En juin 1996 le mythique constructeur allemand Dornier est au bord du gouffre. Les dettes s’accumulent et les clients se font de plus en plus rares. Celui qui reste à l’origine des fameux Do 17 et Do 335 de la Seconde Guerre mondiale puis du Do 27 de la guerre froide n’est alors plus que l’ombre de lui-même. La société est à deux doigts de disparaitre totalement. C’est un autre avionneur, américain celui-là qui le sauve : Fairchild. L’entreprise mont la société Fairchild Dornier Germany dont elle possède 80% des actifs. Les 20% restants sont le fait de l’industriel allemand DASA. Cependant en 2000 cette dernière revend ses parts afin de grimper dans l’aventure européenne EADS. Dornier est de ce fait totalement aspiré dans le groupe américain, disparaissant définitivement du paysage aéronautique allemand. La seule véritable production germano-américaine de Fairchild demeure un petit avion de ligne biréacteur : le Fairchild 328 Jet.
Quelques mois après la création de Fairchild Dornier Germany les ingénieurs allemands proposent de développer un avion permettant de concurrencer la montée en puissance des premiers jets régionaux, les Bombardier CRJ100 canadiens et Embraer ERJ135 brésiliens. Malgré quelques hésitations de la part de l’actionnaire majoritaire américain le projet semble viable car peu coûteux en matière de développement pur. Les équipes proposent de baser leur travail sur le bimoteur à turbopropulseur Dornier Do 328 alors en service un peu partout dans le monde. Une manière plutôt intelligente de réduire les coûts de recherches et de développements.
L’absence sur ce segment des avionneurs vedettes Airbus et Boeing est perçue comme une opportunité par Fairchild. Un temps désigné Dornier Do 328-300 puis Do 328 Jet le projet sera finalement lancé sous le patronyme de Fairchild 328 Jet.
Très rapidement Fairchild Dornier Germany identifie le turbofan Pratt & Whitney Canada PW306B comme idéal pour leur futur avion de ligne. Un choix qui surprend alors car celui-ci dérive directement du PW305/PW306A conçu spécifiquement pour l’aviation d’affaire et non pour le transport commercial régulier. On retrouve alors de tels réacteurs sur des avions comme le Bombardier Learjet 60 canadien ou l’IAI Galaxy israélien. Le Fairchild 328 Jet devient le premier avion de ligne articulé autour de ce réacteur bon marché.
Pour le reste l’avion est quasi identique au Do 328 à turbopropulsion.
Dès le départ Fairchild Dornier Germany a des idées de grandeurs pour son avion. Deux versions principales sont proposées le 328 Corporate Shuttle destiné au transport de 34 passagers en classe unique et le 328 Business Jet adapté à l’accueil de 14 personnes dans un luxe impressionnant.
Le 20 janvier 1998 les pilotes d’essais allemands Meinhardt Feuersenger et Peter Weger réalisent le premier vol du prototype. Il faut attendre juillet 1999 pour que la double certification de type américaine et européenne autorise le début de sa carrière commerciale.
La compagnie aérienne de lancement du Fairchild 328 Jet est Atlantic Coast Airlines. Ce transporteur américain a acheté soixante-deux exemplaires de la version de ligne. En fait ils ne porteront jamais ses couleurs puisque les trente premiers voleront au sein de Delta Connection et les trente-deux suivant pour United Express. En Europe le biréacteur germano-américain connait également un début de succès, très relatif finalement car son prix d’achat est globalement 5 à 10% plus élevé que celui de ses concurrents directs. Surtout le Fairchild 328 Jet est un avion de ligne sous-dimensionné. Là où les compagnies aériennes entendent transporter 45 à 50 passagers sur les autres avions elles ne peuvent en accueillir que 34 sur Fairchild 328 Jet.
Quand en 2000 DASA quitte le programme laissant Fairchild seul aux commandes la version d’affaire est rebaptisé Fairchild Envoy 3.
Dès le départ de sa carrière, c’est à dire juste après avoir reçu ses certifications de type, le Fairchild 328 Jet tente sa chance sur les marchés militaires et parapubliques. Sauf qu’il n’a rien d’un avion de transport tactique et qu’il est trop onéreux pour représenter un avion de transport léger efficace. Finalement seule la police fédérale mexicaine fera le choix de l’avion, achetant un exemplaire pour des missions de transport international. Il est fréquemment employé en direction des États-Unis.
En 2002 Fairchild, désormais seul aux commandes, jette l’éponge. Non seulement son aventure allemande a été un échec avec seulement 110 exemplaires de son biréacteur construit mais en plus elle a fragilisé l’avionneur. L’année suivante l’industriel américain disparaît à son tour, happé en grande partie par la société M7 Aerospace et plus faiblement par le géant Lockheed-Martin.
C’est ce dernier qui en 2008-2009 va donner une seconde vie au Fairchild 328 Jet en modifiant en profondeur un exemplaire afin de tester les concepts de productions d’avions de transport en matériaux composites. Le programme appelé ACCA, pour Advanced Composite Cargo Aircraft, est confié aux ingénieurs du très secret bureau d’étude des Skunk Works. Le biréacteur ainsi modifié devient le Lockheed-Martin X-55.
Hormis ce démonstrateur technologique plusieurs programmes ont essayé de dériver directement du Fairchild 328 Jet. Le premier est le Fairchild 428 Jet, une version rallongée prévue pour accueillir 45 à 50 passagers. Entre 2015 et 2018 l’homme d’affaire américano-turc Fatih Ozmen a même cherché à relancer la production de l’avion depuis Ankara sous la désignation de TRJ328. Malheureusement son programme n’a pas dépassé la planche à dessins. En 2019 la société américaine Neptune Aviation a tenté d’adapter son kit de transformation des quadriréacteurs BAe 146 en bombardier d’eau au Fairchild 328 Jet, mais sans succès.
L’aventure du plus allemand des avions de ligne américains venait alors de se terminer.
Avion de ligne mal pensé car trop petit et arrivé sur un segment de marché déjà occupé par deux géants, alors en devenir, le Fairchild 328 Jet a réussi le tour de force d’être le dernier avion de deux avionneurs de légende. Avec lui Dornier et Fairchild ont disparu.
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