Dans le domaine aéronautique il est un adage qui veut que pour qu’un aéronef militaire se vende à l’export il doit avant tout avoir été acquis par son (ou ses) pays d’origine. Cela s’est vérifié à de multiples occasions à travers l’histoire, notamment en France avec le chasseur Dassault Aviation Mirage 2000 ou encore au Royaume-Uni avec l’hélicoptère Westland Wasp. Justement dans le domaine des voilures tournantes il exista quelques exceptions dont l’une des plus flagrantes est un hélicoptère léger américain : l’Enstrom 480.
Les origines de cette machine à 1987 quand l’US Department of Defense lança un marché relatif à un hélicoptère léger d’entraînement basique et avancé destiné à l’US Army.
Désigné New Training Helicopter, ou NTH, ce programme d’acquisition prévoyait de fournir un monoturbine léger afin de remplacer les Bell TH-1H Iroquois alors en dotation dans les écoles de l’armée américaine. Deux hélicoptéristes américains y répondirent immédiatement : Bell avec son Model 206B ainsi que MD Helicopter et son MD-520.
Le constructeur Enstrom décida de saisir la balle au bond. Il proposa à l’US Army une machine désignée TH-28 et dérivée directement du F280 Shark alors en service dans plusieurs services de police aux États-Unis. Sauf que l’Enstrom TH-28 n’existait pas ! L’industriel n’ayant jamais développé d’appareil à turbine, il n’en avait pas l’expérience. Il se contentait de commercialiser des appareils à moteurs à pistons.
Pour y remédier le moteur d’origine fut déposé et remplacé par une turbine Allison 250-C20 d’une puissance de 275 chevaux entraînant un rotor tripale.
Contre toutes attentes le Pentagone rejeta très rapidement la proposition de McDonnell-Douglas, se concentrant sur celles de Bell et d’Enstrom. Ce dernier reçut l’instruction de construire un prototype et cinq appareils de présérie. Le TH-28 intéressait l’US Army par son côté économique et simple d’emploi.
Cependant tout ne se passa pas comme prévu et le programme prit un certain retard. Greffer une turbine sur un hélicoptère à moteur à pistons n’était pas si simple, il fallait redessiner l’aéronef en profondeur. Quand le 7 octobre 1989 le prototype réalisa son premier vol l’appareil de Bell était bien avancé.
Entre début 1991 et l’été 1993 les cinq hélicoptères de présérie furent testés en profondeur par l’US Army. L’un d’entre eux d’ailleurs fut fortement endommagé au sol lors des essais statiques. Pour autant l’appareil plaisait car il était dans la ligne de mire du Pentagone.
C’était cependant compter sans la puissance industrielle, et donc politique, de Bell Helicopter. Le constructeur sut imposer son Model 206B en insistant notamment sur le fait qu’il servait déjà dans l’US Navy dans un rôle identique. Pourtant US Army et US Navy n’ont rien en commun sur leurs cursus respectifs de formations des pilotes d’hélicoptères.
En juillet 1993 Enstrom fut informé que le TH-28 n’était pas retenu et que le Bell TH-67 Creek était déclaré vainqueur de la compétition.
Pourtant tout n’était pas terminé pour l’hélicoptère léger. Enstrom qui avait reçu une certification de type de cette machine un an plus tôt décida de produire le TH-28 en série et de le proposer sur le marché civil et parapublique. L’Enstrom 480 était né.
Sans réel concurrent, hormis le Schweizer 333, cet hélicoptère léger monoturbine se vendit très bien dès le début des années 1990. Son prix attractif et la réputation de robustesse des hélicoptères de l’industriel jouèrent en sa faveur. Plusieurs services de police américains d’ailleurs remplacèrent leurs F28/F280 par des Enstrom 480 flambants neufs.
Mais surtout très rapidement l’hélicoptère intéressa des clients étrangers. Les forces de l’ordre canadiennes, estoniennes, et indonésiennes achetèrent la machine. L’Enstrom 480 marchait désormais sur les traces de ses prédécesseurs. Dans le même temps le constructeur présenta son hélicoptère comme une excellente machine d’entraînement, ce pourquoi elle avait été conçue au départ. Et cela marcha.
L’Enstrom 480 est devenu l’hélicoptère d’entraînement militaire standard des armées japonaises et thaïlandaises avec respectivement vingt et vingt-deux exemplaires. En Thaïlande il remplaça le vieux Bell 47. Les militaires japonais l’ont désigné TH-480, et il forme aussi bien les futurs pilotes de Kawasaki OH-1 Ninja que ceux de Boeing Vertol CH-47J Chinook. Des contrats similaires ont été signés avec la Guinée Équatoriale à hauteur de deux exemplaires et le Venezuela pour seize machines.
Un seul pays de l’OTAN a choisi l’Enstrom 480 pour intégrer son aviation militaire : la République Tchèque qui a acheté six de ces machines via un contrat de soutien américain.
Hélicoptère léger réputé sûr et bien motorisé l’Enstrom 480 est le digne héritier du F28/F280. En 2021 il était toujours en production, principalement pour le marché civil et parapublique. De son côté l’US Army a retiré du service ses TH-67 Creek jugés trop onéreux à l’emploi.
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