On l’oublie souvent mais l’industriel Anthony Fokker sut développer un des principaux avionneurs au monde entre la Première Guerre mondiale et jusque dans les années 1970. L’un de ses exploit, outre de s’être réinventé dans son pays natal en 1919, fut de permettre à son entreprise de survivre à l’effondrement des Pays-Bas durant la Seconde Guerre mondiale. Ce qu’il ne vit pas, puisqu’il mourrut fin 1939. À ce titre et à d’autres elle mérite largement de se retrouver au panthéon des grands constructeurs. Ses productions furent multiples dans le domaine militaires, y compris parmi les avions dit de servitude. Dans ce cas de figure ses appareils d’entraînement avaient la réputation d’être robustes et bien pensés même si parfois ils demeuraient très classiques. L’un des exemples les plus criants fut le biplan S.IX.
C’est en 1935 que l’état-major de la Koninklijke Marine fit savoir qu’elle recherchait un nouvel avion susceptible de remplacer les biplans Fokker S.III en service depuis alors onze ans et passablement dépassés. Considérant alors le Koolhoven FK.51 comme trop onéreux pour ses faibles moyens financiers elle demanda à Fokker de développer un avion bon marché et accessible pour elle. Le cahier des charges était alors tellement restreint en matière de motorisation qu’il interdisait à l’avionneur d’aller chercher des moteurs trop puissants de facture américaine, britannique, ou même française. Il lui en fallait un ne développant pas plus de 170 chevaux.
Le marché étant alors limité à entre vingt-cinq et trente avions l’avionneur tenta également sa chance auprès de la Luchtvaartafdeling, l’aviation militaire. Et l’idée marcha. Cependant les aviateurs exigèrent de disposer d’un moteur différent de celui des marins, les rivalités étant alors très importantes entre les deux composantes de la défense néerlandaise. Ironie de l’Histoire ce sont les aviateurs qui passèrent commande en premier pour vingt exemplaires fermes ainsi qu’une option pour vingt machines supplémentaires. La Luchtvaartafdeling y voyait une occasion de se défaire de ses Fokker S.IV d’entraînement basique.
Ayant reçu la désignation de Fokker S.IX le nouvel avion fut donc pensé en deux versions. Le premier était le S.IX/1 doté d’un moteur britannique Armstrong Siddeley Genet Major IV à cinq cylindres en étoile d’une puissance de 165 chevaux. Il était destiné à la Luchtvaartafdeling. Le second était le S.IX/2 possédant un moteur américain Menasco Buccaneer B6 à six cylindres en ligne d’une puissance de 168 chevaux. Les deux versions disposait d’une hélice bipale en métal. Afin de ne pas être à la traîne l’aéronavale néerlandaise passa sa commande pour vingt-sept exemplaires alors même que l’avion n’avait pas encore volé et qu’il allait débuter ses essais avec le moteur Genet Major IV.
Extérieurement le Fokker S.IX se présentait sous la forme d’un très académique biplan à ailes décalées et envergure égale. Si le fuselage était assemblé en tubes d’aciers recouverts de panneaux de contreplaqué la voilure était de son côté encore construite en bois. L’ensemble de l’avion était recouvert de toile. De cette manière Anthony Fokker garantissait un avion bon marché et adapté à l’entraînement de base. Pour le reste toujours dans un esprit de classicisme l’élève pilote et son instructeur prenaient place dans deux postes de pilotages à l’air libre, séparés l’un de l’autre. En outre le S.IX possédait un train d’atterrissage classique fixe et un empennage de petite taille. Il n’était pas armé.
Il réalisa son premier vol le 1er novembre 1937 sous le code temporaire X-3.
Logiquement c’est la Luchtvaartafdeling qui fut servie en premier puisqu’elle avait commandé ses avions avant la Koninklijke Marine, et même si cette dernière était à l’origine du programme. Les aviateurs reçurent leurs Fokker S.IX entre mars 1938 et juillet 1939 tandis que les marins durent attendre avril 1939 pour recevoir leurs premiers exemplaires. Et jamais ils ne reçurent leur pleine dotation, devant se contenter de quinze exemplaires seulement. La Seconde Guerre mondiale changea radicalement la donne.
Bien que théoriquement neutre en septembre 1939, ce qui permit à Fokker de poursuivre les livraisons de S.IX/2, elle tomba au printemps 1940. Au 10 mai 1939 quand les Dornier Do 17 et Junkers Ju 88 de la Luftwaffe commencèrent à bombarder les Pays-Bas la flotte d’avions d’entraînement Fokker S.IX se résumait aux vingt exemplaires de la Luchtvaartafdeling et aux quinze de la Koninklijke Marine. Devant la nette supériorité des Messerschmitt Bf 109 et Bf 110 sur les chasseurs néerlandais l’état-major ordonna immédiatement de clouer au sol tous les avions d’entraînement. Ils auraient représenté une cible de choix pour l’aviation allemande.
Cette interdiction de vol ne concernait en fait pas les avions mais leur mission d’entraînement primaire. En effet les Fokker S.IX ne mirent pas longtemps à reprendre les airs, pour des missions de liaisons mais aussi d’observation ou de surveillance côtière. Et ce qui devait arriver arriva : ils rencontrèrent la chasse ennemie. Les valeureux pilotes néerlandais n’avaient aucune chance face aux avions de l’Allemagne nazie ; ils se firent littéralement découper par eux. Au soir du 28 mai 1940 alors que la Belgique venait de capituler sept pilotes néerlandais montèrent à bord de quatre S.IX encore en état de vol, trois exemplaires de la Luchtvaartafdeling et un de la Koninklijke Marine. Au nez et à la barbe des Allemands ils décollèrent et traversèrent la Mer du Nord avant de venir se poser dans le sud de l’Angleterre. Ils avaient compris que c’était de là que la guerre allait se poursuivre.
Chacun de leur côté Allemands et Britanniques testèrent alors le petit biplan d’entraînement. Le résultat fut que ni la Royal Air Force ni la Luftwaffe n’acceptèrent au service, même de manière restreinte, les exemplaires qu’elles avaient entre leurs mains. Pourtant de l’avis même des instructeurs néerlandais le Fokker S.IX était un excellent avion d’entraînement basique, pardonnant beaucoup les erreurs de pilotage.
Après guerre trois exemplaires ayant survécu aux combats furent rachetés par des clients civils et volèrent jusque dans les années 1960 comme avions de tourisme. La preuve que malgré des nécessités d’économie ils avaient été bien pensés. Il ne semble plus rien rester d’eux de nos jours.
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