Dans l’histoire aéronautique le constructeur allemand Dornier tient une place à part. Omniprésent durant la Seconde Guerre mondiale au travers d’aéronefs comme le bombardier Do 17 ou l’hydravion Do 24 il a aussi su revenir après-guerre et produire plusieurs avions de qualité. Les plus célèbres sont sans doute le bimoteur de transport léger Do 228 ou encore l’avion d’entraînement Alpha Jet réalisé conjointement avec l’avionneur français Dassault-Breguet. Pourtant peu se souviennent que Dornier fut aussi un constructeur prolifique durant les années d’entre-deux-guerres pourtant considérée comme une période de vache maigre pour l’aéronautique allemande. À cette époque il développa des machines de qualités dont l’une des plus surprenantes fut un bombardier nocturne conçu pour les besoins japonais : le Dornier Do N.
À cette époque bien entendu le gros des productions de Dornier sont à vocation civile, l’Allemagne n’a plus le droit de construire d’avions militaires. Ou bien avec des restrictions telles que la majorité des avionneurs jette l’éponge bien vite. Aussi Dornier s’est fait une spécialité dans les hydravions à coque à vocation commerciale. Au milieu des années 1920 ses monomoteurs Do A et surtout ses bimoteurs push-pull Do J sillonnent les lacs et mers du monde, emportant passagers et courriers sur des distances sans cesse plus longue. Claude Dornier s’est fait un nom dans ce domaine.
Aussi est t-il surpris quand le ministère japonais des armées vient lui demander une version terrestre de son Do J Wal, destinée à des missions de reconnaissance armée et de bombardement de nuit.
La république de Weimar étant très à cheval sur la vente d’avions militaires Dornier charge son ingénieur en chef Richard Vogt de mener les négociations avec le Japon depuis la Suisse neutre. Celles-ci sont facilités par la maîtrise de la langue nippone par l’ingénieur allemand. Une équipe d’ingénieurs et de techniciens est dépêchée en Europe depuis l’archipel, elle se formera notamment à la construction métallique, une technique encore mal connue alors au Japon.
Claude Dornier et Richard Vogt décident alors de produire un prototype désarmé d’une version terrestre du Do J Wal, qu’ils baptisent Dornier Do N.
Reprenant les grands traits d’un hydravion à coque il se voit doté d’un train d’atterrissage classique fixe. La motorisation est assurée par deux moteurs Napier Lion Mk-VII à 12 cylindres en double V montés en push-pull. C’est à dire que l’un des moteurs actionne une hélice tractive tandis que l’autre actionne une hélice propulsive. Chacun des moteurs développe 475 chevaux et entraîne une hélice bipale en bois et métal. Le push-pull est à cette époque la méthode de motorisation favorite de Dornier, il l’utilise également sur son hydravion commercial Do R2 Super Wal alors en cours de développement.
Le Dornier Do N réalise son premier vol le 19 février 1926. Bien que présenté comme un avion civil ce bimoteur push-pull dispose déjà d’emplacement pour les trois mitrailleuses défensives de calibre 7.7mm ainsi que des points d’accrochage externes pour les 1000 kilos de bombes de l’avion. Le gouvernement britannique apprend, par l’intermédiaire d’un de ces espions, la nature réelle du Do N. Aussi décide t-il immédiatement de mettre un embargo sur le moteur Napier Lion Mk-VII à destination de tous les constructeurs allemands. Mais le mal est déjà fait, le prototype a embarqué à bord d’un cargo japonais en direction de l’Asie. Là l’avion doit être produit sous licence par Kawasaki sous la désignation de Ka 87 à hauteur de 28 exemplaires. Des moteurs allemands BMW Type VI de 500 chevaux chacun font également le voyage en mer.
À la fin du printemps 1926 le premier Kawasaki Ka 87 sort d’usine. Les Japonais ont reçu l’aide d’une équipe allemande dirigée par Richard Vogt, à la demande expresse de Claude Dornier. Au Japon l’armement est revu et corrigé. Au lieu de trois mitrailleuses ce sont cinq qui sont embarqué sur ce bombardier de nuit. En position avant et dorsale elles sont en effet jumelées tandis que la position ventrale demeure servie par une seule arme. L’aviation japonaise obtient la pleine dotation en Ka 87 au début de l’année 1927. Ils sont alors ses principaux bombardiers terrestres nocturnes.
Bien que représentant un véritable bond technologique pour la petite aviation japonaise de la seconde moitié des années 1920 le Kawasaki Ka 87 n’est pas exempt de défaut. Les moteurs allemands sont plus puissants que ceux d’origine de facture britannique mais disposent de moins bonnes qualités de robustesse. Résultat, l’avion est lent, il monte difficilement en altitude (mettant près d’une heure à atteindre les 1000 mètres !!!) et dispose d’un rayon d’action à pleine charge très limité. Pourtant l’aviation japonaise conserve ses machines jusqu’en 1933, certains participant même à des raids aériens contre la Mandchourie à partir de 1931. Ils sont finalement remplacés par des bimoteurs Mitsubishi Ki-1 bien plus modernes. Ainsi se termine la carrière discrète du plus allemand des bombardiers japonais.
Quasiment retombé dans l’oubli aujourd’hui le Dornier Do N est un des rares exemples d’hydravion ayant donné naissance à un avion. L’inverse est lui un peu plus répandu à l’image du Spitfire Floatplane britannique de la Seconde Guerre mondiale. Il est à remarquer que le Kawasaki Ka 87 ne doit pas être confondu avec le Nakajima Ki 87 qui lui est un prototype de chasseur monomoteur datant de 1945.
Il ne subsiste évidemment plus aucun Do N de nos jours.
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