La première moitié des années 1920 ne fut pas exactement ce qu’on pourrait qualifier d’âge d’or de l’aviation militaire. En effet les différents avionneurs eurent le plus grand mal à faire fructifier leurs acquis datés de l’époque 1914-1918 du fait justement de l’omniprésence sur le marché de seconde main des avions hérités de la guerre. Dans le même temps de nombreux constructeurs avaient disparus une fois la paix revenue, et pas uniquement en Allemagne ou dans l’ex empire d’Autriche-Hongrie. Aussi les rares succès de l’époque sont souvent d’importance notable à l’image du biplan d’envergure inégale Fokker C.IV.
En 1921 l’état-major de la Luchtvaartafdeling, l’ancêtre de l’actuelle Koninklijke Luchtmacht, fit savoir qu’elle cherchait un nouvel avion destiné aux missions de reconnaissance tactiques. Le marché était alors établi à trente machines avec une option pour dix supplémentaires destinées à servir aux Indes Néerlandaises.
Le marché étant limité aux seuls avionneurs locaux il se résuma donc à un duel entre Fokker et Koolhoven. Le premier proposa un biplan désigné C.IV, conservant ainsi la nomenclature née sous l’empire allemand. Le second avança une machines assez différente sous la forme du monoplan parasol FK.31. Chacun des deux compétiteurs avait ses avantages et ses inconvénients mais avant même leurs premiers respectifs l’état-major néerlandais sélectionna l’avion de Fokker. Son concurrent retrouva finalement des couleurs sur le marché d’export, notamment auprès de la Finlande.
Extérieurement pourtant le Fokker C.IV n’avait rien d’extraordinaire. C’était un biplan d’envergure inégale assemblé en bois entoilé et contreplaqué dont les traits extérieurs trahissaient la filiation avec le Fokker C.I de la Première Guerre mondiale. Sa motorisation était assurée par un Napier Lion à douze cylindres en W d’une puissance de 450 chevaux entraînant une hélice bipale en bois. Pour le reste il possédait un train d’atterrissage classique fixe se terminant par un patin de queue. Le pilote et l’observateur prenaient place dans un cockpit biplace en tandem à l’air libre. L’armement du C.IV se composait de quatre mitrailleuses Vickers de calibre 7.7 millimètres, deux tirant en position de chasse et deux sur affût mobile arrière Scarff.
C’est dans cette configuration que le prototype vola au printemps 1923.
L’option initiale pour dix avions supplémentaires destinés à l’aviation coloniale néerlandaise fut à la même époque transformée en commande ferme. La Luchtvaartafdeling acheta donc quarante Fokker C.IV, trente pour les Pays-Bas et dix pour les Indes Néerlandaises. Ces derniers furent cependant dotés d’un moteur à douze cylindres en V Rolls-Royce Eagle VIII réputé plus adapté aux climats asiatiques que le Napier Lion. Ne développant que 300 chevaux celui-ci obligea Fokker à revoir sa copie en matière d’armement, réduisant sur ce C.IVa l’armement offensif à une mitrailleuse en position de chasse. L’armement défensif demeurait lui identique.
Les trente C.IV entrèrent en service début 1924 et les dix C.IV à la fin de la même année.
Les autorités néerlandaises ayant autorisé Anthony Fokker à proposer son avion de reconnaissance à l’étranger il entama en 1924 une grande tournée européenne. Son C.IV fut essayé par l’Aeronáutica Militar, l’Aéronautique Militaire, la Regia Aeronautica, et la Royal Air Force. L’ingénieur néerlandais insista auprès des autorités britanniques et françaises sur la capacité d’intervention coloniale de son biplan. Pourtant malgré des essais réussis seule l’Espagne passa commande pour douze exemplaires. Ils furent construits sous licence locale par les ateliers Loring dans la banlieue de Madrid et entrèrent en service en 1925. L’Aeronáutica Militar était alors le seul pays étranger à faire voler le C.IV.
En 1925 l’US Army Air Signal commença à vouloir à son tour uniformiser sa flotte d’avions d’observation militaire. Une compétition fut lancée en ce sens, à laquelle participaient des avions de sa propre conception, via l’Engineering Division.
Anthony Fokker qui lorgnait déjà sur le marché américain décida d’avancer une version adaptée de son biplan, sous la série C.IVb dotée d’un moteur à douze cylindres en V Liberty L-12 conçu et assemblé aux États-Unis. Celui-ci développait 420 chevaux. Ce moteur obligea l’avionneur à rallongé le fuselage de vingt-quatre centimètres, pour des raisons de stabilité.
Le Fokker C.IVb fut essayé par l’US Army Air Service sous la désignation XCO-4. Il affrontait d’ailleurs deux biplans issus de l’Engineering Division et globalement jugés moins intéressant que l’avion néerlandais. De ce fait deux CO-4 de présérie et cinq CO-4A de série furent officiellement commandés par l’USAAS.
Le XCO-4 fut ensuite transformé en XAO-1, sur lequel les mitrailleuses avant avaient éé déposées. Le XAO-1 devait préfigurer un futur avion de guidage des tirs d’artillerie, une procédure en réalité caduque en Europe et pour laquelle les militaires américains ne menèrent pas de recherches supplémentaires. Le Fokker XAO-1 termina sa carrière comme avion de soutien aux essais en vol pour le compte du NACA, l’ancêtre de l’actuelle NASA.
Les sept CO-4/CO-4A eurent une carrière relativement courte puisqu’en 1929 ils furent remplacés par des Douglas O-2H jugés bien plus modernes.
L’utilisateur le plus important numériquement parlant du Fokker C.IV fut la jeune aviation militaire soviétique qui en 1925 fit l’acquisition de cinquante-cinq exemplaires. Ces avions avaient pour rôle de contrôler l’immensité des frontières terrestres de l’URSS. Leur standard était rigoureusement le même que celui des avions en services aux Pays-Bas. Là encore ils n’eurent cependant pas une carrière très longue puisqu’en 1933 ils furent remplacés par des Polikarpov R-5 de conception et de construction indigène.
En fait les deux carrières les plus longues pour cet avion néerlandais sont à chercher chez ses deux premiers clients : les Pays-Bas et l’Espagne.
En effet sans jamais l’engager dans la moindre opération militaire la Luchtvaartafdeling conserva ses trente avions jusqu’en 1935, les remplaçant par des Fokker C.V plus modernes et mieux armés. C’est sous les couleurs de l’Aeronáutica Militar que le Fokker C.IV connut le feu. Ils participèrent de 1925 à 1927 aux combats de la guerre du Rif où forces espagnoles et françaises affrontaient la résistance anti-coloniale marocaine. Les biplans de l’aviation espagnole assuraient des missions de reconnaissance à basse et moyenne altitude au-dessus des zones contrôlées par les forces marocaines.
De retour en Espagne ils furent utilisés surtout pour des missions de surveillance des Pyrénées, frontière naturelle avec la France. Quand la guerre civile éclata à l’été 1936, entre forces républicaines et troupes franquistes huit C.IV étaient encore en état de vol. Ils furent capturés par les troupes du Caudillo qui les employèrent jusqu’en au début de l’année 1937. Ils furent ensuite ferraillés car considérés comme obsolètes.
Bien moins célèbre que le C.V qui lui succéda sur les chaînes de montage le Fokker C.IV fut cependant un appareil important dans l’histoire de l’avionneur néerlandais. Il lui permit de remettre le pied à l’étrillé après la guerre 14/18. Au moins trois exemplaires civils ont existé pour des raids longue distance l’un pour joindre Amsterdam à Tokyo, le deuxième pour une exploration aérienne de l’Alaska et des îles Aléoutiennes, et le troisième pour une liaison entre Tacoma dans l’état de Washington et là encore la capitale japonaise. Ce dernier est d’ailleurs préservé actuellement par le Transportation Museum de Owls Head dans l’état du Maine. Aucun Fokker C.IV militaire n’est parvenu jusqu’à nous.
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