Dassault MD.410 Spirale / MD.415 Communauté

Entre mars et mai 1954 la France fut engagée dans la décisive bataille de Diên Biên Phu en Indochine. Et elle la perdit. Très rapidement l’Armée de l’Air tira les enseignements de cet échec cuisant en émettant une fiche programme demeuré célèbre depuis. Celle-ci prévoyait la dotation future d’un avion de conception nationale dédiée à l’appui aérien rapproché, à la reconnaissance tactique armée, et même si possible aux liaisons aériennes. Plusieurs avionneurs y répondirent durant la seconde moitié des années 1950. L’un des aspects les plus intéressants fut développé par Dassault sous la forme des MD.410 Spirale et MD.415 Communauté.

Plutôt que de construire un seul avion hyper polyvalent le constructeur de Saint-Cloud choisit d’en développer deux à partir d’une seule et même cellule. Il y aurait le MD.410 Spirale pensé spécifiquement pour l’appui tactique rapproché et la reconnaissance armée et le MD.415 Communauté spécialisé dans les liaisons aériennes, le transport d’état-major, ou encore l’évacuation sanitaire. La fiche programme était très clair : le ou les futurs avions sélectionnés devraient être aptes à opérer en zone coloniale, notamment en Afrique du Nord où des troubles avaient déjà nécessité l’envoi de troupes. Quelques semaines seulement après la perte de l’Indochine la guerre d’Algérie avait débuté.

Marcel Dassault savait pertinemment que son entreprise n’était pas seule en lice. Le Morane Saulnier MS.1500 Épervier, le Potez 75, le SIPA S.1100, et le Sud-Est SE.116 Voltigeur participaient eux aussi à la compétition. Et chacun avait de solides arguments. Aussi son pari autour de deux avions différents était des plus risqués. L’ingénieur et homme d’affaire le savait. D’autant que mis à part son MD.315 Flamant il n’avait pas vraiment d’expérience dans le développement d’avions bimoteurs, qu’ils soient à moteurs à pistons ou turbopropulsés. On était ici loin de ses habituels avions de chasse.

MD.410 Spirale et MD.415 Communauté furent développés en même temps. L’un comme l’autre se présentaient sous la forme d’un monoplan tout métal à aile basse cantilever en flèche. Leur propulsion était assurée dans les deux cas par deux turbopropulseurs produits par Turboméca. Il s’agissait d’Astazou XIV D de 920 chevaux chacun pour le Spirale et de Bastan IV de 1000 chevaux pour le Communauté. En configuration désarmé le second se distinguait du premier par ses hublots percés le long du fuselage, montrant ainsi son caractère d’avion de transport léger. Dans les deux cas l’avion possédait un train d’atterrissage tricycle escamotable, légèrement renforcé dans le cas du Spirale. Ce dernier pouvait emporter comme armement des paniers à roquettes SNEB et des bombes de 125 kilogrammes.

C’est le prototype du Dassault MD.415 Communauté qui vola en premier, à la date du 10 mai 1959. Moins d’un an plus tard le 8 avril 1960 le MD.410 Spirale l’imitait. Mais déjà le sort de cet avion semblait scellé par Marcel Dassault lui-même. Il s’était entretenu avec son homologue de chez Sud Aviation, Georges Hereil, lui laissant l’aspect offensif et reconnaissance pendant que Dassault développerait l’avion de liaisons. Dassault et Sud Aviation venaient d’enterrer le MD.410 Spirale au profit du SE.116 Voltigeur. Ce dernier était jugé plus avancé et répondant mieux aux attentes des généraux de l’Armée de l’Air.

D’ailleurs à cette époque celle-ci combattait en Algérie où ses North American T-6G Texan, Republic P-47D Thunderbolt, et Sipa S.111 remplissaient les missions d’appui tactique et de reconnaissance armée normalement dévolues initialement aux MD.410 Spirale et SE.116 Voltigeur. Ces avions de conception ancienne répondaient en fait très bien aux attentes des aviateurs français. Trop bien même puisque rapidement le cahier des charges fut fortement amendé. D’autant qu’au même moment les Douglas A-1 Skyraider et les Sud Aviation T28 Fennec s’illustraient avec brio au-dessus des djebels. Et ce sans compter les avions de l’aéronavale et les premiers hélicoptères armés de l’ALAT.

En fait la guerre d’Algérie tua littéralement le concept. Il ne restait alors plus qu’à Dassault à se concentrer sur le MD.415 Communauté. Cependant cet avion se révéla rapidement ne pas du tout avoir les faveurs des généraux français. En avril 1961 ils déclarèrent vainqueur le Nord N.260 Super Broussard. Ironie de l’Histoire cet avion ne connut pas vraiment le succès non plus mais donna naissance au très réussi N.262 Frégate.

Un temps stocké le Dassault MD.415 Communauté fut utilisé de 1962 à 1964 comme avion de liaisons et de soutien opérationnel par le constructeur. Il fut ensuite envoyé à la ferraille. Ses erreurs furent riches en enseignements quand quelques années plus tard le MD.320 Hirondelle vit le jour. Rétrospectivement il parait évident qu’une solution à deux avions comme les MD.410 et MD.415 était forcément trop complexe. Cet échec demeure comme un des plus retentissants de l’avionneur clodoaldien.