Si la majorité des constructeurs aéronautiques disparus furent plus ou moins rapidement oubliés d’autres tels Curtiss ou Vought sont demeurés dans les mémoires des aérophiles. Le cas de Douglas est encore différent puisque même les néophytes le connaissent tant cet avionneur a su marquer de son empreinte l’Histoire. Pionnier de l’aviation civile commerciale il connut aussi un rôle majeur dans le développement de l’aviation militaire de bombardement et d’attaque avec des avions comme l’A-26 Invader, le B-18 Bolo, ou encore le SBD Dauntless. Sa première incursion dans ce domaine fut par le biais d’un biplan bombardier torpilleur développé pour l’US Navy : le Douglas DT.
C’est en 1921 que l’US Navy fit savoir qu’elle recherchait un bombardier torpilleur pouvant à la fois être un avion terrestre et un hydravion à flotteurs. Cette dualité était assez répandue depuis la Première Guerre mondiale, aussi bien en Amérique du nord qu’en Europe.
Une fois le cahier des charges émit quatre constructeurs y répondirent : Blackburn, Curtiss, Douglas, et Stout.
L’aéronavale américaine n’ayant alors pas encore de système de désignations propre elle décida de désigner les avions en question par deux lettres. La première était celle de l’initiale du constructeur tandis que la seconde était un T pour Torpedo. Ainsi chacun savait que l’avion allait être un bombardier-torpilleur.
Blackburn BT, Curtiss CT, Douglas DT, et Stout ST allaient donc s’affronter. Dès le départ Douglas prit le contrepied de ses deux concurrents américains en présentant son prototype sous la forme d’un avion et non d’un hydravion à flotteurs. L’avionneur britannique Blackburn avait eu la même idée. En fait le Douglas DT n’avait rien d’une nouveauté puisqu’il dérivait du Cloudster, un avion de raids destiné à des vols records que Donald Douglas avait pensé quelques mois auparavant. Il ne lui restait plus qu’à le militariser pour en faire un bombardier torpilleur. Le programme prit un certain coup quand le 9 mai 1921 le Curtiss CT vola pour la première fois. L’assemblage du prototype du DT avait alors à peine commencé.
En septembre de la même année l’avion était prêt. Quelques jours plus tard, le 3 octobre 1921 c’est le Blackburn BT britannique qui volait à son tour. Donald Douglas fit accélérer les tests statiques afin que Stout ne lui passe pas devant.
Extérieurement le Douglas DT se présentait sous la forme d’un biplan d’envergure égale de construction mixte. La voilure, repliable, était assemblée en bois et toile. De son côté le fuselage se composait de tubes d’aciers soudés recouverts de plaques d’alliage à l’avant et d’un entoilage sur l’arrière. La motorisation était assurée par un moteur à douze cylindres en V Liberty d’une puissance nominale de 400 chevaux entraînant une hélice bipale en bois et métal. Bien que prévu pour être biplace le prototype était monoplace. Son armement se composait alors de 800 kilogrammes de bombes ou d’une torpille de 832 kilos.
C’est en configuration désarmé que le prototype vola pour la première fois le 6 novembre 1921.
Le mois suivant, en décembre 1921, l’US Navy fit savoir que le concours était terminé et que le Douglas DT était désigné vainqueur. Quand au pauvre Stout ST il ne vola qu’en avril 1922 alors même que les premiers Douglas DT-2 servaient déjà en unités.
La désignation DT-1 fut réservée aux deux prototypes, l’un monoplace et l’autre biplace, ainsi qu’à l’hydravion de présérie. Le DT-2 disposait de quelques améliorations comme un moteur légèrement plus puissant ou encore une mitrailleuse mobile Browning de calibre 7.62 millimètres. Soixante-quatre exemplaires furent commandés du DT-2, dont vingt comme stricts hydravions torpilleurs furent assemblés par la société Lowe-Willard-Fowler.
Quelques sous-versions virent le jour avec plus ou moins de succès. Le Douglas DT-3 était un DT-2 au fuselage entièrement métallique. Il demeura sa suite. Le DT-4 concernait quatre DT-2 assemblés par Naval Aircraft Factory autour d’un moteur à douze cylindres en V Wright T-2 d’une puissance de 525 chevaux. Les DT-4 furent les premiers bombardiers en piqué en service dans l’aéronavale américaine. Ils avaient perdu la capacité de torpillage. Les DT-5 étaient deux DT-4 supplémentaires, construits autours d’un moteur Wright T-2B de 650 chevaux et dotés d’une seconde mitrailleuse de calibre 7.62mm jumelée à la première. Le DT-6 enfin fut un DT-2 modifié pour accueillir un moteur à neuf cylindres en étoile Wright P-1 d’une puissance de 450 chevaux. Demeuré à l’état expérimental il fut versé au motoriste fin 1922 comme banc d’essais volant. Il est à noter qu’en 1923 la société américaine Dayton-Wright produisit trois DT-2.
Les DT-4 et DT-5 ne servirent dans l’US Navy que jusqu’en février 1923. Ils furent ensuite versés à l’US Marines Corps dont ils furent les premiers vrais bombardiers.
En 1925 l’US Navy mit en place son système de désignations qui devait perdurer jusqu’en 1962. Pour autant il n’était pas rétroactif, les aéronefs conservant leur désignation préalable. C’est ainsi que les Douglas DT ne furent pas transformés en Douglas TD. Pour autant afin de ne pas complexifier les choses jamais celle-ci ne fut réattribuée par la suite. Le bombardier torpilleur de l’US Navy suivant construit par Douglas fut le T2D… conçu par Naval Aircraft Factory.
Si l’US Navy ne conserva ses DT que jusqu’en décembre 1926 l’US Marines Corps de son côté les fit voler jusqu’en janvier 1932. À cette époque ces biplans étaient passablement obsolètes.
Bien qu’employer un temps sur le porte-avions USS Langley jamais les Douglas DT ne connurent le feu.
Un fait important dans la carrière du Douglas DT fut son utilisation en 1926-1927 comme avion de transport de troupes aéroportées. Bien entendu cela demeura lié à des expérimentations ou à des démonstrations publiques mais moyennant une absence d’armement offensif un DT-2 pouvait emporter jusqu’à quatre parachutistes qui se sanglaient aux extrémités de voilures avant de sauter dans le vide. Grâce à ces vols l’US Marines Corps défricha le domaine d’emploi de ces fantassins.
L’avion suscita un petit intérêt international. Il fut vendu à deux pays. Douglas assembla quatre exemplaires du DTB destinés au Pérou. Non équipés pour les opérations navales ils dérivaient du DT-5 et étaient par conséquent des bombardiers purs. La Fuerza Aérea del Peru conserva ces avions de 1929 à 1940.
Le contrat étranger le plus intéressant fut pourtant celui des huit DT-2B destinés à la force aérienne norvégienne. Seul le premier fut assemblé par Douglas, les sept suivants l’étant localement dans les ateliers de Marinens Flyvebaatfabrikk. À l’automne 1924 ils remplacèrent les Marinens MF-3. Tous les DT-2B étaient des hydravions, utilisés uniquement pour le torpillage et non le bombardement. La Norvège les fit voler jusqu’en 1932.
Premier avion d’arme conçu par Douglas et construit en série le DT fut un appareil important pour ce constructeur. Il le structura industriellement parlant tout en le valorisant auprès d’une force qui allait devenir un de ses principaux clients pour les décennies à venir : l’US Navy.
Le Douglas DT a donné naissance à un mythique avion civil : le DWC, alias Douglas World Cruiser.
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