Fairey Campania

L’aéronautique militaire a su durant la Première Guerre mondiale accoucher de quelques concepts nouveaux, à défaut pour certains d’être novateurs. Pourtant s’il en est un qui demeure d’actualité plus d’un siècle plus tard c’est bien celui de l’aviation embarquée. Pour faire simple il s’agit de faire transporter par des navires des aéronefs, aujourd’hui pilotés ou non, jusqu’à un certain point des mers et océans puis les lancer et les récupérer. C’est le principe des porte-aéronefs et des porte-avions. Sauf qu’aux origines les appareils en question étaient des hydravions, principalement à flotteurs, et que les navires en question ressemblaient d’avantage à des bâtiments civils qu’à autre chose. Ainsi le tout premier aéronef conçu dans ce sens fut britannique : le Fairey Campania.

Quand en mai 1893 le paquebot transatlantique britannique RMS Campania réalisa sa première croisière pour le compte de la compagnie maritime Cunard personne sans doute ne pensait qu’une vingtaine d’années plus tard il passerait sous l’étendard de la Royal Navy. C’est en effet le 27 novembre 1914, alors que la guerre venait d’éclater en Europe, que le RMS Campania devint le HMS Campania. Pourtant l’amirauté britannique ne cherchait pas à posséder de navire de luxe, l’idée était ailleurs. Renvoyé en chantier naval il vit ses équipements commerciaux déposés tandis que huit canons de 120 millimètres avaient été installés. Surtout le chantier naval Cammell Laird de Birkenhead avait installé des rampes pour le lancement de quatre hydravions légers d’observation Sopwith Schneider.
L’emploi opérationnel du transport d’hydravions HMS Campania dès l’été 1915 démontra toute la validité du concept : chaque hydravion emportant un poste TSF observateur pouvait transmettre au navire les positions des bâtiments allemands, notamment les kiosques des sous-marins.

Pourtant très rapidement les amiraux londoniens se rendirent compte que le Sopwith Schneider était un peu léger comme avion. En effet lorsqu’il avait repérer une cible il lui était impossible d’engager le combat contre lui. Une demande fut alors émise afin que la Royal Navy dispose d’un hydravion plus conforme à la mission de surveillance et d’observation antinavires et anti-sous-marins que le Schneider. Le cahier des charges fut publié en février 1916.
Le premier à dégainer fut Short qui proposa une version de son remarquable Type 184 alors déjà en service dans les rangs du Royal Naval Air Service. Sopwith lui emboita le pas avec le Baby, un hydravion d’observation armé lui aussi déjà en dotation. Le constructeur Pemberton-Billing proposa de son côté le surprenant Flying Boat à coque développé avec l’aide d’ingénieurs de l’Air Department. Enfin sans trop y croire Fairey proposa de son côté l’hydravion F.16. Les budgets militaires étant alors pléthoriques c’est bien ce dernier qui fut choisi, l’amirauté estimant que pour chaque nouvelle mission il fallait un nouvel appareil.
Dans le même temps certains officiers défendaient plutôt l’usage du Short Type 184 qui avait déjà fait ses preuves. Ils n’eurent jamais gain de cause.

Extérieurement le prototype Fairey F.16 n’avait rien d’extraordinaire. C’était un hydravion à flotteurs biplan et monomoteur. Il était assemblé en bois entoilé et contreplaqués. Sa voilure avait été conçu pour se replier vers l’arrière afin de faciliter l’entreposage de l’hydravion. Ses deux membres d’équipage prenaient place dans un poste de pilotage à l’air libre en tandem. L’hydravion était animé par un Rolls-Royce Eagle Mk-IV à douze cylindres en V d’une puissance de 250 chevaux entraînant une hélice quadripale en bois.
Son armement se composait d’une mitrailleuse défensive Lewis de calibre 7.7 millimètres installée sur affût mobile arrière et de six bombes légères de 53 kilogrammes chacune montées deux par deux sous le fuselage et le plan inférieur de voilure.
C’est dans cette configuration que le premier vol eut lieu le 16 février 1917.

Les essais en vol démontrèrent rapidement une relative instabilité lors des phases d’amerrissages. Les ingénieurs de Fairey eurent alors l’idée d’ajouter deux flotteurs externes sous l’intrados du plan inférieur et de déposé l’Eagle Mk-IV au profit d’un Eagle Mk-V de 275 chevaux. De même les pipes d’échappement verticales furent remplacées par des modèles horizontaux courant le long du moteur et du fuselage. Le pilote gagna ainsi en champs de vision. Modifié de la sorte l’appareil prit la désignation constructeur de Fairey F.17.
Soixante exemplaires de série furent alors commandés sous la désignation Fairey Campania, du nom donc du navire sur lequel ils devaient servir.

Ironie de l’Histoire lorsque les huit premiers Fairey Campania entrèrent en service actif dans le Royal Naval Air Service en juin 1917 le HMS Campania était au port pour diverses réparations. Ils furent donc affectés à bord des transports d’hydravions HMS Nairana et HMS Pegasus. Ils portaient ainsi le nom d’un navire sur lequel ils ne servaient pas encore.
Ce fut finalement chose faite quelques semaines plus tard.
Et très vite les Fairey Campania démontrèrent de réelles améliorations par rapport aux Sopwith Schneider. Lourdement armés, manœuvrables, et très stables en vol ils permirent de mener la guerre navale dans les meilleures conditions possibles. Leurs bombes faisaient mal aux navires de guerre et submersibles allemands.

Il est à signaler qu’à partir du trente-quatrième exemplaire de série l’hydravion prit la désignation constructeur de F.22. Cela résultait d’un changement de motorisation, au profit du Sunbeam Maori Mk-II de 260 chevaux conservant l’architecture en V et les douze cylindres. Ce moteur fut utilisé jusqu’à la fin sur Campania.

Parallèlement aux actions de guerre contre la flotte allemande les Fairey Campania du HMS Nairana participèrent à l’été 1918 au coup de force mené par le Royaume-Uni en Russie. Celui-ci avait pour but de tenter de remettre sur son trône la famille impériale. Les hydravions à flotteurs furent engagés dans des bombardements contre les forces bolchéviques notamment dans le delta de la Dvina septentrionale. Finalement les forces britanniques se rendirent compte que leur raid était perdu d’avance et mirent fin à leur corps expéditionnaire.
La fin de la Première Guerre mondiale en novembre 1918 sonna peu à peu le glas pour le Fairey Campania. L’hydravion fut déclaré obsolète durant l’été 1919 et rayé des cadres de la jeune Royal Air Force en octobre de la même année.
Tous les exemplaires encore en dotation furent envoyés à la ferraille.

S’il ne reste aujourd’hui plus rien de lui le Fairey Campania a tout de même une place à part dans l’histoire de l’aviation. Premier hydravion conçu spécifiquement pour servir depuis un navire de guerre il est de ce fait le premier véritable aéronef embarqué. Par la suite l’avionneur sut développer plusieurs excellents avions embarqués comme les bombardiers torpilleurs Swordfish puis Barracuda ou encore l’avion de lutte anti-sous-marine Gannet.
Contrairement à une idée reçue longtemps entretenue par des publications aéronautiques peu regardantes avec la véracité historique le Campania n’a aucune parenté avec le Fairey N.9 considéré comme l’ancêtre du mythique Type III.