Dès sa mise en place en 1915, et jusqu’à sa disparition trente-cinq ans plus tard, le Koninklijk Nederlands-Indisch Leger sut disposer d’un arsenal aérien souvent très différent de celui du Luchtvaartafdeling , l’ancêtre de l’actuelle Koninklijke Luchtmacht. Destinée uniquement aux missions coloniales aux Indes Néerlandaises ce KNIL passa fréquemment commande aux avionneurs néerlandais mais aussi américains et britanniques de machines qui ne servaient pas aux Pays-Bas. C’est ainsi qu’au cours de la seconde moitié des années 1930 l’avionneur Fokker dut lui développer son propre bombardier moyen. Ainsi naquit le T.IX.
Début 1938 le bombardier moyen standard du KNIL était américain. Il s’agissait du bimoteur Martin Model 139. Cet avion bien que réussi ne présentait pas toutes les caractéristiques des appareils adaptées aux missions tropicales. Aussi son état-major chercha dans les avions alors disponibles sur le marché un appareil capable de remplacer celui-ci. Plusieurs avions américains, britanniques, et français furent sérieusement envisagés : le Breguet Br.693, le Bristol Beaufort, le Douglas B-18 Bolo, le Handley Page Hampden, et enfin le Lioré et Olivier LeO.451. Le KNIL hésita même un temps entre le Beaufort et le LeO 451 avant finalement de faire machine arrière. L’avenir de ses missions de bombardement résidait dans un avion de construction locale. Les sociétés Fokker et Koolhoven furent contactées.
La première déclina très rapidement l’offre tandis que la seconde releva le défi. Le nouvel avion reçut la désignation de Fokker T.IX. Comme à leur habitude les ingénieurs néerlandais commencèrent par regarder ce qui se faisait ailleurs en Europe et dans le monde afin de concevoir un bombardier le plus rationnel possible. Dans un même temps ils se mirent en quête d’un moteur adapté à leur nouvel avion. Rapidement ils comprirent que pour permettre de répondre aux attentes du KNIL il leur fallait une motorisation robuste, rustique, et puissante. Ils s’orientèrent donc vers un moteur à quatorze cylindres en étoile. Leur choix se porta d’abord sur le Pratt & Whitney R-1830 Twin Wasp américain, puis sur le Gnome et Rhône 14N français, avant finalement de définitivement se fixer sur le Bristol Hercules Mk-II britannique. Celui-ci avait une puissance unitaire de 1375 chevaux et entraînait une hélice tripale en métal.
Monoplan à aile basse cantilever de construction 100% métallique le Fokker T.IX possédait donc deux moteurs en étoile Bristol Hercules Mk-II. Il avait été conçu pour accueillir un équipage de cinq hommes. Son armement était d’un canon mobile de calibre 20 millimètres dans le nez, de deux mitrailleuses jumelées de calibre 12.7 millimètres en poste de tir dorsal, et d’une arme similaire en poste ventral. La charge de bombes emportée en soûtes s’élevait à 2000 kilogrammes. Avec son train d’atterrissage classique rétractable se terminant par une roulette de queue et son empennage double dérive le T.IX était un bombardier parfaitement dans l’air du temps. Les designers et ingénieurs néerlandais avaient parfaitement respecter les canons de leur temps. Le prototype fut assemblé au tout début de l’été 1939 et réalisa ses premiers essais de roulage en août.
C’est porteur du numéro de série 970 et des marquages de nationalité du Luchtvaartafdeling qu’il réalisa son premier vol le 11 septembre 1939. L’Europe s’était alors déjà embrasée, la France et le Royaume-Uni ayant choisi de déclarer la guerre à l’Allemagne hitlérienne après que celle-ci ait envahi la Pologne souveraine avec l’assentiment de l’Union Soviétique. Devant les qualités supposées du nouveau bombardier le Luchtvaartafdeling lui-même s’y intéressa. Les essais en furent donc renforcé. Ayant déclaré sa neutralité vis-à-vis de la Seconde Guerre mondiale naissante les Pays-Bas crurent pouvoir poursuivre les essais du T.IX en toute quiétude.
En avril 1940 alors que les forces allemandes se faisaient de plus en plus pressantes en Europe occidentale le programme d’essais du Fokker T.IX connut un souci majeur. Un matin alors qu’il devait réalisé un vol avec charge de bombes simulée le tractage de l’avion se passa mal et celui-ci vînt heurter la porte de son hangar. L’aile fut en partie arrachée. Le vol d’essais annulé et les ingénieurs de chez Fokker appelés en urgence. Leur diagnostique fut sans appel il y en avait au moins pour quatre semaines afin de remettre le prototype en état. Ce qu’ils ignoraient c’est que quand les techniciens et ouvriers auraient fini leurs travaux les Pays-Bas seraient tombés entre les mais de l’Allemagne nazie.
À peine les premières troupes d’occupation entrées dans le pays la Luftwaffe s’intéressa un temps à ce Fokker T.IX. Elle l’envisagea désarmé comme avion d’entraînement avancé avant de finalement y renoncer. Pour ses experts le bombardier néerlandais n’était pas si bon que ce que ses concepteurs voulaient bien le croire. Ils le considérèrent comme équivalent aux premières versions du Dornier Do 17 entrées en service actif trois ans plus tôt. Le programme T.IX fut donc abandonné.
Ferraillé sur place le Fokker T.IX n’est donc en rien parvenu jusqu’à nous. Il fut le dernier bombardier conçu et assemblé par le légendaire constructeur néerlandais. Durant longtemps ce T.IX fut largement sous-estimé par les auteurs de livres d’aviation qui ne voyaient en lui qu’un sous-produit, un avion dérivé de l’excellent hydravion à flotteurs T.VIII W. On sait aujourd’hui que c’est faux. Le T.IX a été réhabilité par des travaux d’historiens à la fin des années 1990 comme avion 100% original.
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