Toujours bien plus connu comme un mythique constructeur automobile l’industriel Fiat participa pourtant activement à l’essor de l’aviation italienne. Dès sa fondation en 1908 l’entreprise sut s’entourer d’ingénieurs aux talents indéniables dont les plus célèbres furent Giovanni Ansaldo, Celestino Rosatelli, ou encore Giuseppe Gabrieli. Ce dernier notamment accompagna l’avionneur dans sa transition entre les appareils à moteurs à pistons et ceux à réacteurs, développant plusieurs machines restés dans l’histoire aéronautique. L’une d’elle fut même le dernier avion Fiat, avant que cette branche aéronautique ne fusionne avec Aerfer pour donner naissance à Aeritalia. Il s’agit de l’intercepteur léger et avion de reconnaissance tactique Fiat G.91Y.
C’est au cours de l’année 1965 que Giuseppe Gabrieli eut l’idée assez surprenante de donner une succession à son avion d’attaque au sol et chasseur léger Fiat G.91, alors connu sous le surnom de Gina. Pourtant si ce dernier résultait d’un programme officiel soutenu à la fois par l’Aeronautica Militare et par l’OTAN le futur avion était une idée originale et fut développé en partie sur fonds propres. En fait l’ingénieur en chef de Fiat prévoyait ni plus ni moins que de reprendre la cellule de l’avion existant et de déposer le réacteur Rolls-Royce Orpheus d’origine pour le remplacer par deux General Electric J85-GE-13A. Passer d’un monoréacteur à un biréacteur était une idée surprenante, mais à laquelle adhéra très rapidement le conseil d’administration de Fiat.
L’assemblage de deux prototypes désignés G.91Y fut lancé officiellement au début de l’année 1966.
Si extérieurement très peu de choses permettaient de distinguer le Fiat G.91Y du G.91R d’origine il fallait en fait aller voir l’arrière de l’avion. Deux sorties de réacteurs indiquaient que l’on avait affaire au nouvel avion. Chaque J85-GE-13A développait 1234 kg de poussée à sec et 1850 kg avec post-combustion. L’avionique fut rajeunie avec notamment un nouveau collimateur tête haute ainsi qu’une chaîne de communication encryptée fournie par l’équipementier français Thomson-CSF. Le G.91Y fut le premier avion italien doté d’un siège éjectable zéro-zéro, c’est à dire utilisable à l’altitude zéro et à la vitesse zéro. Par ailleurs l’armement fut lui aussi revu et corrigé. Les quatre mitrailleuses américaines Colt-Browning de calibre 12.7 millimètres laissèrent la place sur le premier prototype à deux canons mitrailleurs Aden Mk-4 britanniques de calibre 30 millimètres.
C’est dans cette configuration que le premier vol intervint le 27 décembre 1966.
Malgré un intérêt certain pour l’avion l’Aeronautica Militare avait quelques hésitations, notamment au niveau de l’armement interne du chasseur léger. Fiat décida donc en juin 1967 de dénoncer le contrat avec Aden et de se tourner vers son principal concurrent européen, la Direction des Études et Fabrications d’Armement sise à Roanne en France. Ses canons DEFA 551 de calibre 30 millimètres étaient alors jugés globalement plus efficaces. On les retrouvait notamment sur Dassault Super Mystère B2 et sur Dassault Mirage III.
Un contrat fut également signé avec la Societe Nouvelle des Etablissements Brandt afin que l’armurier français fournisse sa fameuse roquette air-sol de 68 millimètres disponible en paniers de dix-huit et de dix-neuf projectiles. Grâce à cette arme Fiat espérait pouvoir vendre son G.91Y aux forces de l’OTAN. Le nez tronqué de l’avion accueillait de son côté deux appareils photos et une caméra pour les vols de reconnaissance. En novembre 1967 le gouvernement italien passa commande pour vingt exemplaires dont quatre de présérie.
Ils commencèrent leurs vols d’essais en mars 1968 et furent officiellement acceptés au service en août de la même année. L’Aeronautica Militare devenait ainsi la cliente de lancement de ce nouveau Fiat G.91Y. L’avionneur en développa deux sous-versions : le biplace de transformation opérationnel G.91YT et le monoplace d’interception G.91YS. Seule cette seconde fut construite en série, l’existence du G.91T empêchant le développement de la première.
Sur G.91YS seuls deux points d’emports de voilure étaient disponibles et plus quatre. Ils avaient été redessinés et l’avionique modifiée afin de permettre l’emport et le tir de deux missiles AIM-9B Sidewinder.
En 1969 l’usinage du Fiat G.91Y fut repris par Aeritalia sans pour autant que l’avion ne prenne la nouvelle raison sociale. C’est à ce moment là qu’une nouvelle commande fut passée par l’Aeronautica Militare pour quarante-cinq exemplaires de série supplémentaires, dont vingt G.91YS. Dans la logique de guerre froide de cette fin des années 1960 et début des années 1970 les chasseurs légers équipés de missiles Sidewinder devaient pouvoir assurer la défense aérienne le long de l’Adriatique, face aux chasses albanaises et yougoslaves. Et à l’usage le G.91Y s’avéra être un avion bien plus puissant et manœuvrable que le G.91R d’origine. Pourtant cela ne lui attira aucun client étranger, même l’Allemagne de l’Ouest et le Portugal le boudaient.
Le dernier Fiat G.91Y fut livré à l’Aeronautica Militare à l’été 1976. Malgré son aspect alors assez vintage voire franchement dépassé ce petit biréacteur était particulièrement apprécié des pilotes italiens. Il réalisait pour eux autant des missions de reconnaissance armée (dans ce cas avec deux paniers à 19 roquettes SNEB) que de défense aérienne et d’interception. Bien entendu les Lockheed F-104S Starfighter n’étaient jamais bien loin en cas de besoin.
Le début des années 1980 et l’apparition de plus en plus fréquente de navires de guerre soviétiques en Méditerranée centrale et occidentale offrit aux G.91Y un nouveau rôle : spotter naval. Depuis les bases continentales et insulaires italiennes ils réalisaient des approches à basse altitude des dits navires et les photographiaient sous toutes les coutures. Si aucun panier à roquettes n’était alors emporté les canons mitrailleurs étaient eux bien alimentés en obus de 30 millimètres. On ne sait jamais.
À partir du début des années 1990 l’AMX A-1 italo-brésilien commença à remplacer les plus anciens des Fiat G.91Y. À Noël 1993 seuls les avions dédiés à la pure défense aérienne restaient encore en dotation. Ils furent à leur tour envoyé à la retraite quelques mois plus tard en octobre 1994 alors que leur remplaçant avait été trouvé mais pas encore livré : l’impressionnant Panavia Tornado ADV européen.
Les soixante-cinq Fiat G.91Y de série et les deux prototypes furent donc les derniers avions Fiat. Ils ne furent cependant pas la dernière création de Giuseppe Gabrieli qui s’illustra ensuite avec l’étonnant avion de transport tactique Aeritalia G.222.
De nos jours plusieurs G.91Y sont préservés dans des musées aéronautiques italiens.
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