À prime abord, l’idée de transformer un avion école en aéronef de transport semble saugrenue. Cela se comprend toutefois mieux si on replonge dans le contexte du marasme économique des années 1930 provoqué par le crash bousier de 1929. Les avionneurs ayant connu les années fastes de la Grande Guerre, puis des années folles de la décennie suivante, furent brutalement confrontés à un marché anémique. C’est dans ce contexte que, chez de Havilland, Arthur Ernest Hagg conçut un avion de transport léger dérivé du biplan DH.82 Tiger Moth .
Alors que le prototype du DH.82 accomplissait son premier vol en octobre 1931, le DH.83 fit de même en mars 1932. Souhaitant offrir un avion de transport léger et économique, tant à l’achat qu’à l’utilisation, A.E. Haggs modifia simplement la carlingue du DH.82 de façon à pouvoir accueillir jusqu’à quatre passagers. Recouvert de contreplaqué, la cabine fermée des passagers était surmonté du poste de pilotage à l’air libre ou avec verrière coulissante en option. Grâce à un hublot situé sur le tableau de bord, le pilote pouvait jeter un coup d’œil pour s’assurer du bien être de ses passagers. Afin d’en faciliter l’entreposage, les ailes du DH.83 pouvaient être repliées. Le DH.83 bénéficiait d’un rayon d’action de 560km et d’une vitesse de croisière de 155km/h. Considérant que le DH.83 était motorisé avec Gipsy Major de 4 cylindres en ligne ne développant que 130 ch., ses performances impressionnaient pour l’époque.
Très rapidement le DH.83 se tailla une réputation en remportant le King’s Cup Air Race en 1932. Autre marque de prestige, un DH.83 spécialement aménagé rejoignit dès 1932 le Royal Flight mis sur pied par le Prince de Galles. Au delà de son utilisation prévue comme avion taxi dans les îles britanniques, le DH.83 démontra sa polyvalence en déployant ses ailes dans les contrées les plus éloignées. Des DH.83 furent mis à contribution lors de l’expédition britannique du mont Everest en 1933 ainsi que lors de levés cartographiques dans l’Antarctique entre 1934 et 1937. Aussi, en 1934, un DH.83 piloté par John Grierson quitta l’Angleterre pour rallier Ottawa au Canada, en transitant par l’Islande et le Groenland. Anticipant ses qualités d’avion de brousse, le prototype du DH.83 avait été expédié au Canada dès 1932 afin d’évaluer ses performances avec flotteurs et skis par temps froid. Malgré la Grande Dépression, l’intérêt pour le DH.83 était suffisant pour que de Havilland Canada en débute l’assemblage. Le DH.83 connût également du succès en Australie où il se distingua comme avion ambulance sous les couleurs de l’Australian Aerial Medical Service. En Nouvelle-Zélande, le DH.83 fut surtout utilisé comme avion taxi pour desservir les communautés côtières isolées, utilisant les plages à marée basse comme piste. Le Japon s’intéressa aussi au DH.83 en produisant en petite série une copie domestique, soit le Gasuden KR-1 Chidori-Go doté du moteur en étoile Jimpu.
Avec les qualités de broussard du DH.83, on aurait pu anticiper des commandes militaires. Avant guerre, seuls quelques DH.83 servaient toutefois sous les couleurs de la marine brésilienne et de l’aviation espagnole. Au déclenchement de la Seconde Guerre mondiale, un petit nombre de DH.83 civils furent réquisitionnés pour servir d’avions de liaison pour la Royal Navy et l’Air Transport Auxiliary britanniques. Également réquisitionnés par la Royal New Zealand Air Force et la Royal Australian Air Force, des DH.83 furent utilisés pour des évacuations sanitaires lors de la campagne de Nouvelle-Guinée. De son côté, la South African Air Force réquisitionna des DH.83 civils pour la formation de son personnel.
N’eût été de la Grande Dépression et du déclenchement de la guerre, le DH.83 aurait sans doute connu un plus grand succès. En tout, ce sont près d’une centaine de DH.83 qui furent assemblés en Grande-Bretagne. Avant-guerre, de Havilland Canada en avait aussi fabriqué une petite dizaine d’exemplaires. Suite au déclenchement du conflit, la société canadienne priorisa toutefois l’assemblage des DHC.82 requis en grand nombre pour le Programme d’entraînement aérien du Commonwealth, ainsi que la production d’un millier de DH.98 Mosquito. Afin d’occuper ses ouvriers après-guerre, en attendant la mise en production du DHC-1 Chipmunk, de Havilland Canada assembla une soixantaine d’appareils DHC.83. Cette version améliorée du DH.83 était notamment doté d’un moteur Gipsy Major 1C plus puissant, d’une porte latérale agrandie pour faciliter le transport de matériel ou de civières, ainsi que d’une verrière profilée pour le pilote. Bien que l’anachronique DHC.83 eut ses adeptes parmi les pilotes de brousse, de Havilland Canada s’apprêtait à lancer son légendaire DHC-2 Beaver. Aujourd’hui ne subsiste qu’une demie douzaine de DH.83 et DHC.83 en état de vol, dont celui qui a fait carrière en Nouvelle-Zélande après avoir servi pour le Royal Flight. Fondateur de Wardair, Max Ward a également fait don d’un DHC.83 en parfait état de vol au Musée de l’aviation et de l’espace du Canada.
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