DFW T28 Floh

L’histoire de l’aviation est jalonné d’aéronefs n’ayant pas dépassés le stade expérimental. Si les plus célèbres de ces prototypes existèrent entre la Seconde Guerre mondiale et le milieu de la guerre froide il ne faut pour autant pas rayer d’un trait de plume les machines antérieures. Certaines d’entre elles ont en effet un véritable intérêt, ne serait-ce qu’au titre de la pure curiosité. Les avions expérimentaux de la Première Guerre mondiale ne sont donc pas les plus fameux, cela n’en fait pour autant pas forcément des machines négligeables sur un plan purement historique. Et à ce petit jeu là l’un des appareils les plus remarquables est le biplan allemand DFW T28 Floh conçu pour des missions de chasse.

Ingénieur touche à tout et passionné par les questions de pénétration dans l’air et d’écoulement des fluides Hermann Dorner était à la fin de l’année 1914 l’un des deux ingénieurs en chef de la Deutsche Flugzeug-Werke. L’effort de guerre allemand allait lui donner pleine latitude pour faire jouer son génie, certains diront en son temps sa folie.
Début 1915 la Luftstreitkräfte demanda à l’ensemble des constructeurs d’aéroplanes de plancher sur des idées d’appareils à vocation militaire afin de tenter de damer le pion aux aviations britanniques, françaises, et russes. Chez DFW Dorner y vit une occasion de mettre en pratique ses vues sur l’aérodynamique des machines volantes.

Il lança à l’été 1915 le programme connu sous la désignation constructeur de T28. Il s’agissait selon Hermann Dorner de développer un chasseur de petite taille le plus aérodynamique possible et possédant donc le moins d’aspérités. Il se fit assister dans ses études d’un autre ingénieur de talent, par ailleurs pilote d’essais : Theo Rockenfeller. Celui-ci lui conseilla d’avoir recours à un moteur éprouvé, en l’objet un Mercedes D.I à six cylindres en ligne refroidi par eau et développant 100 chevaux. Il entraînait une hélice bipale en bois.
Les premières ébauches du T28 surprirent jusqu’au plus haut point de l’état-major impérial allemand. Déjà que pour beaucoup de généraux prussiens l’aviation n’était pas une arme sérieuse mais ce nouvel avion se révélait même à leurs yeux être ridicule. Pourtant ils furent convaincus par les explications de Dorner et acceptèrent la poursuite du développement de celui que son concepteur avait baptisé, non sans humour, du nom de Floh. C’est à dire la puce en français.

Extérieurement le DFW T28 Floh ne ressemblait à aucun avion de son temps. Outre sa très académique architecture de type biplan d’envergure égale à haubans, sa construction en bois entoilé, et son train classique fixe ce qui sautait aux yeux c’était son moteur : il était invisible ! En effet le fuselage noyait littéralement le Mercedes D.I ne dévoilant que le moyeu et l’hélice elle-même ainsi que les pipes d’échappement sur les côtés. En outre le pilote était placé dans un cockpit à ciel ouvert très haut placé, au niveau du plan supérieur de voilure. Il servait une mitrailleuse LMG 8/15 de calibre 7.92 millimètres tirant au-dessus du pas de l’hélice.
Le pilote devait utiliser une échelle amovible ou un escabeau pour monter à bord du T28 Floh.

Les premiers essais de moteur et de roulage eurent lieu au cours de la seconde quinzaine de novembre 1915. Finalement le DFW T28 Floh vola pour la première fois, entre les mains de Rockenfeller, le 6 décembre de la même année. De l’avis même de l’ingénieur et pilote ce biplan n’était pas facile à faire décoller, plutôt agréable en vol, mais extrêmement anxiogène lors des phases d’atterrissages. D’ailleurs lors du troisième vol d’essais en janvier 1916 l’avion fit une sortie de piste à l’atterrissage. Réparé rapidement et doté de nouveaux stabilisateurs compensés il reprit ses essais en vol dès le mois de février. La Luftstreitkräfte croyait à en lui afin d’en faire un chasseur de défense rapprochée.
Au cours de ce même mois de février 1916 le T28 Floh devint le premier avion au monde à atteindre la vitesse de 180 kilomètres heures en vol horizontal. Pour autant quelques jours plu tard il s’écrasa à l’atterrissage, envoyant Rockenfeller à l’hôpital avec de multiples fractures. Totalement détruit le prototype ne fut pas reconstruit, les autorités allemandes ayant changé leur fusil d’épaule à son sujet.

De l’avis même de Hermann Dorner son avion n’était en fait pas tant un futur chasseur qu’une préfiguration de ce que devrait être l’aviation militaire dans les années à venir. Il le voyait comme un exercice de style sur l’aérodynamique. À ce niveau là le DFW T28 Floh remplit sa fonction, même s’il cloua au sol l’ingénieur et pilote Theo Rockenfeller. De son côté Dorner continua sa carrière chez Hannover où il conçut le fameux CL.II de reconnaissance armée et d’escorte aérienne.
Il ne reste de nos jours plus rien de ce surprenant T28.