Bien qu’en grande partie inféodé à son puissant voisin méridional et à son ancienne puissance coloniale le Canada a souvent cherché à disposer d’aéronefs de conception ou au moins de construction locale. C’est ainsi que ce pays a su développer en parallèle de son industrie aéronautique propre une capacité de fabrication sous licence et souvent d’amélioration de machines provenant d’autres pays. L’un des exemples les plus frappants fut le bimoteur de reconnaissance maritime et de lutte anti-sous-marine De Havilland Canada CS2F Tracker.
C’est en mars 1954, quelques jours seulement après l’entrée en service dans l’US Navy des premiers S2F-1 Tracker, que De Havilland Canada proposa à Grumman de construire sous licence son avion pour les besoins de la Royal Canadian Navy. En fait l’avion était en compétition alors avec le Fairey Gannet britannique mais faisait figure de large favori.
La licence de production fut signée aussitôt mais avec comme particularité de ne s’appliquer uniquement si le Canada sélectionnait l’avion américain.
Et c’est ce qui se passa. Un marché fut signé portant sur la production de quarante deux exemplaires désignés De Havilland Canada CS2F Tracker. Les premiers exemplaires entrèrent en service dès février 1957 au sein de l’escadrille VS 881 et très rapidement embarqué à bord du porte-avions HMCS Bonaventure comme chasseur de sous-marins et protecteur de navire. Ces CS2F-1 étaient en fait strictement identiques aux S2F-1 alors en dotation dans l’aéronavale des États-Unis.
Mais surtout ils permirent d’envoyer rapidement à la retraite les derniers Grumman Avenger AS Mk-3 encore en dotation.
Une deuxième commande fut portée par le ministère canadien de la défense pour cinquante-sept exemplaires désignés De Havilland Canada CS2F-2. Il s’agissait cette fois d’avions beaucoup plus «canadiens». Leur avionique était de conception locale tandis qu’ils disposaient de nouvelles charges de profondeurs et de mines elles-aussi produites dans le pays. Mais surtout ces nouveaux Tracker disposaient d’un détecteur d’anomalie magnétique et d’un radar de recherches tous-temps.
C’est au sein de l’escadrille VS 880 que les premiers exemplaires de série entrèrent en service en janvier 1960.
À cette époque les De Havilland Canada CS2F-2 étaient parmi les Tracker les plus modernes au monde, à tel point même qu’un avion fut prêté à Grumman qui l’étudia et en développa une version dérivée. Cela déboucha sur l’apparition du S2F-3 construit à une centaine d’exemplaires pour l’US Navy et l’export.
En 1963 De Havilland Canada et Fairey Aviation développèrent conjointement la version CS2F-3 dont quarante-cinq exemplaires furent assemblés à partir de cellules de CS2F-2 déjà en dotation. Ces avions possédaient notamment un radar à effets doppler, un système de lutte anti-sous-marine Julie & Jezebel et un système de navigation tactique.
En 1968 quand les avions de la Royal Canadian Navy furent versés au sein des Canadian Forces tous les De Havilland Canada CS2F reçurent la nouvelle désignation de CP-121. Le nom de Tracker lui ne changea pas. Deux ans plus tard ces avions devenaient terrestre, le Canada retirant du service son porte-avions HMCS Bonaventure en 1970.
Ils demeurèrent pourtant en service encore vingt ans. Les CP-121 Tracker assurèrent les missions de lutte anti-sous-marine et de patrouille maritime pour les besoins des Canadian Forces jusqu’en 1990. La fin de la guerre froide fut en effet fatale à ces vieux guerriers.
Assez étrangement le Canada n’est pas le seul pays à avoir utilisé des De Havilland Canada CS2F Tracker. La Marineluchtvaarstdienst, c’est à dire l’aéronavale néerlandaise, utilisa un lot de dix-sept CS2F-1 qu’elle acheta en décembre 1960 afin de renforcer sa flotte de Grumman S2F-1 achetés quelques temps plus tôt. Eux aussi eurent droit à l’appontage sur porte-avions, à bord du Karel Doorman. Ils y servaient en compagnie d’avions de chasse Hawker Sea Hawk FGA Mk-50 et d’hélicoptères Sikorsky HSS-1N.
Servant au sein du Squadron 1 ils volaient assez régulièrement également à partir de la base de Hato sur l’île de Curaçao aux Antilles néerlandaises. Ils y assuraient principalement des missions de souveraineté.
Les CS2F néerlandais ne demeurèrent que dix ans en service, étant versé en 1970 à plusieurs écoles de mécaniciens aussi bien civiles que militaires. Au moins deux d’entre-eux ont même brièvement porter les couleurs du transporteur national KLM sans pour autant beaucoup voler. Ils formaient les futurs mécanos.
Mal connu en Europe, et même aux Pays-Bas, le De Havilland Canada CS2F Tracker est pourtant une preuve flagrante du génie canadien quand à la modernisation de machines existant déjà. Il est à signaler que certains avions ont ensuite été transformés par Conair comme bombardiers d’eau Firecat / Turbo Firecat. D’autres ont terminé leur carrière comme pièce de musée.
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