Durant la période de l’entre-deux-guerres, la filiale canadienne de Fairchild installée à Longueuil au Québec se démarqua dans la conception et la fabrication d’avions de brousse appréciés, tels les FC-71 et FC-82. L’entrée en guerre du Canada aux côtés de la Grande-Bretagne en 1939 va toutefois contraindre cet avionneur à abandonner la fabrication d’avions civils au profit de l’effort de guerre. Ainsi, près de 630 bombardiers légers Bolingbroke sortiront de l’usine de Longueuil. Fairchild Canada va également assembler 300 exemplaires SB2C Helldiver pour le compte de l’US Navy. Tournant à plein régime durant la guerre, l’industrie aéronautique canadienne fut contrainte de rapidement se réorienter vers le marché civil la paix revenue.
Bien que grandement apprécié par les pilotes de brousse, l’outillage nécessaire à la production du FC-82 fut malencontreusement détruit durant la frénésie de la guerre. Conséquemment, les ingénieurs chez Fairchild se lancèrent dans la conception d’un nouvel avion de brousse. L’aéronef qu’ils conçoivent, le F-11 Husky, est le premier avion de brousse canadien entièrement métallique, à l’exception de ses ailes en partie entoilées. Très robuste, il intègre de nombreuses innovations, dont une porte sous le fuselage arrière afin de faciliter la manutention de cargaisons encombrantes. Aussi bien disponible en version hydravion que terrestre, le F-11 peut facilement troquer ses roues pour des skis en hiver. Le prototype du F-11 vole pour une première fois en juin 1946.
Fairchild a alors bon espoir d’obtenir une commande du Ontario Provincial Air Service (OPAS). À l’époque, le service aérien du gouvernement ontarien souhaite moderniser sa flotte de surveillance forestière. L’OPAS s’engage à commander au moins 25 exemplaires de l’aéronef qui sera choisi. De Havilland Canada espère aussi décrocher cet important contrat. Son nouvel avion de brousse en développement, le DHC-2 Beaver, n’effectuera toutefois son vol initial qu’en août 1947. La direction de l’OPAS décide néanmoins d’attendre afin de mettre à l’essai les deux aéronefs. Bien que la cabine du Husky soit plus spacieuse que celle du Beaver et qu’il soit apprécié par le pilotes d’essais de l’OPAS, ceux-ci déplorent sa sous-motorisation. L’OPAS choisit finalement le Beaver et deviendra le plus important opérateur parapublic de cet avion de brousse avec plus d’une quarantaine d’exemplaires en service. Le fait que De Havilland Canada soit implanté en Ontario a sans doute également joué en faveur du DHC-2 Beaver.
Toujours est-il que ce verdict ne fit rien pour mousser les ventes du F-11 Husky. Aussi, dans ces premières années d’après-guerre, des centaines d’avions de brousse Noorduyn Norseman démobilisés des forces aériennes américaine et canadienne inondèrent le marché civil à bas prix. Côté militaire, le F-11 Husky fit chou blanc, l’Aviation royale canadienne lui préférant le DHC-3 Otter comme successeur du Norseman. Tout au plus, une douzaine de F-11 Husky trouvèrent preneur dans le marché civil ainsi qu’auprès des services aériens gouvernementaux du Manitoba (3 appareils) et de la Saskatchewan qui utilisa son seul exemplaire comme avion ambulance pour desservir les communautés isolées.
Principal opérateur privé du Husky, Nickel Belt Airways compta parmi son personnel nulle autre que Violet Milstead, la première femme pilote de brousse au Canada. En 1949, le propriétaire de ce transporteur aérien acheta les droits de production et toutes les pièces de rechange du Husky. Ayant échoué sa transition d’après-guerre, Fairchild Canada fermait définitivement ses portes l’année suivante.
Au milieu des années 1950, les droits F-11 Husky passèrent aux mains d’un homme d’affaires de Vancouver qui mit sur pied l’entreprise Husky Aircraft. Reprenant une solution initialement envisagée par Fairchild, cette nouvelle entreprise tenta de régler le problème de sous-motorisation du Husky en remplaçant le Pratt & Whitney Wasp Jr (450CH) d’origine avec un moteur plus puissant, soit un Alvis Leonides (550CH). Malgré des performances ainsi améliorées, le fait que le F-11-2 Husky soit le seul avion de brousse nord-américain muni d’un moteur britannique n’enchanta guère les pilotes et les mécanos. Obtenir des pièces de rechange pour un moteur aussi exotique dans le fin fond des Territoires du Nord-Ouest, du Yukon ou de l’Alaska pouvant s’avérer difficile, le Super Husky ne connût guère plus de succès. Seule une demi-douzaine de F-11-1 furent ainsi reconvertis et la production du Husky ne fut jamais relancée. Attirant les regards par leur silhouette inhabituelle, de rares F-11 Husky besognèrent tout de même jusqu’au début des années 1980.
Ainsi prit fin la saga du F-11 Husky qui aurait pu devenir un des avions de brousse canadiens les plus réussis du 20ème siècle, n’eût été de décisions malheureuses pour sa motorisation. Ironie du sort, un grand nombre de DHC-2 Beaver poursuivent leur carrière à ce jour, alors que le F-11 Husky est devenu une pièce de musée. On peut en admirer un exemplaire au Canadian Bushplane Heritage Centre situé à Sault Ste. Marie en Ontario, alors qu’un autre est préservé dans la collection de réserve du Musée de l’aviation et de l’espace du Canada à Ottawa.
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