A déjà éprouvé, cette décision viendra hanter la carrière du nouvel avion qui souffrira d’une sous-motorisation.
Le premier des prototypes effectue son vol initial en juillet 1971 et le second en décembre de la même année. Bien que divers noms aborigènes sont considérés, le N2 est finalement baptisé «Nomad». Malgré les critiques de la RAAF suite à l’évaluation de l’appareil, GAF va de l’avant avec le développement d’une version dotée d’une capacité de 12 passagers surtout destinée au marché militaire (N-22) et d’une variante civile allongée (N-24) pouvant en accueillir 17. Dû à une défaillance de l’empennage lors des essais du premier exemplaire du N-24, le pilote en chef chez GAF – Stuart Pearce (père du célèbre acteur Guy Pearce) – perd la vie ainsi qu’un passager.
La production du N-22 a toutefois déjà débutée en mai 1975 et les premiers appareils militaires, nommés «Missionmaster», sont livrés aux forces armées des Philippines. Le N-22 volera en diverses versions sous les cocardes de l’Australie (RAAF et armée), de la Thaïlande, de l’Indonésie ainsi que de la Papouasie et Nouvelle-Guinée. Outre la version de base du Missionmaster, on compte le N-22C dans une configuration tout cargo, de même que le N-22F «Floatmaster» muni de flotteurs. Le N-22 est également aménagé pour des missions de patrouille maritime ainsi que de recherche et sauvetage dans diverses configurations sous le nom «Searchmaster», dont la version N-22B avec un radar Bendix RDR 1400 ainsi que le N-22B-L doté d’un radar à grand angle Litton Canada AN/APS504. Les forces militaires feront également l’acquisition d’un certain nombre de N-24 adaptés à leurs besoins.
Les N-22 et N-24 Nomad civils, seront utilisés par de petits opérateurs répartis dans une dizaine de pays: Australie, Chili, Italie, Malaisie, Nouvelle-Zélande, Paraguay, Samoa, Suisse et Surinam. Le Nomad se distinguera dans sa version «Medicmaster» sous les couleurs du Royal Flying Doctor Service of Australia. Toutefois, les Nomad civils sont surtout utilisés pour desservir de petites communautés isolées ainsi que pour diverses autres tâches utilitaires pour lesquelles ils sont spécifiquement aménagés telles le transport de marchandises avec le «Cargomaster» et le «Surveymaster» pour les relevés aériens. En Nouvelle-Zélande, le Nomad effectue surtout des vols touristiques afin d’admirer fjords, glaciers et montagnes du haut des airs, notamment sous les couleurs de Kiwi Adventure.
Plutôt que pour ses bons services, la notoriété du Nomad viendra plutôt de plusieurs écrasements tragiques attribuables à des défaillances structurelles de l’empennage ainsi qu’au manque de stabilité en vol de l’appareil lorsque mal chargé. Loin du succès commercial escompté, la production du Nomad cesse dès 1984 et atteint tout de même 170 appareils de série dont 95 destinés aux militaires et 75 au civil. Ne trouvant pas preneur au civil, onze Nomad déjà fabriqués sont assignés en 1987 à l’armée australienne pour remplacer ses Pilatus Porter à bout de souffle. Les Nomad sont toutefois cloués au sol dès 1995 par les forces armées australiennes où ils ont acquis la réputation de «Widow Maker».
Suite à ces déboires GAF revient à la production militaire en 1985 avec l’assemblage de F-18 Hornet pour la RAAF et prend le nom d’Aerospace Technologies of Australia (ASTA) avant d’être intégré à Boeing Australia. Tous les droits et services d’après-vente du Nomad sont cédés à l’australienne Gippsland Aeronautics en 2008. Face à la demande pour ce type d’avion, comme en témoigne la remise en production du DHC-6 Twin Otter en 2008 après 30 ans d’interruption, GippsAero envisage d’offrir une version amélioré du N-24, désignée GA18, qui permettra peut-être d’amender la réputation du Nomad.
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