L’apparition au cours de la Seconde Guerre mondiale des premiers avions à réaction allait conduire l’industrie aéronautique américaine et la toute jeune US Air Force a testé dès la paix revenue plusieurs configurations d’aéronefs très différentes les unes des autres. Les machines construites en ce sens furent désignés par la lettre X. Parmi celles-ci figurait un étrange biréacteur aux lignes particulièrement travaillées : le Douglas X-3 Stiletto.
Après l’historique vol de Chuck Yeager sur Bell X-1 le 14 octobre 1947 il devint évident pour les ingénieurs américains qu’ils devraient désormais maîtriser toutes les conditions du vol supersonique. Et cela passait avant tout par permettre d’augmenter la manœuvrabilité des avions à partir et même au-delà de Mach 1. Un programme fut lancé en ce sens en juin 1949 et confié par l’US Air Force à l’avionneur Douglas.
Deux avions expérimentaux furent commandés sous la désignation de X-3.
Le cahier des charges du NACA (pour National Advisory Committee for Aeronautics) prévoyait notamment que le futur avion expérimental possède un fuselage particulièrement fin et une envergure très réduite. Et les premières ébauches des designers de Douglas allaient en ce sens, à tel point que le nouveau prototype fut officiellement baptisé Stiletto.
En théorie il devait pouvoir permettre des vols supersoniques de plusieurs dizaines de minutes .
Pour des raisons purement scientifiques et afin de permettre de mieux encaisser les effets de la chaleur et de la force cinétique Douglas et le NACA décidèrent de faire majoritairement appel au titane bien plus résistant que tous les métaux et alliages alors utilisés en aéronautique. Son assemblage commença à la toute fin de l’année 1951 et se déroula jusqu’à l’été suivant.
En septembre de la même année il sortit d’usine et fut embarqué à bord de la soute d’un avion-cargo stratégique Douglas C-124 Globemaster II de l’US Air Force : direction Edwards AFB, la Mecque des essais en vol américains.
C’est là que ses premiers essais de roulage débutèrent le 15 octobre 1952. À cette occasion d’ailleurs l’avion réalisa un semblant de vol inaugural en franchissant un peu plus d’un kilomètre à quelques mètres du sol. Bien entendu cela n’était absolument pas prévu, il s’agissait d’un effet secondaire de la poussée au maximum des deux réacteurs lors des phases de roulage.
Le véritable premier vol du Douglas X-3 Stiletto intervint cinq jours plus tard, le 20 octobre 1952 entre les mains du pilote d’essais William Bridgeman.
Extérieurement cet avion expérimental se présentait sous la forme d’un monoplan d’envergure réduite à aile basse droite. Construit en grande partie en titane il disposait également d’éléments en acier et inox. Sa propulsion était assurée par deux turboréacteurs Westinghouse XJ34-WE-17 pouvant chacun développer 1529 kg à sec et 2223kg avec la postcombustion allumée.
Le pilote prenait place dans un cockpit monoplace installé à l’avant des entrées d’air. En outre le Douglas X-3 Stiletto disposait d’un train d’atterrissage tricycle escamotable et un empennage classique.
Les enseignements de son premier vol conduisirent les ingénieurs de Douglas à envisager d’équiper l’avion d’un moteur-fusée sur le second prototype mais cette alternative s’avéra vite inutile. En effet le NACA et l’US Air Force résilièrent le contrat pour ce deuxième exemplaire, se contentant d’un seul et unique X-3 Stiletto.
Dans le même temps le premier, et donc finalement seul et unique, exemplaire continuait ses essais. Et à cette occasion il enrichit considérablement le savoir des ingénieurs américains.
En effet le Douglas X-3 Stiletto fut utilisé comme laboratoire volant afin d’étudier le principe de couplage inertiel. Celui-ci consiste en une perte totale du contrôle des avions en vol supersonique en raison d’une inertie trop forte sur les ailes et empennages. C’est notamment en raison de cet effet que fut perdu le premier Bell X-2.
Avec sa voilure réduite le X-3 s’avéra rapidement un avion idéal pour étudier ce très dangereux phénomène, et ce même s’il n’avait pas été conçu en ce sens.
Paradoxalement jamais l’avion ne réussit à remplir la mission principale pour laquelle il avait été conçu, à savoir l’étude de comportement des avions à faible envergure en vol supersonique de longue durée. Il faut dire que le X-3 Stiletto peinait régulièrement à dépasser la vitesse de 1100km/h, soit bien moins que ce pourquoi il avait été pensé.
Finalement le 23 mai 1956 l’US Air Force mit fin au programme d’essais de l’avion expérimental. Au total le Douglas X-3 Stiletto avait réalisé un total de 51 vols sans aucun accident majeur, un record à l’époque pour un avion X. Parmi les pilotes d’essais qui eurent à voler à son bord on retrouve Chuck Yeager mais aussi l’astronaute Joe Walker.
Il est intéressant de noter qu’à la différence des Bell X-1 et X-2 il n’avait pas besoin d’un Boeing B-29 ou d’un B-50 pour décoller, pouvant le faire de lui-même. Une première à l’époque pour un avion expérimental américain.
Avion esthétiquement très réussi mais techniquement finalement assez bâclé en raison d’une sous-motorisation flagrante le Douglas X-3 Stiletto n’en demeure pas moins un des avions X parmi les plus importants de l’histoire aéronautique. Ses enseignements sur le couplage inertiel ont pu augmenter la sécurité à bord des avions de chasse supersoniques entre les années 1950 et 1970. Ils ont également permis de mettre au point le légendaire Lockheed F-104 Starfighter.
De nos jours l’avion est préservé précieusement au musée national de l’US Air Force dans l’Ohio aux côtés d’autres prototypes tout aussi prestigieux et historiques.
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