Durant l’entre-deux-guerres en l’absence notable des avionneurs allemands, réduits à la clandestinité ou à l’exil du fait des clauses du Traité de Versailles de 1919, des constructeurs purent dans des pays émergents se faire une place au soleil. Ce fut le cas d’Anthony Fokker aux Pays-Bas, et ce malgré son travail avec l’Allemagne durant la Grande Guerre. La société créée par l’ingénieur fut une des plus florissantes d’Europe et conçut des machines tous azimuts, et notamment des avions de chasse. Si certains entrèrent dans la légende des airs d’autres n’eurent comme réel intérêt que d’avoir finalement existés et d’avoir dépassés l’état de prototype. Le méconnu Fokker D.XVI entre à sa manière un peu dans les deux cas.
Au lendemain de la Première Guerre mondiale le Luchtvaartafdeling, l’ancêtre de l’actuelle Koninklijke Luchtmacht, récupéra au titre des dommages de guerre un nombre important de chasseurs Fokker D.VII. Celui-ci était alors ce qui se faisait de mieux dans l’arsenal allemand. Durant une décennie il forma donc l’épine dorsale de la chasse néerlandaise. Pourtant en 1928 il fut décidé de lui donner un successeur sous la cocarde des Pays-Bas. Les généraux se tournèrent donc logiquement vers Anthony Fokker et ses ingénieurs.
Entre 1918 et 1928 ceux-ci avaient produit plusieurs modèles de chasseurs assez réussis, d’ailleurs jamais adoptés par le Luchtvaartafdeling, et vendus exclusivement à l’export à l’image des Fokker D.XI et D.XIII. Cette fois donc ils étaient appelés d’une certaine manière à jouer à domicile. Le cahier des charges était simple : un chasseur pur, pas de bombes, un moteur d’au moins 450 chevaux, et une autonomie d’au moins trois heures. Les généraux néerlandais voulaient que leur nouveau chasseur puisse tenir les mêmes caractéristiques que les avions équivalents en service en France, en Italie, ou encore au Royaume-Uni.
L’avionneur s’intéressa à plusieurs moteurs britanniques et français avant de jeter le dévolu sur l’Armstrong Siddeley Jaguar Mk-VI de 460 chevaux. Celui-ci était un modèle à quatorze cylindres en étoile et entraînait une hélice bipale en métal et bois. Désigné Fokker D.XVI il était construit autour d’un fuselage en tubes d’aciers recouverts de toile. Biplan décalé d’envergure inégale sa voilure était quant à elle assemblée en bois, contreplaqué, et toile. Le pilote prenait place dans un cockpit à l’air libre et disposait d’un bon champ de vision. Son armement se composait de deux mitrailleuses FN de facture belge de calibre 7.92 millimètres tirant les mêmes cartouches que le D.VII. Ces mitrailleuses étaient synchronisées. Avec son train d’atterrissage classique fixe et son patin de queue le Fokker D.XVI était totalement dans l’air du temps.
Son prototype vola pour la première fois en juillet 1929.
Le Luchtvaartafdeling passa commande pour quatorze exemplaires de l’avion dont les premiers entrèrent en service dès l’été 1930. Le Koninklijk Nederlands Indisch Leger qui assurait les missions aériennes coloniales aux Indes Néerlandaises demanda également qu’un avion soit produit pour ses soins, à fins d’expérimentations. Malheureusement celles -ci ne furent pas concluantes et l’avion retourna aux Pays-Bas afin d’être absorber par le Luchtvaartafdeling. L’exemplaire coloniale fut alors désarmé et employé comme avion de propagande lors des meetings aériens en Europe.
Dans les rangs du Luchtvaartafdeling le Fokker D.XVI se révéla rapidement assez apprécié des pilotes qui lui reconnaissaient d’être plus manœuvrable que son prédécesseur. Surtout il volait plus vite en ligne droite, en phase ascensionnelle, et prenait des virages plus serrés. Aux yeux des pilotes néerlandais c’était là un bon chasseur. Aussi Fokker ne tarda pas à le proposer à l’export. Il fut essayé par la Chine, par l’Italie, et par la Roumanie qui firent chacune construire un exemplaire. Si aucun de ces pays ne passa de commande seules les deux derniers restituèrent leur D.XVI. La Chine conserva le sien et l’utilisa un temps comme avion d’entraînement avancé à la chasse. La Hongrie passa un accord pour deux avions neufs et autour du rachat des exemplaires italiens et roumains. Elle fut de ce fait le seul pays étranger à l’utiliser comme chasseur.
À l’instar de la majorité des chasseurs monoplaces biplans de la fin des années 1920 le Fokker D.XVI se déprécia assez vite. Et le constructeur eut alors l’idée de déposer le moteur. L’Armstrong Siddeley Jaguar Mk-VI laissa alors la place à un Curtiss V-1570 Conqueror américain à douze cylindres en V d’une puissance de 600 chevaux. Si cette modification n’intéressa personne elle donna l’idée à Anthony Fokker de faire naître un «petit frère» au D.XVI. Le Fokker D.XVII était né.
Finalement les Pays-Bas conservèrent leurs Fokker D.XVI jusqu’au printemps 1939, les remplaçant par des monoplans D.XXI nettement plus modernes. De son côté la Hongrie les alignait encore lorsque la Seconde Guerre mondiale éclata. On ignore cependant ce qu’il advint d’eux, on sait juste qu’ils furent remotorisés en 1936 avec des Bristol Jupiter britanniques fabriqués sous licence française par Gnome & Rhône.
Ni la Hongrie ni les Pays-Bas n’ont conservé le moindre exemplaire de l’avion, de ce fait aucun D.XVI n’est parvenu jusqu’au 21e siècle.
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