Probablement parmi les ingénieurs italiens les plus féconds du 20ème siècle, Filippo Zappata créa quelques-uns des aéronefs les plus marquants de l’histoire aéronautique transalpine. Du bombardier Z.1007 Alcione au prototype d’hélicoptère gros porteur Agusta A101 en passant par l’avion de ligne Breda BZ-308 chacune de ses créations marqua son temps. Si toutes ne furent pas couronnées de succès, elles n’en étaient généralement pas dénué d’un certain intérêt. Et l’un des premiers appareils pour lequel on le connait, un hydravion de patrouille maritime, ne fait pas exception. Il s’agit du CRDA – CANT Z.501 Gabbiano.
En 1932, alors qu’il travaillait en France chez Blériot, Zappata fut rappelé dans son pays à la demande expresse d’Italo Balbo, alors à la tête de la Regia Aeronautica. Celui-ci qui connaissait bien les travaux de l’ingénieur lui commanda un hydravion militaire destiné à des missions de reconnaissance et de surveillance.
Et Balbo alla plus loin, mettant une équipe appartenant au CRDA – CANT, sous les ordres de Zappata. Celle-ci devait travailler sans relâche à la réalisation de ce projet. Les ingénieurs avaient carte blanche, la seule contrainte résidait dans le fait qu’il devait s’agir d’un hydravion à coque monomoteur. Zappata tenta bien de convaincre Balbo qu’un bimoteur serait plus adéquat mais les ordres semblaient venir de bien plus haut.
De ce fait l’ingénieur en chef s’intéressa de près à l’Isotta Fraschini Asso XI, un moteur à douze cylindres en V développé initialement pour les besoins d’un hydravion de course qui ne vit jamais le jour. Ce moteur développait 800 chevaux, mais il était alors possible de le « gonfler » un peu. Et ce fut chose faite avec l’Asso XI-RC d’une puissance de 880 chevaux. Ce gain de puissance de 10% était largement le bienvenu.
Pour le reste Zappata appliqua les théories en vogue à l’époque sur les hydravions militaires à coque. A savoir : aile haute à haubans, coque à double redans, poste de pilotage fermé, postes de tir avant et dorsaux à l’air libre, et flotteurs annexes. Cependant l’ingénieur eut une idée assez surprenante qui allait devenir la marque de reconnaissance de son hydravion : un troisième poste de tir était installé au-dessus de l’aile dans le fuseau de la nacelle du moteur. Son hydravion avait été conçu pour être intégralement en bois et contreplaqué. Il fut baptisé CRDA – CANT Z.501 Gabbiano.
C’est en février 1934 que le prototype réalisa son premier vol. Le Z.501 Gabbiano fut rapidement employé par la propagande fasciste pour des vols records en Atlantique nord et en Méditerranée. Ainsi quelques semaines après son premier déjaugeage, en mai 1934, il réalisa un vol record de 4135 kilomètres entre le nord-est de l’Italie et l’Érythrée. L’hydravion mit un peu plus de vingt-six heures pour remplir sa mission.
Malgré ce beau succès, le CRDA – CANT Z.501 Gabbiano n’attirait pas les clients étrangers. En 1935, il fut proposé à la Luftwaffe renaissante, mais celle-ci lui préféra les hydravions conçus par Claudius Dornier, à l’image du Do-15 et du très prometteur Do-18 alors en cours de développement. Heureusement la Regia Aeronautica passa commande pour une centaine d’entre eux. Commande bientôt doublée pour atteindre les 208 machines.
En 1936, le Z.501 Gabbiano était le principal hydravion de reconnaissance en service dans l’Italie fasciste. Malgré le soin apporté par Zappata son appareil était bourré de défaut : il était lent, bruyant, difficile à piloter, et comble pour un hydravion : il prenait l’eau !Malgré ces défauts Mussolini tenait à conserver dans les rangs de son aviation militaire un hydravion détenteur de quatre records du monde, et ce au mépris de toutes les injonctions demandant son retrait du service opérationnel.
Lors de l’intervention italienne en Espagne, pour soutenir les troupes franquistes face aux républicains, Mussolini offrit une dizaine de Z.501 Gabbiano à son nouvel allié. Celui-ci s’empressa de les mettre en ligne comme bombardiers et hydravions de reconnaissance. Si dans la première mission ils manquaient cruellement de précision, ils s’avérèrent particulièrement appréciés pour surveiller le littoral espagnol. En janvier 1939, un de ces Z.501 fut à l’origine d’un incident entre les forces franquistes et l’Armée de l’Air. Son pilote fut accusé d’avoir violé l’espace aérien français. Deux chasseurs français Morane-Saulnier MS.406 ouvrirent le feu sur l’hydravion espagnol et le forcèrent à amerrir près de Biarritz. Il fut confisqué et testé par les services officiels français. L’équipage fut arrêté, et finalement renvoyé de l’autre côté de la frontière au printemps 1939. La guerre civile espagnole était finie, et la France avait d’autres chats à fouetter.
Au moment du déclenchement de la Seconde Guerre mondiale, le CRDA – CANT Z.501 Gabbiano n’était plus le principal hydravion italien de reconnaissance, il avait été relégué à des tâches de surveillance côtière par des machines plus modernes comme le Z.506 Airone, du même avionneur. Cependant la majorité des machines demeurait en service. En 1941 quelques appareils furent fournis à l’aviation royale roumaine, alliée des fascistes et des nazis.
Pour les équipages de la Regia Aeronautica le CRDA – CANT Z.501 Gabbiano était un véritable cauchemar. Au point même que plusieurs préférèrent faire défection avec que continuer à combattre aux commande de cette machine. Les Britanniques récupérèrent l’une d’entre elle fin 1940 à Malte. Et ils ne furent pas impressionnés du tout. Aux essais ils démontrèrent que cet hydravion était lent, instable, et mal armé. Sa fameuse mitrailleuse supérieure n’avait aucun intérêt. Rapidement la Royal Air Force comprit que cet hydravion était une chance pour ses pilotes de chasse en mal de réussite. Plusieurs de ces hydravions tombèrent sous les tirs des mitrailleuses britanniques.
Lors de la partition de l’Italie quelques Z.501 Gabbiano furent pris en compte par les cobelligérants, qui se battaient aux côtés des Alliés. Ils y furent principalement utilisés comme hydravions de recherche et de sauvetage en mer.
Au printemps 1945 quand le conflit prit fin en Europe une quarantaine de CRDA – CANT Z.501 Gabbiano étaient encore en état de vol en Italie. Certains furent conservés par l’Aeronautica Militare Italiana pour des missions de reconnaissance côtière, de recherche et sauvetage, et de recherche des mines marines. Généralement ces hydravions opéraient désarmés. Finalement les derniers d’entre-eux quittèrent le service actif en 1950.
Qui aurait pu croire que cet hydravion bourré de carences, de mal-façons, et finalement totalement raté allait perdurer durant plus de quinze ans, dont près de la moitié en conflit. La preuve qu’il suffit parfois d’un rien pour accéder à une longévité inespérée. Sur ce coup là il aura fallu la folie et la méconnaissance générale des choses de l’air au dictateur Mussolini pour obliger ses pilotes à continuer de voler sur le CRDA – CANT Z.501 Gabbiano, et ce malgré leurs demandes contraires.
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