Pour beaucoup le DFS (pour Deutsche Forschungsanstalt für Segelflug) n’est qu’un constructeur de planeurs parmi tant d’autres en Allemagne nazie. C’est vrai et faux à la fois. Vrai car c’est même sa raison d’être dans un pays démilitarisé par le Traité de Versailles de 1919 et qui donc s’est plongé dans le vol à voile mais également faux. En effet les ingénieurs du DFS se sont cependant essayés à la réalisation d’avions motorisés à l’image d’un étonnant monoplan de reconnaissance propulsé par un moteur-fusée et demeuré à l’état de prototype : le DFS 228.
En 1936 les ingénieurs du DFS commencèrent à travailler sur un programme de planeur pressurisé destiné à évoluer à très haute altitude. Désigné DFS 54 cet engin bénéficia notamment des enseignements du programme Junkers Ju 49 sur le vol stratosphérique. Rapidement le DFS 54 atteignit l’altitude de 13500 mètres après son largage à moyenne altitude par un monomoteur Messerschmitt Bf 108 spécialement modifié. Mais le début des hostilités mit fin à ce programme particulièrement réussi. Le DFS 54 fut remisé.
Cependant en janvier 1940, alors que la drôle de guerre sévissait entre l’Allemagne et les Alliés le long des lignes Maginot et Siegfried, le DFS ressortit son planeur de la poussière. L’idée étaient alors de l’équiper d’un moteur-fusée afin de le rendre apte à des vols stratosphériques de reconnaissance stratégique. Le programme reçut la désignation de DFS 228. Le planeur fut modifié en conséquence.
Le DFS se vit adjoindre un avion porteur, un bimoteur Dornier Do 217K, censé porter le DFS 228 sur son dos à la manière du Junkers Mistel. Les premiers essais se firent sur le système de pressurisation sans motorisation. Les premiers vols démontrèrent d’ailleurs des défaut dans cet équipement vital pour le pilote. La majorité des vols d’essais se déroulait sous le sceau du plus grand secret en Allemagne, loin de la menace de la chasse alliée.
C’est l’Erprobunsstelle de Rechlin en Poméranie occidentale qui menait ses essais, directement sous l’autorité à la fois du DFS, de la Luftwaffe, mais aussi des SS. Il faut dire que le DFS 228 intéressait en tout premier lieu les services de renseignement nazis qui voyaient en lui un outil de renseignement au-dessus des territoires ennemis comme le Royaume Uni et pourquoi pas le Canada. Un deuxième prototype fut commandé début 1941 afin de réaliser les premiers essais statiques de propulseur. C’est le moteur-fusée Walter HWK 109-509 d’une poussée maximale de 1500kg qui fut sélectionné.
Finalement les premiers essais en vol furent lancés avec ce second avion en août 1944, une fois les problèmes de pressurisation et de motorisation réglés. Le premier vol motorisé du prototype intervint le 11 mars 1944. Le Dornier D 217K porta l’avion-fusée à une altitude de 10 000 mètres avant la séparation. Là le DFS 228 s’éleva en mode planeur durant encore 700 mètres avant d’allumer son Walter HWK 109-509A et de monter à l’altitude de 19700 mètres. Puis par la suite il redescendit en vol plané jusqu’à sa base d’essais. Ce premier était alors considéré comme un quasi total succès. En effet le pilote d’essais rendit compte d’un souci de pressurisation lors de la redescente en mode vol à voile.
Extérieurement le DFS 228 se présente comme un avion-fusée intégralement construit en bois. Monoplan à aile basse cantilever il dispose d’un cockpit monoplace pressurisé dans lequel le pilote prend place en position allongée. Il possède un petit pare-brise avant doté d’un vitrage renforcé. Afin de faciliter son atterrissage l’avion dispose d’un patin d’atterrissage monotrace rétractable. Cependant il est obligatoirement largué en altitude par son avion-porteur Do 217K !
Lors des vols d’essais qui suivirent le DFS 228 s’éleva jusqu’à l’altitude de 22860 mètres, un record pour l’époque. Là il demeurait à l’abri de la totalité des chasseurs alliés, incapables de grimper aussi haut et encore moins de le suivre à la vitesse de 780km/h. Pour bon nombre de généraux nazis au courant de son développement l’avion-fusée représentait une machine d’avenir. Même si en fait le sort du Troisième Reich était déjà joué ! Les services de renseignement alliés de leur côté ignoraient presque tout de ce planeur à moteur-fusée. Les quelques bribes d’information (ou de désinformation plutôt d’ailleurs) le classaient comme prototype d’avion de combat voire un précurseur des missiles de croisière. Or le programme DFS 228 demeurait avant tout un avion de reconnaissance.
L’état-major de la Luftwaffe passa commande fin 1944 pour un lot de dix exemplaires devant être assemblés en priorité. Cependant à l’époque les quelques ateliers aéronautique du DFS étaient la cible, comme pour les autres constructeurs aéronautiques allemands, des bombardiers alliés. En avril 1945, quelques jours avant la défaite nazie, un raid mené par des Consolidated B-24 Liberator de l’aviation américaine détruisit le second DFS 228 ainsi que les quatre premières cellules de série en cours d’assemblage. Après la capitulation des forces allemandes les Américains mirent la main sur le premier des prototypes et son avion porteur.
Le DFS 228 fut transporté par les airs, à bord d’un Douglas C-54 Skymaster jusque dans le sud de l’Angleterre où il fut essayé par un collège d’experts de la Royal Air Force et de l’US Army Air Force. Essayé au sol il ne fut jamais testé en vol par les Alliés. Stockés dans un hangar il fut finalement envoyé à la ferraille à la fin des années 1940.
Contrairement à ce que beaucoup croient trop souvent le DFS 228 n’était nullement un des programmes de la dernière chance. Il n’avait donc rien à avoir avec par exemple le terrifiant Bachem Ba 349… hormis bien sûr la motorisation commune ! Aujourd’hui encore ce programme de planeur-fusée demeure un véritable défi à la hauteur du génie de ses concepteurs. Ironie du sort jamais le DFS 228 ne fut testé avec le moindre équipement de reconnaissance. Il n’en eut pas le temps !
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