Fiat CR.1

Comme d’autres pays européens l’Italie se lança dans les années 1920 dans une série de développements d’avions et d’hydravions militaires. Elle ne voulait plus être dépendante des productions britanniques et françaises qui représentaient alors la très grande majorité de ses aéronefs. Parmi les premiers avionneurs transalpins figurait Fiat Avazzione, la branche aéronautique du constructeur automobile turinois. Celui-ci avait embauché à la fin de la décennie un brillant jeune ingénieur nommé Celestino Rosatelli, lequel lui créa un chasseur novateur : le CR.1.

Alors qu’aucun programme n’avait été officiellement lancé par Rome l’ingénieur proposa à ses employeurs de développer un nouveau chasseur doté d’une architecture innovante. Celle-ci s’articulait autour d’une voilure en sesquiplan inversé, où donc le plan supérieur était plus petit que le plan inférieur, et disposant de mâts triangulés. Il s’agissait de la technique dite de Warren, du nom de l’ingénieur britannique qui l’avait pensé quelques mois plus tôt. Rosatelli croyait dur comme fer dans cette architecture censée offrir une maniabilité accrue ainsi qu’une meilleure vitesse ascensionnelle.
Giovanni Agnelli, alors patron de Fiat, fut séduit et passa commande pour deux prototypes sous les désignations de MM.1 et MM.2.

Rosatelli avait cependant un souci majeur : aucun motoriste italien n’était en mesure de lui fournir la propulsion désirée. Il choisit le moteur à 8 cylindres en V Hispano-Suiza 8F de facture française d’une puissance de 300 chevaux entraînant une hélice bipale en bois. Ce moteur refroidi par eau fut assemblé localement par Isotta Fraschini.
Pour le reste le gros des éléments des MM.1 et MM.2 étaient fabriqués localement, notamment les armatures en bois et métal ainsi que le tissu qui recouvrait le fuselage. Son train d’atterrissage classique fixe et sa béquille de queue étaient de leur côté usinés directement dans les ateliers automobiles de Fiat. Niveau armement l’ingénieur fit appel à des Vickers britanniques de calibre 7.7 millimètres synchronisées et jumelées.
C’est dans cette configuration que le MM.1 réalisa son vol inaugural en novembre 1923.

La jeune Regia Aeronautica décida de tester l’avion, devenu entre temps Fiat CR.1. Il fut mis en compétition avec le très élégant SIAI S.52 issu des travaux d’Alessandro Marchetti.
Contre toutes attentes le CR.1 remporta le marché et fut immédiatement commandé à cent quarante exemplaires. Les cent premiers devaient être assemblés par Fiat et les quarante suivant sous-traités à Meridionali, un atelier aéronautique napolitain proche du nouveau pouvoir fasciste.
Les premiers exemplaires entrèrent en service dans l’aviation italienne en octobre 1924, soit moins d’un an après le premier vol du prototype. Quelques mois après qu’une première escadrille ait été déclarée opérationnelle une seconde commande pour cent exemplaires fut passée. Malheureusement Fiat ne pouvait pas l’assurer en raison d’autres programmes et seuls vingt furent assemblés dans ses usines turinoises, les autres l’étant chez SIAI.

En parallèle que la Regia Aeronautica mit en service le Fiat CR.1, en faisant même de lui au début de l’année 1926 son principal chasseur, l’avionneur chercha des débouchés internationaux. Des pistes furent avancées avec la Belgique et la Pologne sans que finalement aucun des deux pays n’en commande. Finalement le seul client à l’export fut la Lettonie qui acheta neuf avions afin d’en équiper son aviation navale. Non embarqués les CR.1 y assuraient des missions de chasse côtière. Elle les conserva jusqu’en 1936.

Dans les rangs de la Regia Aeronautica la carrière du Fiat CR.1 fut typique des chasseurs de l’entre-deux-guerres. En effet le sesquiplan inversé ne participa à aucune mission de guerre, se contentant bien souvent de réaliser des vols de défense aérienne. La majorité des exemplaires basés en Italie fut retirée du service au cours de l’année 1930, bien qu’un détachement stationné sur l’île grecque de Rhodes vola dessus jusqu’à Noël 1936. À cette époque le CR.1 était totalement dépassé.

Afin de tenter de poursuivre le succès de l’avion Rosatelli imagina le CR.5 sur lequel la voilure en sesquiplan avait repris une forme plus académique, avec le plan plus court en bas. Développé autour de deux moteurs italiens mais reprenant 80% des éléments du CR.1 cet avion ne dépassa pas le stade expérimental. L’échec du CR.5 amena Fiat à concevoir son très réussi CR.20.

Avec deux cent quarante exemplaires en service en Italie et neuf en Lettonie le Fiat CR.1 permit d’asseoir la réputation de Celestino Rosatelli. Celui-ci devint par la suite le père de quelques-uns des avions les plus emblématiques de l’aviation fasciste, tels le bombardier BR.20 Cigogna ou encore le chasseur CR.42 Falco. Aucun CR.1 n’est parvenu jusqu’à nous.
Contrairement à une idée reçue les initiales CR ne reprennent pas celles de l’ingénieur mais sont la contraction de Caccia Rosatelli, c’est à dire Chasse Rosatelli.