Au cours de la Seconde Guerre mondiale la Royal Air Force utilisa une vaste flotte d’avions de transport tactique mais également de soutien opérationnel. Parmi ceux-ci figuraient les avions de liaisons et de transports de personnels, plus confortables que les Douglas Dakota réservés aux fantassins et aux troupes aéroportées. Et comme la majorité des forces alliées la RAF fit appel à des avions réquisitionnés dont certains volèrent sous les couleurs civiles de la British Overseas Airways Corporation. Parmi les plus emblématiques on retrouva sept quadrimoteurs d’une élégance sans pareil mais aux qualités militaires plus que discutables : les De Havilland D.H.91 Albatross.
Fin 1935 l’Air Ministry émit la Specification 35/36 relative à la construction d’un avion de transport postal transatlantique. L’idée était alors que si les hydravions à coque étaient les meilleurs aéronefs pour faire traverser l’océan à des passagers un simple avion terrestre suffirait pour le courrier. En fait les décideurs britanniques s’inspirèrent des travaux français de Pierre-Georges Latécoère et de feue sa compagnie Aéropostale.
Seulement voilà aucune compagnie britannique n’avait réclamé un tel appareil.
Si bien que les industriels volontaires ne se bousculèrent pas au portillon. Finalement seul le constructeur De Havilland proposa son D.H.91 qui fut logiquement retenu. Et le moins qu’on puisse dire c’est que les ingénieurs et designers s’étaient lâchés, leur avion était sur le papier tout bonnement magnifique.
Il se présentait sous la forme d’un quadrimoteur monoplan à aile basse cantilever. Il disposait d’un empennage double dérive et d’un train d’atterrissage classique escamotable. Il était assemblé dans un mélange de balsa et de contreplaqué, rendant l’avion donc particulièrement léger et peu gourmand en carburant. Les lignes de son fuselage étaient très aérodynamiques tout en demeurant assez douces. Le design de ses quatre moteurs en ligne De Havilland Gipsy Mk-12 d’une puissance nominale de 525 chevaux ajoutait à cette impression. La cabine de l’avion était prévu pour accueillir jusqu’à 1650kg de fret léger. Le D.H.91 reçut le patronyme d’Albatross.
C’est dans cette configuration que le prototype vola le 20 mai 1937.
Finalement la compagnie Imperial Airways fit l’acquisition de sept avions mais en deux lots. Le premier livré cette même année 1937 concernait bien deux avions transatlantiques postaux mais le second livré l’année suivante concernait cinq avions de ligne classiques. Prévus pour accueillir un maximum de 22 passagers ceux-ci devaient pouvoir rallier Londres à l’ensemble des grandes capitales européennes. Les De Havilland D.H.91 Albatross devinrent à partir du second semestre 1938 les porte-étendards de cette compagnie britannique.
Ces avions furent tous baptisés d’un nom commençant par un « F » : Faraday et Franklin pour les avions postaux ; Frobisher, Falcon, Fortuna, Fingal, et Fiona pour les avions de ligne.
Pourtant quand la Seconde Guerre mondiale éclata en septembre 1939 les cinq avions ne desservaient déjà plus ces destinations. Ils réalisaient principalement des vols commerciaux à destination de Lisbonne et de la ville irlandaise de Shannon. Les avions postaux assuraient eux des vols vers le Canada, souvent avec une escale en Islande.
À cette même époque Imperial Airways et British Airways Limited fusionnèrent pour donner naissance à la BOAC, la British Overseas Airways Corporation. Et les avions de cette dernière furent repeints dans une livrée à mi-chemin entre les avions civils et militaires. Ils assuraient d’ailleurs fréquemment des missions pour le compte de la Royal Air Force.
En septembre 1940 devant la pression allemande il fut décidé que la RAF réquisitionne immédiatement les deux avions postaux qui furent affectés au N°271 Squadron. Cette unité faisait alors voler des avions de transport de fret, les modèles en service étaient des Bristol Bombay et des Handley Page H.P.54 Harrow. L’unité possédait même les deux seuls et uniques biplans de ligne Handley Page H.P.42 alors encore état de vol.
Les deux De Havilland D.H.91 Albatross furent affectés notamment à des vols rapides, toujours via l’Islande ou le Portugal, vers l’Amérique du nord.
Dans le même temps le N°271 Squadron utilisa ponctuellement des avions de la version passagers et appartenant à la BOAC.
En fait jamais la Royal Air Force ne sut vraiment se servir de ces quadrimoteurs élégants mais pas du tout adaptés. Leur train d’atterrissage était trop fragile et ils n’étaient pas du tout protégés face à la chasse allemande ou même aux hydravions de la Luftwaffe.
Les deux D.H.91 Albatross du N°271 Squadron ne volèrent pas plus de 18 mois en unité, étant déclarés inaptes aux opérations après chacun un atterrissage d’urgence et des réparations qui ne tenaient pas. Les avions de ligne de la BOAC ne furent pas mieux lotis puisque trois d’entre-eux furent détruits dans des accidents à l’atterrissage.
Finalement les deux survivants furent retirés du service en octobre 1944. Ainsi se terminait une carrière assez courte et émaillée de plusieurs accidents.
Pourtant la conception même du De Havilland D.H.91 Albatross donna naissance quelques années plus tard à un des avions les plus réussis de cette période : le bombardier et chasseur D.H.98 Mosquito. Lui aussi faisait appel à un usinage en bois et contreplaqué, et disposait d’une esthétique très travaillée.
Il ne subsiste de nos jours plus rien des sept Albatross britanniques.
En savoir plus sur avionslegendaires.net
Subscribe to get the latest posts sent to your email.