En 1962, le gouvernement fédéral allemand demande à l’avionneur de Dornier de travailler sur un programme d’ADAV (Avion à Décollages et Atterrissages Verticaux, STOL en anglais) de transport moyen destiné à soutenir les opérations aériennes menées par les futurs développements du Hawker P1127. L’idée générale était en effet que si un chasseur ADAV avait besoin d’assistance technique cela devait venir d’un autre type d’ADAV. En outre à cette époque ces avions avaient vraiment le vent en poupe, tant au sein des forces de l’OTAN que de celles du Pacte de Varsovie.
Le programme fut finalisé en avril 1964, lorsque le Royaume Uni, maître d’œuvre du programme P1127 passa officiellement commande à Bonn pour un prototype de son nouvel avion. La fiche programme allemande prévoyait un avion de taille moyenne, disposant d’une charge de transport équivalente à celle des Noratlas français qui équipaient alors la Luftwaffe. Toutefois certaines données techniques de la machine donnaient des sueurs aux ingénieurs. En effet si la propulsion classique, c’est à dire en mode horizontale, devait être faite par deux réacteurs d’une poussée de quatre tonnes chacun, la sustentation verticale était quant à elle à la charge de dix petits réacteurs d’une poussée unitaire de 1200 kgp. Ces dix propulseurs devaient être installés dans des nacelles de voilure installées à mi-distance fuselage. L’avion reçut officiellement la désignation de Do-31.
Rapidement, il apparut claire que cette machine allait être dispendieuse et que les nacelles de sustentation allaient grandement grever les qualités aérodynamiques du Do-31. C’est la raison pour laquelle Dornier décida de tourner son programme autrement. Le programme devint Do-31E. Les nacelles de réacteurs furent déplacées, leur « garniture » modifiée, et l’on procéda à la construction de deux bancs d’essais moteurs volants. Des machines justes destinées à valider le mode de décollages et d’atterrissages verticaux du Do-31E. Le développement des propulseurs et leur montage fut long, si bien que le premier prototype ne fut prêt réellement qu’en novembre 1965.
Celui ci se présentait sous la forme d’un monoplan à aile haute droite décaréacteur. Construit intégralement en métal le Do-31E disposait d’un empennage cruciforme et d’un train d’atterrissage escamotable tricycle. Appareil d’essais plutôt que véritable prototype d’un avion futur le Do-31E disposait d’une grosse perche de recueil de données dans le nez. Celui ci était largement vitré et donnait à l’avant de l’avion un vague air de moustique ce qui lui valut le surnom de Moskito (moustique en allemand phonétique) de la part d’une partie de la presse spécialisée de l’époque. Pour mémoire ce nom avait déjà été donné durant la guerre à un chasseur de nuit, le Ta-154 dessiné par Kurt Tank. Le Do-31E disposait à l’arrière d’un fuselage tronqué destiné à simuler une porte de chargement de fret qui ne fut finalement jamais montée.
Après bien des atermoiements le premier prototype du Do-31E, le Do-31E1, réalisa son premier vol le 10 février 1967. Toutefois celui ci eut lieu avec un décollage et un atterrissage classiques, sans utiliser le moindre réacteur vertical. A la suite deux autres prototypes furent rapidement construits. L’E2 pour des essais au sol et l’E3 pour le développement des équipements de bord et de confort.
C’est le 20 novembre 1967 que l’E1 réalisa sa première ascension verticale. Puis quelques semaines plus tard le 16 décembre il réalisa sa première translation, passage entre le vol vertical et le vol horizontale. A peine 22 ans après la fin du conflit l’Allemagne de l’Ouest venait d’entrer dans le club alors très fermé de l’ADAV !!! Rapidement le Do-31E enregistra quatre records mondiaux dans sa catégorie : vitesse de croisière, plafond, distance franchissable, masse au décollage.
Si le Do-31E était impressionnant il avait également de lourds défauts. Tout d’abord il s’agissait d’un gouffre financier, tant pour le gouvernement de Bonn que pour l’OTAN. Ensuite cet avion était particulièrement gourmand en carburant, ce qui gâtait grandement sa charge marchande réelle. Enfin l’avion avait la réputation d’être un des aéronefs les plus bruyants de son temps, jugé pire même que le Concorde. C’est ce qui poussa le gouvernement allemand à décider de stopper le développement du Do-31E en octobre 1969 après 211 vols d’essais réalisés par les Do-31E1 et E3.
La Luftwaffe ne réagit presque pas, car à cette époque ses yeux se tournaient vers le programme d’avion de transport tactique franco-allemand, le Transall C-160. Malgré les graves défauts du Do-31E, Dornier reçut une offre d’étude de la part de Lufthansa, la compagnie aérienne d’état, pour une version de ligne désignée Do-231. Toutefois le programme fut là aussi annulé, et ce avant même la construction du premier prototype. Il faut dire que le Do-231 était d’une ambition démesurée. Lufthansa voulait un appareil de cent places capable de franchir 3000 km à une vitesse moyenne de 800km/h et de décoller à la verticale depuis des toits d’immeubles. L’OTAN s’intéressa aussi un temps au Do-231 pour des missions de lutte anti-sous-marine, de reconnaissance maritime, et de transport tactique. L’étude de cette variante de la machine fut finalement également arrêtée.
En l’espace de moins de dix ans le programme du Do-31E avait coûté aux contribuables allemands le même prix que le Transall et l’Airbus A300 réunis. Deux avions autrement plus réussis. Toujours est il que le Do-31E est toujours de nos jours le plus gros avion à décollages et atterrissages verticaux à avoir prit l’air.
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