Voilà bien un terme qui semble assez confus et même obsolète de nos jours : la guerre électronique. Étant donné que l’électronique se retrouve dans tous les avions d’armes cette expression est vite confuse pour les béotiens et néophytes. Pour faire simple elle regroupe toutes les actions visant à brouiller les communications et radars de l’ennemi, voire à détruire ces derniers à l’aide de missiles spécialement pensés pour cela. Et l’aéronavale américaine fut pionnière en la matière, allant même dès les années 1950 à disposer d’aéronefs adaptés sur ses porte-avions. L’un des tous premiers en la matière fut le Douglas EF-10 White Whale.
En juillet 1953 quand la guerre de Corée se termina l’US Navy commença à réfléchir à un successeur potentiel pour ses Douglas AD-4Q Skyraider de guerre électronique. Ces avions avaient permis de défricher ce domaine de vol lors de nombreuses opérations. Pour autant il était devenu très vulnérable à la chasse communiste, notamment depuis l’apparition d’avions comme le Mikoyan-Gurevitch MiG-15 « Fagot » ou encore le Yakovlev Yak-17 « Feather ».
L’aéronavale américaine avait donc besoin d’un avion à réaction. Il lui était cependant impossible d’avoir recours au développement d’un avion spécialement conçu comme tel, car jamais le Pentagone ne lui octroierait un tel budget. Une fois encore elle allait devoir adapter un appareil existant.
Les candidats ne se poussaient pas au portillon. Les chasseurs monoplaces comme le Grumman F9F-6 Cougar ou encore le Vought F7U-3 Cutlass furent immédiatement écartés. Il fallait un biplace. Chez Grumman on pensa un temps recycler le XF10F Jaguar pour en faire un tel avion en transformant son poste de pilotage mais l’idée sembla trop hasardeuse pour les amiraux américains.
Finalement ils se reportèrent sur un avion alors assez mal aimé : le Douglas F3D-2 Skyknight. Il possédait la taille et l’architecture voulu pour permettre une adaptation aux missions de guerre électronique.
L’US Navy commanda alors à Douglas un prototype sous la désignation XF3D-2Q. Les quatre canons de calibre 20mm d’origine furent déposés ainsi que tout ce qui permettait l’emport d’armement. Un radar de recherche AN/APS-21 fut ainsi monté. Il avait été calibré pour permettre de repérer (de jour comme de nuit) les stations radars de l’ennemi. Un système de communications encryptées AN/ARC-34 avait également été monté. Mais surtout le cœur de l’avion était son système de brouillage radar AN/AES-110.
L’avion vola sous cette configuration à l’été 1955. Une commande fut passée pour trente avions de série F3D-2Q. Pour autant les avions ne reçurent alors pas de patronyme.
Entrés en service en 1957 ils étaient alors peints en deux tons de blanc et de gris. Ils furent rapidement affublés du sobriquet de White Whale, c’est à dire la baleine blanche. À tel point même qu’au cours de l’été 1958 ce surnom apparaissait désormais dans les documents officiels de l’US Navy. Il était devenu son nom de baptême.
Quelques semaines plus tard l’aéronavale américaine possédait sa pleine dotation en Douglas F3D-2Q. Ces avions assuraient alors surtout des missions de brouillage aux abords des porte-avions sur lesquels ils étaient stationnés. La crainte de la marine américaine était alors que les communications navales soient écoutées par l’Union Soviétique et dans une moindre mesure la Chine. En 1959 l’US Navy décida de verser ces avions à l’US Marines Corps.
Au début de l’année 1960 quatre Douglas F3D-2Q White Whale furent expédiés sur une base aéronavale américaine au Sud-Vietnam. Leur mission était alors de brouiller les communications communistes au plus proche de la frontière. Officiellement les États-Unis n’étaient pas encore en guerre, ces missions restaient donc clandestines.
Cette même année 1960 l’US Navy passa commande à Grumman d’un biplace de guerre électronique connu alors sous la désignation YA2F-1H, dérivé de l’A2F-1 Intruder alors en cours de développement afin de remplacer les avions qu’elle avait versé à l’US Marines Corps.
Le début des années 1960 marqua l’intensification des vols de brouillage en Asie du sud-est.
Le réalignement des désignations en septembre 1962 fit que le Douglas F3D-2Q devint Douglas EF-10B. Désormais les White Whale volaient principalement en accompagnement des avions d’attaque et des chasseurs-bombardiers de l’aéronavale américaine, les protégeant des risques sol-air. L’année 1965 marqua un virage. Désormais les EF-10B étaient également basés à terre et réalisaient des missions de nuit au-dessus du Nord-Vietnam à la recherche des missiles sol-air qui décimaient l’aviation américaine.
Quand cinq ans plus tard ces biréacteurs furent retirés du service un total de sept sur les trente assemblés avaient été perdus en opération, soit un peu moins d’un quart des avions produits.
Remplacé en première ligne par les Douglas EA-3B Skywarrior et les premiers Grumman EA-6B Prowler le Douglas EF-10 White Whale demeure le premier avion à réaction de guerre électronique utilisé par l’aéronavale américaine depuis les ponts d’envol de ses porte-avions. L’idée d’adapter un chasseur embarqué à cette mission était novatrice, elle a depuis été reprise par Boeing au travers de son EA-18G Growler dérivé du F/A-18F Super Hornet. De nos jours trois EF-10B sont préservés dans des musées aéronautiques américains.
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