Avec 450 kilomètres de littoral pour seulement 42 677 kilomètres carrés de superficie les Pays-Bas ne sont à priori pas le pays le plus maritime d’Europe. Pourtant c’est une nation qui a très longtemps cru en l’hydravion comme un moyen de force majeur, et ce dès l’entre-deux-guerres. En outre de par leur position de puissance coloniale en Asie les Pays-Bas se devaient de disposer de machines ayant la souplesse d’emploi nécessaire pour patrouilles les centaines d’îles et îlots des Indes Néerlandaises. C’est tout cela qui poussa au développement et à la construction en série du surprenant Fokker T.IV.
Au milieu des années 1920 la Marineluchtvaartdienst, l’aéronavale néerlandaise, disposait principalement d’hydravions allemands et britanniques hérités de la Première Guerre mondiale. Pourtant un effort de standardisation avait été lancé depuis l’année 1924 mais sans réels résultats. Aussi l’état-major de la marine fit savoir à Fokker qu’il recherchait un appareil capable à la fois de patrouilles côtes hollandaises mais également d’assurer l’emprise néerlandaises en Asie. L’avionneur devait donc concevoir un hydravion adapté.
À cette époque son expérience se limitait aux B.I et B.II à coque ainsi qu’aux T.II et T.III à flotteurs. Aucun d’entre eux n’avait été une réussite, tant sur le plan technologique que commercial. Les équipes d’Anthony Fokker débutaient donc le chantier avec méfiance.
Le futur hydravion reçut la désignation de T.IV.
D’autant que la Marineluchtvaartdienst ne souhaitait pas uniquement un hydravion de reconnaissance maritime mais aussi de bombardement et de torpillage.
Les designers et ingénieurs néerlandais se mirent alors en tête de réaliser un hydravion totalement nouveau, vis-à-vis des productions précédentes. Choisissant l’option des deux flotteurs plutôt que celle de la coque ils conçurent en fait un bombardier léger de reconnaissance sur lequel ils ne pensèrent aucun train d’atterrissage. Les premières ébauches donnèrent un appareil très surprenant sur un plan architectural.
Afin de motoriser leur appareils ils envisagèrent plusieurs motoristes comme Hispano-Suiza, Liberty, Lorraine-Dietrich, ou encore Rolls-Royce. Ce fut finalement l’avant-dernier qui l’emporta. Son Modèle 12E Courlis à douze cylindres en W était alors un des moteurs les plus à la mode auprès des constructeurs européens. Il développait 450 chevaux et entraînait une hélice bipale en bois.
Si la motorisation choisie fut française l’armement de son côté fut américain. La manufacture Browning l’emporta sur sa concurrente britannique Vickers. Le Fokker T.IV emporterait donc deux mitrailleuses mobiles de calibre 7.62 millimètres. La charge de bombes de 800 kilogrammes pouvait être remplacée par un torpille de 650 kilogrammes ou des mines anti-sous-marines.
Extérieurement donc le Fokker T.IV se présentait sous la forme d’un hydravion à flotteurs de construction mixte en bois, contreplaqué, et métal. Son aile haute, ses postes de tirs avant et dorsaux, ainsi que son cockpit à l’air libre lui donnaient de forts faux airs de T.III. Pourtant à la différence de celui-ci il disposait d’une soute à armement dernier cri, disposant d’un système d’ouverture à assistance électrique. Le T.IV était servi par un équipage de quatre hommes. Le premier vol du prototype intervint le 7 juin 1927.
Immédiatement après la Marineluchtvaartdienst passa commande pour dix-huit exemplaires de série, six pour les besoins en métropoles et les douze autres pour des missions coloniales.
Les premiers Fokker T.IV entrèrent en service à Noël 1927 au Pays-Bas et en février suivant aux Indes Néerlandaises. Très vite ils permirent un meilleur contrôle des littoraux et des archipels sous leur contrôle. Si l’hydravion était très apprécié aux Indes Néerlandaises il était jugé quelque peu rustique par les équipages métropolitains. De ce fait Fokker révisa sa copie et proposa dès l’été 1929 une version profondément améliorée, désignée T.IVa. Celle-ci disposait d’un nouveau poste de pilotage totalement fermé, de postes de tirs également carénés, ainsi que d’un poste ventrale afin de tirer sur d’éventuels navires ou sous-marins en surface. Une troisième mitrailleuse faisait donc son apparition. Le Lorraine-Dietrich 12E Courlis étant plus adapté aux climats tropicaux les équipes de l’avionneur le remplacèrent par le Wright R-1820 Cyclone à neuf cylindres en étoile d’une puissance de 750 chevaux. Douze exemplaires furent commandés.
Au cours de la même année 1929 le Fokker T.IV enregistra sa seule commande à l’export. L’Aviação Naval Portuguesa fit l’acquisition de trois exemplaires, à moteurs Lorraine-Dietrich, afin de renforcer ses Fokker T.III alors en dotation. Le Portugal employa en fait ses T.IV exclusivement pour des missions de torpillage. Ils restèrent en service jusqu’en 1939.
Dès leur entrée en service au début de l’année 1930 les T.IVa rebattirent les cartes. À eux les Pays-Bas et aux T.IV les Indes Néerlandaises. Bien que plus modernes et disposant d’un poste de pilotage plus confortable les T.IVa n’étaient pas plus adaptés à leurs missions que les T.IV. Pire ils se révélèrent bien souvent très difficile à faire déjauger dès lors que la mer était formée, obligeant bientôt la Marineluchtvaartdienst à les faire opérer depuis un plan d’eau dans les terres. En mission coloniale les T.IV ne semblaient pas connaître de tels désagréments.
Les deux versions volèrent durant toute la décennie 1930. L’émergence d’un Japon ultra impérialiste obligea les Pays-Bas à multiplier ses vols de patrouille tandis que l’apparition des régiments fascistes et nazis, respectivement en Italie et en Allemagne, eut pour effet que le pays chercha de nouvelles alliances. Pourtant des accords germano-néerlandais existaient alors, notamment grâce à Dornier qui fournissait aux Pays-Bas son hydravion à coque Do J Wal. Celui-ci d’ailleurs remplaça dès 1938 les T.IVa encore opérationnels en attendant la livraison des premiers Do 24 commandés spécialement pour cela.
Quelques T.IVa furent alors envoyés en Asie où ils remplirent des missions de recherches et de sauvetages en mer.
Aux Indes Néerlandaises les plus anciens Fokker T.IV furent très vite employés pour des missions de harcèlement contre les navires japonais. Ceux-ci patrouillaient en effet régulièrement les eaux coloniales des Pays-Bas. Lorsqu’au lendemain de l’attaque contre Pearl Harbor les forces impériales nippones lancèrent l’invasion des Indes Néerlandaises les hydravions bimoteurs de Fokker se retrouvèrent en première ligne. Quelques semaines plus tard quatre T.IV lancèrent une attaque contre un des plus gros bâtiments de guerre de la flotte impériale, le croiseur Kirishima. L’état-major leur refusant une attaque à la torpille ils larguèrent chacun deux bombes de 125 kilos sur le navire, n’occasionnant que des dégâts mineurs. Seule une bombe atteignit sa cible. Deux hydravions néerlandais furent descendus par l’artillerie anti-aérienne du croiseur japonais. Ce fut là le seul fait d’armes des Fokker T.IV. Ironie de l’Histoire le Kirishima fut coulé au cours de la même année, également du fait d’avions alliés. C’était à la bataille de Guadalcanal.
Quand les Japonais s’emparèrent des Indes Néerlandaises les équipages de la Marineluchtvaartdienst avaient saboté leurs hydravions afin qu’ils ne tombent pas entre les mains de l’ennemi.
Il est intéressant de voir que sur une carrière d’environ quinze ans les Fokker T.IV ont attendu la dernière année pour avoir droit au feu. Ils n’en demeurent pas moins les hydravions Fokker construits en plus grand nombre avec trente-trois exemplaires.
Il ne reste de nos jours rien d’eux.
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