Si la Première Guerre mondiale vit apparaître les concepts de bombardement aérien et de chasse elle permit aussi à d’autres, moins médiatisés, de se développer. Ce fut notamment le cas de la patmar, la patrouille maritime. À l’époque celle-ci se faisait quasi exclusivement à l’aide d’hydravions à coques qui restèrent les maîtres des océans jusqu’au début des années 1950 et l’apparition des avions à turbopropulseurs. Un des premiers hydravions réellement réussis remplissant ce rôle était britannique : le Felixstowe F.5.
C’est à l’été 1917 que le Royal Naval Air Service réclama à l’avionneur Felixstowe de développer un hydravion de reconnaissance lointaine et de patrouille destiné à surveiller les eaux britanniques ainsi que l’Atlantique nord. L’idée était que le nouvel aéronef reprenne les grandes lignes des F.2 et F.3 précédemment développés mais en y ajoutant des évolutions notables. Le RNAS sentait alors bien que la marine impériale allemande était proche du point de rupture et allait abandonner la guerre océanique au profit d’une guerre côtière.
Les résultats de la demande officielle prirent la forme du Felixstowe F.5.
S’il ne pouvait nier sa filiation avec le F.2 le nouvel hydravion n’était pas à sa différence une évolution britannique du Curtiss H-12 américain. Le F.5 était bel et bien un nouvel hydravion.
Doté d’une coque à double redan et assemblé en bois et contreplaqué il possédait une voilure type biplan d’envergure inégale. Deux flotteurs annexes étaient installés sous le plan inférieur de voilure tandis que les quatre membres d’équipage prenaient place dans un poste de pilotage à l’air libre. La motorisation s’articulait autour de deux Rolls-Royce Eagle Mk-VIII à douze cylindres en V d’une puissance unitaire de 350 chevaux.
Connu sous sa désignation militaire N90 le prototype du F.5 déjaugea pour son premier vol le 7 novembre 1917.
Le lendemain de ce vol inaugural le Royal Naval Air Service passa commande pour cinquante exemplaires du Felixstowe F.5. Malheureusement le programme subit un énorme retard du fait de l’incapacité de Rolls-Royce à livrer en temps et en heures les moteurs nécessaires ainsi certains équipements hydrauliques. Au final quand les six premiers exemplaires entrèrent en service le RNAS n’existait plus. Nous étions le 5 novembre 1918. En avril de la même année les Royal Flying Corps et Royal Naval Air Service avaient fusionné pour donner naissance à l’actuelle Royal Air Force.
Six jours après la livraison de ces premiers hydravions à la RAF la Première Guerre mondiale cessait.
Pour autant cela ne sonna pas le glas du F.5. Consciente des enjeux à venir la RAF maintînt les commandes, faisant de cette machine son principal hydravion de reconnaissance maritime et de patrouille océanique.
Dans le même temps Felixstowe enregistra une commande de la part de l’US Navy. Celle-ci voulait faire du F.5 son principal hydravion de reconnaissance maritime. Néanmoins le gouvernement américain exigeait qu’il soit doté d’une motorisation locale, sous la forme du fameux Liberty L-12 à douze cylindres en V d’une puissance nominale de 400 chevaux. Ce que l’avionneur et le gouvernement britannique acceptèrent.
La version américaine du F.5 fut donc désignée F.5L, cette lettre rappelant le mot Liberty. Un prototype et un exemplaire de présérie furent construits par Naval Air Factory sur la côte est américaine avant que le contrat ne soit officiellement passé pour 225 exemplaires de série. Extérieurement la différence la plus notable concernait le nouvel empennage, plus massif.
Naval Aircraft Factory ne pouvant pas assumer seule la construction des F.5L elle délégua une partie de la charge industrielle à Canadian Aeroplanes Ltd et Curtiss pour respectivement trente et soixante machines. Elle assura le reste.
Ironie de l’Histoire Curtiss avait conçu l’hydravion à l’origine du Felixstowe F.2 et se voyait désormais contraint d’assembler sous licence son ultime descendant.
Début 1919 l’arsenal japonais Hiro obtint lui aussi une licence d’assemblage pour douze Felixstowe F.5 livrés en kit par bateau. L’année suivante il reçut l’autorisation de produire ses propres machines, des Hiro F.5J à hauteur de quinze hydravions supplémentaires. En fait les trois derniers furent construits par Aichi.
Alors que le succès international du Felixstowe F.5 était total l’hydravion connaissait aussi une belle carrière dans son pays d’origine. Fiable, bien motorisé, bien armé il n’avait quasiment aucun défaut. Outre la protection des espaces maritimes de l’empire colonial britannique le rôle de ces hydravions était de s’assurer que l’Allemagne respectait les clauses navales du Traité de Versailles. Les F.5 de la RAF survolaient donc fréquemment les ports allemands de Mer du Nord et de Baltique.
Finalement la RAF les retira du service à partir de 1925 au profit du très réussi Supermarine Southampton.
Fait intéressant les Hiro F.5J et Naval Aircraft Factory F.5L donnèrent chacun naissance à deux hydravions totalement nouveaux qui marquèrent chacun leur époque dans leurs pays respectifs : le Hiro H1H et le Naval Aircraft Factory PN. Une version civile commerciale du F.5L fut fabriquée aux États-Unis comme Aeromarine Type 75 capable de transporter dix passagers.
Quand au F.5, il n’eut aucun descendant direct au Royaume-Uni. L’entreprise disparut en 1919 et ses actifs furent repris par Short.
Comme nombre d’autres aéronefs apparus fin 1918 le Felixstowe F.5 eut une carrière militaire finalement décevante. Pourtant il permit à l’US Navy de défricher le domaine de vol des hydravions patrouilleurs, ce qui allait devenir rapidement une de ses spécialités.
Toutes versions confondus ce sont 390 exemplaires qui en furent produits.
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