Chaque été sans distinction le sud de la France brûle. Des centaines d’hectares de forêts et de pinèdes partent en flammes à cause de l’inattention de quelques touristes, voire de la folie meurtrières des pyromanes. Les pompiers y font un travail remarquable, grâce notamment à leurs camions quatre roues motrices, les fameux CCF. Cependant ils ont bien souvent besoin d’un renfort provenant du ciel. Et dans la majorité des cas le premier qu’ils reçoivent prend la forme d’un gros bimoteur ventru, peint en rouge et blanc, et arborant les marques de la Sécurité Civile. C’est le Tracker, de son véritable nom : Conair Turbo Firecat.
C’est au début des années 1970 que les responsables de la société canadienne Conair eurent l’idée de transformer des De Havilland Canada CS2F Tracker en bombardiers d’eau. Ces avions venaient tout juste d’être réformés par la Royal Canadian Navy et disposaient encore d’un bon potentiel d’heures de vol. Mais surtout ils avaient des capacités reconnues pour le vol à basse et très basse altitude, un sacré avantage dans la guerre contre les feux de forêts où l’attaque se fait parfois encore à la limite du rase-motte.
L’idée de transformer un chasseur de sous-marin en avion de lutte contre les feux de forêts n’était pas nouvelle, plusieurs années auparavant la société californienne Marsh l’avait déjà eut avec des Grumman TBF Avenger pour les besoins du gouvernement fédéral américain. La présence sur le S-2 d’une soute à torpilles était une belle plus-value pour ces futurs bombardiers d’eau. Le premier appareil qui servit de prototype fut acquis en 1972. Pour réduire les coûts de recherche et de développement les équipes de Conair prélevèrent certaines pièces sur un Douglas B-26B transformé lui aussi avion d’attaque du feu par le constructeur canadien.
Finalement c’est en 1978 que ce prototype put réaliser son premier vol. Si extérieurement rien ne semblait le différencier des chasseurs de sous-marins, c’est bien dans son « armement » que résidait les différences. La soute à bombes avait cédé la place à un réservoir de liquide retardant et d’eau d’une contenance de 3410 litres. Bien que conservant son cockpit biplace côte à côte le bombardier d’eau a été prévu ab-initio pour un pilotage ramené à un seul membre d’équipage. L’avion fut baptisé Firecat.
Dès 1980 l’avion commença à attirer des clients, principalement nord-américains. Mais c’est en 1981 que la plus grosse commande vînt de France. La Sécurité Civile recherchait en effet un bombardier léger, capable de seconder la flotte de Canadair CL-215. Quatorze Firecat furent alors commandés, avec la demande expresse qu’au moins trois d’entre eux soient en capacité d’être opérationnels dès l’été 1982. Le contrat fut pleinement rempli par Conair. En France les Firecat sont appelés des Tracker.
À partir de là il devint le héros discret de la lutte contre les feux de forêts dans toute la moitié sud de la France. Sa mission première , le guet aérien armée retardant, est en effet moins sexy que celle des gros Canadair ou des DC-6 encore en service dans les années 80. Cette mission consiste en une patrouille réalisé par deux Tracker au-dessus d’un secteur prédéfini car potentiellement à fort risque incendiaire. Cette technique permet de traiter près de 80% des départs de feux sans avoir à faire décoller les moyens les plus lourds.
En 1988 Conair commença à repenser le concept du Firecat, et développa le Turbo-Firecat. Il s’agissait d’une version plus musclée où les moteurs en étoile laissaient la place à des turbopropulseurs Pratt & Whitney Canada PT6A d’une puissance unitaire de 1424 chevaux. Là encore les commandes débutèrent au Canada et aux Etats-Unis. Ce n’est qu’à la fin des années 1990 que la France passa officiellement commande pour cet appareils. Certains Turbo Firecat étant des avions d’origines remotorisés au Canada.
Le dernier Tracker à moteurs à pistons a quitté le service actif en France en 2006, et début 2014 il ne restait plus que neuf avions à turbopropulsion. Ceux ci sont parfois désignés S-2FT même si ceci n’a rien d’officiel.
Au total les Firecat et Turbo-Firecat ont été produit à 35 exemplaires. La Sécurité Civile demeure, et de loin, le principal utilisateur non canadien de ce bombardier d’eau. Celle ci doit conserver ses avions jusqu’à l’horizon 2020 même si les cellules commencent à accuser le poids des ans. Plusieurs solutions de remplacement ont été étudié, comme l’hélicoptère EC225 Super Puma Mk-2 ou l’hydravion à flotteur AT-802. Cependant la décision politique reste encore à venir. Quoi qu’il en soit le remplaçant du Tracker aura fort à faire pour pouvoir faire oublier les qualités indiscutables de ce bimoteur au charme fou.
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