Au lendemain de la Première Guerre mondiale la défaite allemande et austro-hongroise est entérinée lors du traité de Versailles de 1919. L’Allemagne notamment est démilitarisée et en partie occupée par les troupes des pays vainqueurs. Pourtant dans le pays la grogne ne cessa jamais et permit l’émergence des mouvements nationalistes et populistes qui allaient conduire à l’élection en janvier 1933 d’Adolf Hitler au poste de chancelier allemand avant qu’il ne deviennent quelques mois plus tard le Fürher, c’est à dire le terrifiant dictateur que l’on connait aujourd’hui. Or Hitler favorisa, au plus grand mépris du droit international, l’émergence d’un réarmement clandestin qui se traduisit dans les faits par le lancement de plusieurs programmes industriels, aéronautiques notamment. L’un de ces premiers développements d’avions militaires allemands concerna une famille de bombardiers moyens bimoteurs : le Dornier Do 11 et ses descendants directs Do 13 et Do 23.
Tout commença un an avant l’écrasante victoire du parti nazi aux élections. L’avionneur Claudius Dornier, notoirement alors connu pour ses amitiés avec certains dirigeants de cette formation politique, proposa de développer secrètement un bombardier moyen en le faisant passer pour un avion postal. Le projet eut l’assentiment des dirigeants de la république de Weimar sans que ceux-ci ne connaissent l’aboutissement prévu de la machine. Il fut baptisé Dornier Do F. Malgré quelques craintes sur une future extrapolation militaire la commission aéronautique de la Société Des Nations donne son aval au développement de l’avion. En février 1933, à peine Hitler installé dans son nouveau rôle de chancelier, dix exemplaires sont acquis. Non pas par une compagnie aérienne mais par la Reichsbahnstrecken, une entreprise de transport postale ferroviaire aux mains d’un financier nazi. En réalité les Do F ne transporteront jamais de courrier ou de petits colis mais serviront d’avions d’entraînement avancé pour les futurs équipages de bombardiers. Ils sont d’ailleurs tous livrés avec des commandes de vol doublées.
Dans le même temps Adolf Hitler donne l’ordre, sans s’inquiéter de la réaction des Britanniques et des Français, de développer une version opérationnelle du Do F comme bombardier moyen. Le nouvel avion sera même un des premiers avions à recevoir une désignation dans le nouveau système du RLM. Le bombardier dérivée du Do F est donc appelé Do 11. Le premier vol du prototype a lieu en février 1933, neuf jours seulement après l’investiture du nouveau chancelier. Grossièrement c’est un Do F armé, ce que devait être l’avion dès le départ.
Malgré des qualités de vol incertaines, inférieures à ce qui se faisait alors ailleurs dans le monde, et notamment aux États-Unis, en France, ou au Royaume-Uni, le Dornier Do 11 est construit en série. Et ce au grand dam des services de renseignement britanniques qui ne tardent pas à découvrir son existence et à en informer Londres et Paris. Pourtant rien n’y fait, le mal est fait. En vol le Do 11 n’est pas ce qu’on pourrait appeler un avion agréable à piloter avec son cockpit ouvert et ses qualités de vol très approximatives. Sa stabilité est jugée médiocre, il vibre de partout lors des phases ascendantes et descendantes, et son train d’atterrissage est sans cesse renforcé après chaque mission. Pourtant il devient le premier bombardier allemand de l’ère nazie lors de son entrée en service opérationnel en juin 1933. Désormais le réarmement allemand devient une réalité palpable. Pourtant officiellement l’Allemagne n’a toujours pas d’aviation militaire.
Et durant plusieurs mois une sorte d’aberration va exister en Allemagne et en Europe. Tout le monde sait que le Dornier Do 11 est un bombardier, il vole régulièrement en formation composée mais comme il dispose d’immatriculations civiles et non de codes tactiques la SDN ne sourcille pas. Officiellement les escadrilles de Do 11 sont des unités d’avions postaux… avec mitrailleuses et charges de bombes.
Dans le même temps Dornier développe une version très améliorée qui reçoit la désignation de Do 13. Cependant très superstitieux Adolf Hitler n’aime pas celle-ci et par ricochet l’avion lui-même. Pour une fois il n’aura pas totalement tort. Même si ce nouvel avion dispose d’améliorations notables il est sous-motorisé avec ses moteurs en étoile Siemens Sh 22-B2 de 600 chevaux et ses grosses roues carénées l’alourdissent franchement. Une tentative de motorisation avec des BMW VI en ligne de 615 chevaux est même réalisée mais sans suite. Les douze Do 13 de présérie construits ne seront jamais opérationnels, sept d’entre-eux ont même été accidentés dont cinq entraînant la mort de leurs équipages.
Pourtant au printemps 1935 alors que le réarmement allemand est maintenant clairement connu de tous, et notamment de ceux considérés alors comme les ennemis des Allemands, à savoir les Britanniques et surtout les Français, une nouvelle version voit le jour : le Dornier Do 23. Il s’agit en fait d’une amélioration de l’avion de présérie Do 13E. Il est construit en série sous les désignations Do 23F et Do 23G. Lorsqu’il en entre en service en juin 1935 la Luftwaffe existe enfin officiellement.
Pourtant si le Dornier Do 11 et ses 1000 kilos de charge offensive fut une véritable avancée deux ans auparavant pour les pilotes clandestins allemands il n’en est rien du Do 23F. Sa charge de combat n’a pas augmenté et il emporte toujours les trois même mitrailleuses mobiles MG15 de calibre 7.92mm pour son autodéfense. Pis quelques mois avant son entrée en service le même avionneur à présenter son prototype Do 17 nettement plus moderne tandis que Junkers se prépare à faire entrer en service son très intéressant Ju 86, un avion aux normes des nations de l’époque. Nonobstant le Do 23 sera assemblé à 282 exemplaires et utilisé comme bombardier jusqu’en 1940.
Lorsque la Seconde Guerre mondiale éclate à l’été 1939 les bombardiers bimoteurs Dornier d’ancienne génération sont clairement des avions obsolètes. Pourtant quelques exemplaires sont engagés au combat au-dessus de la Pologne, notamment contre des positions non fortifiées. Équipés de lourds phares, qui réduisent leur charge offensive à 750 kilos, plusieurs Do 23 réalisent début septembre deux raids aériens contre des installations de la cavalerie (encore réellement à cheval à cette époque) polonaise. Ce sont surtout parmi les premières frappes aériennes nocturnes du conflit. En l’absence d’une chasse nocturne polonaise presque tous les Do 23G engagés reviennent à leur base, seuls deux manquent car détruits par la DCA.
Ce sera là le seul fait d’arme de ces vieux bombardiers durant le conflit. Car dès la chute de la Pologne les Dornier Do 23 rejoignent les Do 11 encore en état de vol à des missions secondaires. Si les second, les plus anciens, n’assurent quelques missions de remorquages de cibles ou encore de surveillance forestière jusqu’en mars 1940 il en est tout autrement des Do 23F et Do 23G.
La majorité de ces bombardiers encore en état de vol est transformée en avions d’entraînement avancé pour tous les pilotes de multimoteurs. Leur armement est déposé, à l’exception de la mitrailleuse mobile avant et ces avions reçoivent une livrée adaptée. Les Dornier Do 23 seront utilisés comme machines de formation avancée du printemps 1940 à fin 1942. Ainsi se termine alors la carrière de la première lignée de bombardiers allemands de l’époque hitlérienne.
Il est impossible à proprement parler de prétendre que le Do 11 et ses successeurs furent de bons avions tant ils étaient sous-motorisés et mal armés. Cependant il serait faux d’estimer qu’ils n’ont pas influencer l’histoire militaire allemande. Ils ont notamment permis aux pilotes et équipages de la future Luftwaffe de se faire la main (et les dents) sur un pis-aller. De nos jours plus aucun de ces gros bimoteurs ne subsiste.
En savoir plus sur avionslegendaires.net
Subscribe to get the latest posts sent to your email.