Fiat RS.14

En 1925 l’ingénieur allemand Claude Dornier créa en Italie une entreprise de conception et de construction aéronautique appelée CMASA, pour Costruzioni Meccaniche Aeronautiche Società Anonima. Neuf ans plus tard elle fut intégrée à la branche aviation du géant automobile Fiat sur ordre des autorités fascistes. Entre temps Dornier avait confié les bureaux d’études à deux ingénieurs locaux : Giuseppe Gabrielli et Manlio Stiavelli. Pour le compte de Fiat la CMASA développa plusieurs aéronefs dont un superbe hydravion de reconnaissance à long rayon d’action : le bimoteur RS.14.

C’est en 1938 que la Regia Aeronautica demanda à Fiat de travailler sur un hydravion à flotteurs de reconnaissance et de lutte anti-sous-marine. Contrairement au CRDA – CANT Z.506 Airone le nouvel appareil n’était pas dédié au torpillage mais uniquement à l’attaque à l’aide de charges de profondeurs et de mines. Il n’était donc pas nécessaire d’utiliser une soute à munition particulièrement longue. Chez Fiat c’est l’ingénieur chef de la CMASA, Manlio Stiavelli, qui fut chargé du dossier. Celui-ci prit la désignation temporaire de Ricognizione Stiavelli.

Celui-ci décida de faire appel au moteur à quatorze cylindres en étoile Fiat A.74-RC38, le même qui équipait le chasseur lourd Ro.57 alors en développement chez Meridionali. D’une puissance de 840 chevaux et entraînant une hélice tripale en métal il s’agissait d’un des moteurs les plus fiables et les plus modernes alors disponible en Italie. L’armement défensif du Ricognizione Stiavelli tournait autour d’une mitrailleuse lourde de calibre 12.7 millimètres en tourelle dorsale et de deux armes similaires de calibre 7.7 millimètres tirant au travers d’embrasures dans le fuselage. La charge offensive de l’hydravion était de 400 kilogrammes de charges de profondeurs et de mines. Des bombes classiques pouvaient également être, à l’occasion, emportées.
En terme d’architecture Manlio Stiavelli avait recherché la pureté aérodynamique. Son hydravion était donc doté de deux flotteurs particulièrement fins et d’un fuselage étudié afin d’être le plus racé possible. Sous bien des aspects il ressemblait au Heinkel He 115 allemand mais avec une esthétique plus poussée. Son vol inaugural eut lieu en mai 1939.

La Regia Aeronautica passa commande pour 185 exemplaires de série, en plus de ce prototype. Assemblés par les ateliers de la CMASA et baptisé Fiat RS.14, reprenant ainsi en initiales le nom de Ricognizione Stiavelli , il entra en service dans l’aviation fasciste en mai 1941. Très rapidement cet hydravion se tailla une excellente réputation dans les rangs de l’aviation italienne. Destiné à des missions de reconnaissance maritime et de lutte anti-sous-marine il était stationné sur l’ensemble du littoral de la Botte. D’autres avaient été envoyés en Sardaigne et en Sicile. Dès l’été 1941 il devint un des cauchemars des sous-mariniers britanniques présents en Méditerranée. Opérant depuis les deux îles il n’était pas rare que des RS.14 de la Regia Aeronautica se hasardent jusqu’aux limites des côtes espagnoles en chasse de submersibles de la Royal Navy sortant de Gibraltar.

Particularité notable quand les vingt derniers Fiat RS.14 sortirent des usines CMASA fin septembre 1943 ils furent directement saisis par les forces de l’Aeronautica Cobelligerante Italiana. Mises sur pieds quelques jours plus tôt elles ne possédait aucun aéronef neuf, en dehors de ces hydravions. Ils avaient en fait été dérobés par un commando de pilotes à l’issu d’une audacieuse opération. Ils furent repeints à la va-vite aux couleurs des Italiens co-belligérants, c’est à dire utilisant la cocarde italienne que l’on connait encore aujourd’hui.
Pour l’Aeronautica Cobelligerante Italiana le Fiat RS.14 fut surtout employé afin de traquer les sous-marins allemands qui maraudaient en Méditerranée occidentale.

Il est à signaler que la CMASA fut chargée par Fiat de travailler sur une version terrestre du RS.14. Désignée AS.14, pour Assalto Stiavelli, cet avion était dédié à l’attaque au sol à l’aide d’un puissant canon de calibre 37 millimètres monté dans le nez ainsi que de deux mitrailleuses lourdes de calibre 12.7 millimètres, l’une dans le nez et la seconde dans la tourelle dorsale héritée de l’hydravion. L’AS.14 disposait d’un train d’atterrissage classique escamotable. Il pouvait emporter jusqu’à 250 kilogrammes de bombes incendiaires.
Ce prototype vola en août 1943. Malheureusement la défaite italienne dans le sud du pays scella son sort. Le prototype en resta là.

Une fois la Seconde Guerre mondiale terminée en Europe, au printemps 1945, une dizaine de Fiat RS.14 demeura en service dans la jeune Aeronautica Militare. Désarmés et réaménagés ils réalisèrent des missions de liaisons et de soutien opérationnel. Leurs modifications leur permettaient d’accueillir quatre passagers ou de transport 250 kilos de fret léger. Ils furent pourtant retirés du service à Noël 1948.

Jamais exporté le Fiat RS.14 demeure un des hydravions italiens les plus aboutis de la Seconde Guerre mondiale. Maniable et bien armé défensivement parlant il n’était pas réputé être une cible très facile pour les pilotes de chasse américains et britanniques.
Il ne reste de nos jours aucun exemplaire de ce très élégant hydravion militaire.