Lorsque l’on aborde le cas de l’aventure aéronautique en Suisse, immanquablement on pense à l’avionneur Pilatus tant celui-ci a marqué l’histoire industrielle de son pays. Pour autant il ne s’agit pas du seul avionneur de ce pays, on compte notamment parmi les plus connus Comte qui développa de très bons avions durant l’entre-deux-guerres ou encore EKW et son célèbre avion d’attaque au sol C-36 Schlepp conçus pendant la Seconde Guerre mondiale. Plus proche de nous l’industriel Dätwyler, spécialisé dans la mécanique de précision, s’essaya lui aussi à l’aviation au travers notamment d’un étonnant petit biplace d’entraînement de base : le MD3 Swiss Trainer.
Après avoir un peu touché aux planeurs l’ingénieur suisse Max Dätwyler décida à la fin des années 1960 de concevoir son propre avion d’entraînement primaire et de tourisme. Son idée, assez lumineuse, était que le futur avion devrait pouvoir être produit dans des ateliers disposant d’un faible équipement technologique. Nous étions alors en pleine période de décolonisation et ce mode de pensée était pleinement dans l’air du temps.
Pour cela Dätwyler pensa un avion capable d’être le plus interchangeable possible, les éléments de bords d’attaque, de gouvernes, ou encore de saumons devant pouvoir être modulés les uns vis à vis des autres.
C’est dans son bureau d’étude du village de Bleienbach, dans le canton de Berne, que l’avion prit forme. Il fut baptisé Dätwyler MD3 Swiss Trainer. Nous étions alors en 1970 et le moins qu’on puisse dire c’est que le marché aéronautique était saturé d’avions d’entraînement de base et de tourisme, mais cela ne faisait pas peur à l’ingénieur suisse. Pour autant il mit un temps très important à définir son avion, passant et repassant d’une formule à une autre. Surtout il peinait à mettre au point le système d’interchangeabilité du MD3 Swiss Trainer.
Après avoir envisagé plusieurs motorisations différentes l’équipe de conception se tourna vers le Lycoming O-320 dans sa version D2A. Développant 160 chevaux et entraînant une hélice bipale en métal ce moteur était similaire à celui qu’on retrouvait sur les Bellanca Decathlon, les Gulfstream AA-5 Traveler, ou encore les Wassmer WA-52 Europa. Ces deux modèles américains et ce modèle français d’avions de tourisme étaient alors considérés comme de véritables réussites, en grande partie grâce au choix de cette motorisation fiable et robuste.
Nonobstant le premier prototype ne fut assemblé qu’au début de l’année 1983 et réalisa son premier vol le 12 août de la même année. Extérieurement il n’avait rien de vraiment révolutionnaire, si on excepte sa fameuse capacité d’interchangeabilité entre éléments gauches et droits. Il s’agissait d’un monoplan à aile médiane cantilever doté d’un train d’atterrissage tricycle fixe. Le cockpit biplace était en tandem et disposait d’une verrière largement vitrée s’ouvrant en glissant vers l’avant. Le Dätwyler MD3 Swiss Trainer était assemblé en métal et disposait d’éléments en matières plastiques. On ne parlait pas encore alors de composites.
Mais jamais au cours des années 1980 l’avionneur ne commercialisa aucun avion. Si bien qu’il fit voler sept ans plus tard un second prototype disposant de quelques améliorations légères. Et là par miracle l’avion commença à se vendre sur les marchés civils européens. Des MD3 Swiss Trainer furent achetés par des clients suisses bien sûr mais également allemands, britanniques, ou encore français. Pour autant on était loin alors de pouvoir parler d’un franc succès.
Fin 1992 des pourparlers furent engagés entre Dätwyler et la société malaisienne SME autour d’une construction sous licence du MD3 Swiss Trainer. La Tentera Udara Diraja Malaysia, c’est à dire l’aviation royale malaisienne, cherchait alors un nouvel avion d’entraînement de base permettant le retrait du service de ses De Havilland Canada DHC-1 Chipmunk alors en dotation. Un accord fut trouvé en juin 1993 suite au montage d’une entreprise conjointe américano-malaisienne permettant de garantir à la Suisse le paiement du contrat.
En Malaisie le Swiss Trainer allait devenir l’Aero Tiga. Le contrat initial portait sur vingt machines, bientôt porté à soixante par le gouvernement de Kuala Lumpur.
Le premier Aero Tiga est entré en service en Malaisie en juillet 1995 apportant un net gain de modernité vis à vis du monomoteur de facture canadienne. Sur les soixante avions construits vingt allèrent à l’école d’aviation officielle de l’aviation civile locale et les quarante autres aux militaires. C’est ainsi qu’en 2010 les Aero Tiga devinrent les seuls avions d’entraînement basique dans le pays, après le retrait du service des derniers Beagle Bulldog Mk-102 alors employés pour le formation à la voltige aérienne.
Fin 2019 une vingtaine d’exemplaires étaient encore en dotation mais leur remplacement était prévu pour l’horizon 2022-2023 sans qu’un successeur n’ait été désigné.
Bien que Dätwyler ait enregistré des commandes civiles supplémentaires aucun autre pays étranger ne s’est intéressé à titre militaire à son MD3 Swiss Trainer. Il faut dire qu’au fil des ans l’avion a du affronter une concurrence particulièrement féroce. Le marché des avions d’entraînement est un des plus compétitifs, et un avionneur inconnu même suisse a forcément du mal à s’y imposer !
Quoiqu’il en soit le Dätwyler MD3 Swiss Trainer a toujours eu la réputation d’être un bon avion, facile d’emploi, peu fragile, et permettant un apprentissage optimal des domaines du vol. De nos jours plusieurs exemplaires volent encore un peu partout en Europe.
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