L’apparition entre la toute fin des années 1940 et le début de la décennie suivante des premiers chasseurs embarqués à réaction apporta un nouveau défi aux aéronavales de l’époque, et en particulier à l’US Navy. Il s’agissait en effet désormais d’élaborer des méthodes de formation des pilotes à l’art de l’appontage, mais non plus sur moteur à pistons comme cela se faisait alors. Une fois cela acquis il fallut au fur et à mesure des évolutions moderniser l’apprentissage sur avions à réaction d’entraînement. L’une de ces étapes fut marquée au milieu des années 1960 avec l’entrée en service aux États-Unis d’un avion qui allait marquer son époque, jusque dans les années 1990 : le Douglas TA-4 Scooter.
C’est en 1963 que l’US Navy entama une réflexion quand à l’avenir de sa formation à l’appontage. À l’époque celle-ci reposait sur deux modèles bien distincts : le North American T-2A/B Buckeye pour la formation intermédiaire et le Grumman TF-9J Cougar pour les phases plus avancées, et notamment les appontages et catapultages de nuit. C’était ce second jet que l’aéronavale américaine comptait voir disparaitre de son arsenal au profit d’un nouvel avion. Restait cependant à le définir.
Les envolées dans les coûts de développement justement du T-2 Buckeye avaient fortement refroidi l’US Department of Navy dans l’idée d’acquérir un avion conçu de zéro pour une telle mission. Il fallait donc adapter un avion existant déjà à une telle mission.
Les spécialistes de l’US Navy se mirent alors en quête de l’avion idéal. Trois avions semblaient idéaux, l’un d’eux ayant cependant un fort défaut : son développement n’était pas terminé. Il s’agissait de l’avion d’attaque Vought A-7A Corsair II. D’ailleurs son avionneur rejeta très rapidement la proposition des amiraux américains.
Ceux-ci devaient donc désormais se concentrer sur leurs deux autres candidats possibles : le Douglas A-4E Skyhawk également dédié à l’attaque au sol et le chasseur Grumman F-11A Tiger. Ce dernier avait pour lui de disposer d’une ascendance commune avec le TF-9J Cougar. Pourtant rapidement les premières études d’artistes démontrèrent que l’avion de Douglas était plus adapté. Un contrat fut signé pour la transformation de deux A-4E comme avions de présérie sous la désignation TA-4E.
L’une des premières décisions des ingénieurs de chez Douglas fut de conserver l’armement interne de l’avion, ses deux canons mitrailleurs Colt de calibre 20 millimètres. Le futur avion d’entraînement avancé pourrait ainsi être engagé dans les vols de formation au tir.
En fait ils tatonnaient littéralement étant donné que leur entreprise n’avait quasiment aucune expérience dans le développement d’avions d’entraînement militaire. Hormis les biplans BT-1 et BT-2 durant l’entre-deux-guerres ou encore les TC-47 Skyteacher de l’immédiat après-guerre Douglas était novice en la matière. Et déjà dans ces deux cas il s’agissait d’avion développés à partir de machines déjà existantes.
C’est principalement le poste de pilotage du A-4E qui fut modifié afin de donner naissance au TA-4E. Désormais biplace en tandem l’avion d’entraînement possédait encore une charge offensive réduite à 1000 kilogrammes et principalement composée de roquettes en paniers, et de bombes lisses d’entraînement. Les essais en vol de ces deux avions de présérie eurent lieu entre janvier et juillet 1965. Dans la foulée l’US Navy décida de passer commande pour un exemplaire de présérie supplémentaire et deux cent quarante de série. Pour autant celle-ci fut développé à partir du nouvel A-4F. Ainsi naquit le TA-4F, la première version opérationnelle du Skyhawk d’entraînement.
C’est en mai 1966 que les premiers Douglas TA-4F entrèrent en service dans l’US Navy, certains exemplaires prenant même les marquages de l’US Marines Corps. D’abord dénués de patronymes ces avions furent baptisés Scooter, ce qui à l’origine était son surnom affectif de la part des pilotes devint donc son nom officiel.
Dès ses premiers vols opérationnels le TA-4F marqua une profonde amélioration dans la formation des pilotes, notamment de ceux de chasse vis-à-vis du TF-9J. Pourtant il ne le remplaça pas immédiatement. Pour cela il fallut attendre 1970-1971 et l’apparition des premiers TA-4J dotés d’un nouveau réacteur et d’une avionique simplifiée. Deux cent soixante-dix-sept exemplaires en furent produit tandis qu’une quarantaine de TA-4F furent modifiés à ce standard. Le TA-4J apporta une nouvelle capacité à l’US Navy : l’entraînement au tir de missiles AIM-9B Sidewinder. Jusque là les pilotes devaient attendre leur transformation opérationnelle sur chasseur pour pouvoir s’y frotter. Désormais ils anticipaient.
Outre la formation à l’appontage et au catapultage ou encore l’entraînement aux tirs air-sol et air-air les Douglas TA-4 Scooter se virent confier à partir des années 1975-1976 les premiers vols comme Agressors. Ils devaient donc permettre de reproduire le domaine de vols des chasseurs monoréacteurs soviétiques. Ils ne furent cependant que transitoires dans ce rôle, le laissant très rapidement à des A-4E Skyhawk jugés plus adaptés. En 1980 la plus part avait rejoint les unités classiques d’entraînement. Cette décennie fut d’ailleurs la dernière durant laquelle ces biplaces volèrent effectivement. Le début des années 1990 fut marqué par l’émergence d’un nouvel avion qui remplaça totalement les TA-4 Scooter dès 1995 : le McDonnell-Douglas T-45A Goshawk.
Pour autant cela ne signifia pas la fin de carrière complète du Douglas TA-4 Scooter. Des exemplaires furent ainsi versés à des pays aussi différents que l’Australie au travers des TA-4G, Israël avec ses TA-4H, le Koweït au travers du TA-4KU, la Malaisie sur TA-4PTM, la Nouvelle-Zélande et ses T-4K, ou encore Singapour avec ses TA-4S/TA-4SU. Les avions kowétiens ont ensuite été revendus au Brésil, le seul et unique utilisateur militaire de cet avion en 2023.
Par ailleurs il est à signaler que le TA-4 Scooter donna naissance à deux versions très différentes : l’EA-4F d’entraînement à la guerre électronique construit à quatre exemplaires et l’OA-4M de contrôle aérien avancé.
Sans avoir fondamentalement été un avion d’entraînement avancé révolutionnaire le Douglas TA-4 Scooter permit à l’US Navy de moderniser son cursus de formation. Pour l’avionneur il reste son principal appareil d’entraînement, en terme de production et de succès international. Aujourd’hui on en retrouve quelques-uns dans des musées tels un TA-4G au Fleet Air Arm Museum de Nowra en Australie ou encore un TA-4J au Naval National Air Museum de Pensacola aux États-Unis.
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