Au lendemain de la Première Guerre mondiale l’aviation avait pris un essor incontestable. Les quatre années de conflit avaient fait passer les aéroplanes de frêles appareils d’observation et de réglages de tirs d’artilleries à de véritables machines de guerre lourdement armées. Mais surtout elles avaient permis d’envisager désormais d’utiliser les avions afin de transporter des passagers, un concept né durant la guerre mais n’ayant pas dépassé le stade de la planche à dessins. Et c’est avec un gros biplan bimoteur que l’avionneur français Farman marqua les années 1920 aussi bien dans l’aviation commerciale balbutiante que dans celle de bombardement : le F.60 Goliath.
À l’été 1918 les bureaux d’étude de Farman se lancèrent dans le développement d’un bombardier lourd capable de transporter une tonne de bombes jusqu’à plus de 1250 kilomètres de sa base. Initialement connu comme FF.60 il fut baptisé Goliath. Pour beaucoup il s’agissait alors d’une évolution du très réussi bombardier F.50 construit quelque mois auparavant à une centaine d’exemplaires.
Mais alors que les travaux allaient dans le bon sens et que le premier des trois prototypes prévus était en phase finale d’assemblement le conflit s’arrêta. L’Aéronautique Militaire Française décida d’annuler son contrat de développement.
C’est alors que les ingénieurs de Farman eurent l’idée d’adapter leur FF.60 Goliath au transport de passagers. Cette technique existait déjà outre-Manche où plusieurs bombardiers légers Airco D.H.9 avaient été modifié afin d’accueillir entre deux et trois passagers en plus du pilote. Mais aux vues du bimoteur français on pouvait alors envisager de dépasser les dix passagers, un nombre alors jamais encore atteint.
Quand le prototype vola en janvier 1919 l’aménagement intérieur laissait même entrevoir une capacité pour quatorze passagers. Finalement la majorité des avions furent vendus en configuration pour douze passagers sous la désignation de Farman F.60 Goliath.
Les soixante exemplaires furent vendus principalement à des compagnies aériennes naissantes comme Air Union en France ou encore la SABENA en Belgique. Les Farman F.60 Goliath permettaient à leurs douze riches passagers de relier Paris à Londres en à peine plus de trois heures et demi, un record pour l’époque. Mais un tel vol n’était alors à la portée que d’une élite financière très restreinte. D’autant que voler à bord d’un Goliath n’avait rien d’un voyage d’agrément. Il n’y avait ni chauffage ni repas à bord, et les passagers prenaient place dans d’inconfortables sièges en osier. Mais qu’importe au début des années 1920 voyager en Farman F.60 et sa version améliorée F.60Bis était le nec plus ultra du chic. Les premiers étaient mus par deux moteurs en étoile Salmson CM.9 de 260 chevaux chacun et les seconds par deux Salmson 9Az de 300 chevaux.
Au début de l’été 1920 l’état-major français fit volte-face et revint sur sa décision. Il passa commande pour deux cent Farman F.60BN2, une version de bombardement et de torpillage pour les besoins de l’Aéronautique Militaire Française et de la Marine Nationale. En lieu et place des passagers c’était 1000 kilos de bombes qui se trouvaient à bord, ou bien une torpille. Une soute à bombes fut installée là où jadis se trouvait la cabine des passagers.
Une dizaine d’entre-eux fut livré à la jeune aéronavale française sous la désignation F.60 Torp., il s’agissait d’hydravions à flotteurs de torpillage.
Dès lors plusieurs sous-versions de bombardement furent réalisées sous les désignations F.62, F.63, F.66, et F.68. Si la majorité fut prise en compte par les forces françaises quelques autres exemplaires furent cependant exportés. C’est ainsi que des dérivés du Farman F.60 Goliath se retrouvèrent sous les cocardes belges, espagnoles, italiennes, japonaises, péruviennes, polonaises, roumaines, soviétiques, et tchécoslovaques.
La Pologne fut numériquement, avec 32 exemplaires de la version spéciale F.68BN4, l’utilisateur extérieur le plus important de cet avion. Ces machines servirent jusqu’à l’entrée en guerre contre l’Allemagne nazie en septembre 1939. Ils étaient alors bien sûr totalement dépassés et de ce fait obsolètes.
Les derniers dérivés du Farman F.60 Goliath volèrent au sein de l’aviation française jusqu’en novembre 1934, assurant alors la formation avancé des équipages de bombardiers et d’avions de reconnaissance. Entre temps beaucoup avaient volé en Afrique sub-saharienne et au Maghreb dans des missions officiellement désignées de police. Il s’agissait en fait pour la France mâter la résistance anti-coloniale dans ces territoires. Dans ce cas le Goliath et sa tonne de bombe faisaient figures d’ultime recours.
Il est à noter qu’à la toute fin de sa carrière Farman proposa le Goliath dans le cadre d’une fiche programme de la toute jeune Armée de l’Air. En août 1934 en effet il fut opposé au Lioré et Olivier Leo.213, bien plus moderne et évolué, dans le cadre d’un programme visant à fournir le premier avion de transport militaire français. Et cette fois-ci le biplan de Farman échoua. Le Leo.213 entra ainsi dans l’histoire aéronautique française.
Le Farman F.60 Goliath a donné naissance à deux machines très différentes qui ne peuvent pas être considérés comme des sous-versions : l’hydravion de reconnaissance et de bombardement F.65 et le prototype de bombardier lourd quadrimoteur F.140 Super Goliath.
De nos jours un fuselage de Farman F.60 Goliath est conservé par le Musée de l’Air et de l’Espace. Une manière pour les visiteurs de le comparer avec les Boeing 747 et Airbus A380 exposés sur le tarmac voisin. Les historiens de l’aviation s’accordent sur le fait que si le Goliath fut essentiel à l’aviation commerciale naissante son rôle en tant que bombardier était beaucoup plus négligeable. Dans ce dernier cas les avionneurs britanniques faisaient déjà mieux à la même époque.
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