Tout comme en France aux États-Unis le président est bien plus qu’une personne c’est une institution. Et en tant que tel il a droit à des égards qui lui sont propres, comme par exemple l’usufruit d’un avion militaire dédié à ses propres déplacements. Dans l’US Air Force les aéronefs dédiés à cette fonction reçoivent l’indicatif radio d’Air Force One lorsque le chef d’état est à bord, et ce même si l’avion est encore au sol. Si aujourd’hui ce sont deux Boeing 747-200 appelés VC-25A par le passé des avions à moteurs à pistons ont également rempli ce rôle. L’un de ceux qui marqua le plus l’histoire américaine fut le Douglas VC-118 Independence.
C’est à bord de son avion officiel Douglas VC-54C Sacred Cow que le 26 juillet 1947 le Président des États-Unis Harry S. Truman signa le National Security Act of 1947. Celui-ci entérinait notamment la naissance en septembre de la même année de l’US Air Force désormais libérée de la tutelle de l’US Army. Cette décision historique marqua pourtant le chant du cygne pour ce quadrimoteur que Truman n’aimait pas. En fait l’avion avait été pensé pour son prédécesseur Franklin D. Roosevelt et il ne lui semblait plus adapté à ses besoins. C’est la raison pour laquelle les militaires américains lui avaient cherché un remplaçant.
Le retour à la paix après la Seconde Guerre mondiale avait totalement rebattu les cartes et désormais le Président des États-Unis se devait de disposer d’un avion capable de franchir sans aucune peine l’Atlantique nord ou bien de rejoindre le Japon via une escale à Hawaï. Trois appareils furent alors envisagés : le Boeing 377 Stratocruiser, le Douglas DC-6, ou encore le Lockheed L-049 Constellation. Après quelques interrogations des officiers américains c’est la Maison Blanche elle même qui trancha : ce serait l’avion de Douglas.
Plutôt que de prélever un C-118 Liftmaster sur les chaînes d’assemblage de l’avionneur c’est un Douglas DC-6 commercial de série qui fut acheté, et plus particulièrement le vingt-neuvième exemplaire. Il reçut la désignation de VC-118. Placé dans un hangar sécurisé durant tout le temps de sa transformation en avion présidentiel il était gardé 24 heures sur 24 par des GI’s tandis que l’US Secret Service gardait un œil sur lui. L’aménagement intérieur était globalement moins luxueux qu’à bord du VC-54C Sacred Cow ; ce fut là une demande expresse de Truman. Le cuir était bien présent mais pas les bois exotiques si chers à Roosevelt. L’avion était adapté au transport de vingt passagers en plus d’un bureau spécial pour le président pouvant accueillir jusqu’à quatre personnes. Douze couchettes étaient installées, dont deux dans la partie réservée au chef d’état américain.
Sur le plan technique deux réservoirs supplémentaires de carburant furent installés sous le plancher de l’avion afin de lui octroyer un rayon d’action accru. Niveau avionique le Douglas VC-118 reçut un radar météorologique, un altimètre radar, et un pilote automatique. Ces équipements étaient alors inconnus sur des avions de transport militaire. En outre une chaine de radio encryptée permettait de maintenir les communications hors de portée des oreilles indiscrètes, donc soviétiques. La livrée de l’avion est le fruit de tractations entre l’avionneur et les militaires. Le premier impose la finition métallisée qui symbolise la majorité de ses avions de ligne et les seconds le pygargue à tête blanche, emblème des États-Unis. C’est le pilote privé du Président des États-Unis qui a l’idée d’y faire inscrire le nom Independence.
Sauf que contrairement à une idée reçue ce patronyme n’a rien à voir avec la déclaration d’indépendance des treize colonies d’Amérique daté du 4 juillet 1776. Ou plutôt pas directement. Independence est en effet le nom de la ville de l’état du Missouri où Harry S. Truman a passé le plus clair de son enfance et ses études. Le clin d’œil est apprécié par ce dernier. Autre particularisme de l’avion il reçoit des marquages US Air Force pour son premier vol officiel le 31 août 1947 alors même que cette dernière n’est pas encore née. Le VC-118 est donc son premier avion.
Avec le Douglas VC-118 Independence le Président des États-Unis Harry S. Truman va sillonner le monde ainsi que le territoire américain. Bien plus que le VC-54C Sacred Cow cet avion va devenir un de ses symboles. Il est ensuite utilisé aussi bien pour des voyages diplomatiques vers Londres, Paris, Bonn, ou encore Rome mais aussi pour permettre de rejoindre les zones du Pacifique et notamment l’atoll de Wake afin de pouvoir planifier plusieurs opérations dans la guerre de Corée. En janvier 1953 Truman quitte la présidence américaine et avec lui VC-118 va connaître une nouvelle carrière.
En effet le nouveau président américain, Dwight D. Eisenhower préfère le Constellation au DC-6 et commande donc un avion désigné VC-121A Columbine. Pour autant après quelques modifications, comme la dépose de la partie bureau de l’avion le Douglas VC-118 reprend du service comme avion officiel du chef de l’état-major de l’US Air Force. Il devient alors VC-118A. La livrée à tête de pygargue disparait pour une beaucoup plus anonyme ne reprenant que les marquages US Air Force. Début 1961 il est versé à l’ US Strike Command comme avion personnel du général Paul DeWitt Adams alors à la tête de cet organisme. Le VC-118A y demeurera jusqu’en 1965 et son retrait du service.
Il est à signaler que s’il ne furent jamais employés pour le transport présidentiel l’US Navy utilisa également quatre avions assez similaires désignés Douglas R6D-1Z et acquis en 1956 pour du transport d’état-major. Ils étaient aménagés pour transporter trente personnes maximum. En septembre 1962 ils reçurent la désignation de VC-118B. Quatre ans plus tard ils furent tous transformés au standard des C-118B de transport tactique et de soutien. En 1966 en effet cette mission revenait aux cinq très discrets et méconnus Lockheed VP-3A Orion.
Depuis 1965 le Douglas VC-118 Independence est préservé par le National Museum of the US Air Force à Wright Patterson AFB dans l’Ohio. Il fait partie des avions les plus souvent admirés et photographiés parmi toutes les collections.
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