Curtiss O-40 Raven

Jusqu’à l’attaque japonaise contre Pearl Harbor et sa transformation en US Army Air Force l’US Army Air Corps avait tout d’une force aérienne mineure. Durant la première moitié des années 1930 ses généraux firent tout pour la moderniser et la faire ressembler à leurs deux modèles qu’étaient alors l’Aéronautique Militaire et la Royal Air Force. Il partaient de très loin. Les missions dites de renseignement tournaient alors principalement autour d’une observation du champ de bataille, exactement comme durant la Première Guerre mondiale. Il n’était d’ailleurs pas rare que des avions de ce genre soient en dotation en très petites série, à l’image du monoplan parasol Curtiss O-40 Raven. Un cauchemar en terme de gestion des stocks et d’entretien mécanique.

En 1931 l’US Army Air Corps lança un programme visant à se doter d’un avion d’observation de nouvelle génération permettant de remplacer les Curtiss O-1 et Douglas O-2 encore en dotation. Plusieurs avionneurs répondirent à l’appel mais seuls quatre virent leurs avant-projets retenus pour être assemblés au moins jusqu’au prototype. Curtiss et Douglas en faisaient partie, tout comme Loening et Thomas-Morse. Si on excepte le troisième d’entre eux qui avançait un surprenant amphibie dérivé de son OA-2 les trois autres étaient plus académiques.

Le Curtiss YO-40 était un biplan d’envergure inégale, le Douglas YO-38 un biplan à voilure décalée, et le Thomas-Morse YO-41 un sesquiplan. Seul l’YO-40 était un modèle original puisque l’YO-38 dérivait directement de l’O-2 et l’YO-41 en faisait de même par rapport à l’O-19. Très rapidement Loening abandonna son YO-37 laissant les trois autres avions en concurrences directes.

Le Curtiss YO-40 était donc le seul avion vraiment nouveau. Pourtant il n’avait rien de novateur. Son moteur à neuf cylindres en étoile Wright R-1820E Cyclone d’une puissance de 650 chevaux n’était pas le plus puissant de la compétition et son champ de vision vers le bas était largement le plus médiocre des trois avions en compétition. Les militaires s’en rendirent compte après son premier vol survenu en février 1932. Les responsables de Curtiss-Wright sentaient le marché leur échapper, et ce malgré la récente commande de l’US Army Air Service pour dix O-39, une version améliorée de l’O-1G. Beaucoup y voyaient alors un pis-aller de manière à enterrer cet YO-40 mal parti. Les ingénieurs eurent alors une idée assez étrange : rogner le plan inférieur de voilure. Faire d’un biplan un monoplan à parasol, quelle drôle d’idée… une dernière chance en sommes.

Ainsi redessiné les moignons d’ailes avaient justes assez d’envergure pour permettre d’accrocher les haubans. D’ailleurs désormais désigné YO-40A l’avion entrait dans la catégorie des monoplans. Ironie de l’Histoire le biplan Douglas O-38 venait d’être commandé en série tout comme le sesquiplan Thomas-Morse O-19. Le Curtiss YO-40A poursuivait ses essais, passant même en YO-40B quand son moteur R-1820E de 650 chevaux fut échangé pour un R-1820-27 de 670 chevaux. Après essais en vol quatre exemplaires furent commandés et entrèrent en service à l’été 1933 sous la désignation de Curtiss O-40B Raven. L’YO-40A fut lui doté d’une double commande et utilisé comme machine d’entraînement sous la désignation O-40A.

C’est le 1st Observation Squadron de l’US Army Air Service qui prit en compte les cinq avions à l’automne 1933. Ils servirent aux côtés de Douglas O-31 avec lesquels ils étaient régulièrement confondus, et ce même si les deux appareils étaient très différents. Surtout les Curtiss O-40 Raven ne furent jamais déployés en dehors des États-Unis, même pas pour surveiller le canal de Panama. Chez Curtiss-Wright on espéra jusqu’en 1934 un nouvelle commande qui ne vint jamais. Cinq exemplaires seulement seraient pris en compte, et ce malgré une image de marque assez correcte de l’avion malgré une autonomie parfois jugée un peu faible.
Les O-40 Raven connurent une carrière sans aucun souci, sans aucun relief non plus. Aucun accident ne vint émailler leur service actif jusqu’en novembre 1938. À cette date un élève rata son atterrissage avec l’unique O-40A. L’avion fut en partie détruit et les deux membres d’équipage grièvement blessés. Son envoie à la casse scellait le sort des O-40B qui furent retiré du service quelques mois plus tard.

Jamais exporté le Curtiss O-40 Raven est rapidement retombé dans l’oubli. C’est aujourd’hui encore un des avions construit au plus petit nombre par son avionneur. Aucun n’est d’ailleurs parvenu jusqu’au 21e siècle, tous ont terminé à la ferraille ! Il est à noter qu’un autre avion de « renseignement » porta le même nom d’oiseau : le General Dynamics / Grumman EF-111 Raven.