Comme dans la majorité des grands domaines de l’aviation militaire la reconnaissance aérienne, et notamment stratégique, est née durant la Première Guerre mondiale. À cette époque, comme de nos jours, le besoin des états-majors en renseignement d’origine aéroportée était permanent. Bien sûr la technologie étant très différente à cette époque il s’agissait surtout de photographie aérienne ou de reconnaissance à vue. C’est en France, dans les ateliers des frères Farman qu’est apparu celui qui est considéré dans le monde entier comme le premier véritable avion de reconnaissance stratégique : le F.40 Horace.
C’est au cours de l’année 1915 que les frères Farman eurent l’idée de mettre en commun leurs savoir-faire, en fusionnant leurs deux bureaux d’études. Et l’une de leurs premières décision fut de développer deux avions très similaires dans leur architecture mais dans leur mission principale : un chasseur et un avion de reconnaissance. Le premier fut désigné F.30 et le second F.40. En fait ces deux machines devaient beaucoup au bombardier MF-11 conçu quelques temps plus tôt.
Dès le départ l’état-major français fut intéressé et passa commande pour vingt-cinq F.30 et vingt F.40. Pour autant les ennuis s’accumulèrent rapidement dans le développement du premier, si bien que le programme fut annulé quelques temps après le premier vol de ce prototype de chasseurs. Seule une dizaine d’avions fut produite.
Et très vite les frères Farman se concentrèrent sur le F.40 allant même jusqu’à le proposer dans une version de chasse lourde désignée F.40P et armée en plus de sa mitrailleuse mobile Lewis de calibre 7.7mm de facture britannique de six à dix fusées Le Prieur, les ancêtres des actuelles roquettes. Le prototype du F.40 réalisa son premier vol en décembre 1915.
Extérieurement le Farman F.40 se présentait sous la forme d’un biplan d’envergure inégale monomoteur construit en bois et toile. Son moteur à huit cylindres en V Renault 8Gc d’une puissance de 132 chevaux entraînait une hélice propulsive bipale en bois. L’avion disposait donc d’une grande visibilité sur l’avant et les côtés. Une ouverture fut réalisée dans le poste de pilotage afin d’installer un appareillage de photographie assez volumineux permettant la reconnaissance aérienne. Dans ce cas seule la mitrailleuse Lewis était emportée, les fusées Le Prieur étant destinées uniquement aux versions de chasse spécialisées.
Par ailleurs le F.40 possédait un empennage d’un nouveau modèle ainsi qu’un train d’atterrissage classique fixe à quatre roues se terminant par un patin de queue.
Les premiers exemplaires entrèrent en service dans l’Aéronautique Militaire Française en janvier 1916. Ils furent baptisé, officieusement, Horace. Un nom qui allaient leur coller.
Et très rapidement ces avions de reconnaissance furent engagés au-dessus des tranchées et positions allemandes. Il n’était d’ailleurs pas rare que les aviateurs français troquent le volumineux appareil photo par un plus petit bricolé à partir d’un appareil portatif. Dans ce cas là ils pouvaient emporter avec eux entre 25 et 50kg de bombes légères à mains.
Les Farman F.40 devinrent très vite, dès l’hiver-printemps 1916, de précieux auxiliaires militaires. Dans le même temps les premiers chasseurs F.40P entrèrent en service en mars de la même année et se spécialisèrent dans l’attaque des dirigeables allemands, les tristement célèbres Zeppelins.
Dès les premiers engagements de ces monomoteurs des accords furent passés pour la fourniture aux nations alliées de la France en commençant bien sûr par le Royaume-Uni et la Russie, au nom de la triple entente. Mais des exemplaires prirent également le chemin des escadrilles belges, grecques, italiennes, norvégiennes, roumaines, et serbes.
En 1917 quand le corps expéditionnaire américain arriva en France le Farman F.40 Horace fut parmi les premiers avions versés à ses pilotes avec le bombardier Breguet Br 14 et le chasseur Nieuport 17. Les aviateurs venus des États-Unis disposaient ainsi d’une trentaine de ces machines, les premiers avions de reconnaissance à porter des codes américains.
Sans jamais être un avion particulièrement robuste, le Farman F.40 avait la réputation d’encaisser très correctement les tirs venant du sol. La DCA allemande tentant souvent d’abattre ces gros biplans patauds. En fait c’est la chasse ennemie qui se fit une spécialité avec ces avions de reconnaissance. Pour autant ils demeurèrent en service jusqu’à la fin des hostilités et volèrent même dans la plus part des pays jusqu’au début voire au milieu des années 1920. Dans la jeune Union Soviétique ils furent notamment utilisés pour tenter de repérer les factions demeurées fidèles au tsar et à sa famille.
Lorsqu’en 1920 l’US Army Air Service quitta l’Europe une quinzaine de F.40 fut embarquée à bord de deux cargos à destination des États-Unis. Ils symbolisaient la naissance de la reconnaissance aérienne américaine.
Aujourd’hui on ignore le nombre exact de Farman F.40 Horace construits entre 1915 et 1918. Ce qui est sûr c’est qu’il dépasse 2500 exemplaires, ce qui en fait un des avions de reconnaissance français parmi les plus prolifiques. Les F.40P représenteraient environ 5% de ce total.
D’une certaine manière cet avion français est donc l’ancêtre des actuels Boeing RC-135 River Joint, et ça c’est classe !
En savoir plus sur avionslegendaires.net
Subscribe to get the latest posts sent to your email.