La Seconde Guerre mondiale fut sans doute la période durant laquelle on a eu le plus besoin de former des aviateurs en un temps très court. Et c’est surtout très vrai au sein des Alliés. Si des avions comme les North American T-6 Texan et Vultee BT-13 Valiant américains ou encore le Miles M.14 Magister britannique sont entrés dans la légende des airs d’autres en revanche eurent des carrières plus discrètes. Pourtant ces derniers furent parfois d’excellents appareils d’entraînement, bien adaptés à leur fonction à l’image du Commonwealth CA-6 Wackett australien.
Cet avion remonte à un cahier des charges émit en 1938 par la Royal Australian Air Force au sujet d’un avion d’entraînement primaire. Il fallait alors pouvoir assurer la relève des biplans De Havilland D.H.82 Tiger Moth d’origine britannique, des avions jugés en voie d’obsolescence. Le gouvernement australien espérait fortement pouvoir s’affranchir de l’ancienne puissance coloniale et chargea deux avionneurs locaux de développer un tel avion : Commonwealth Aircraft Corporation d’un côté et le Department of Aircraft Production de l’autre. Sauf que rapidement ce dernier jeta l’éponge.
Finalement Commonwealth Aircraft Corporation se retrouva donc seul sans concurrent. Ce qui n’était pas forcément une excellente nouvelle puisque CAC ne possédait aucune structure permettant de soutenir la production en série d’une telle machine. L’avionneur développa donc en même temps son futur avion d’entraînement, alors connu comme CA-2, mais aussi ses ateliers et usines qu’il fallait sortir de terre.
La construction des deux prototypes débuta en octobre 1938 dans un atelier à peine plus grand qu’une grange. En même temps que les ingénieurs et techniciens pensaient l’avion les ouvriers du bâtiment coulaient le béton de sa future usine d’assemblage. Pour motoriser ce CA-2 les ingénieurs australiens firent appel au De Havilland Gipsy Major II britannique. Ce moteur à quatre cylindres en ligne développait 115 chevaux et entraînait une hélice bipale en bois.
Extérieurement le Commonwealth CA-2 se présentait sous la forme d’un monoplan à ailes basses cantilevers de construction mixte. Sur une structure en tubes d’aciers le fuselage était recouvert de toiles tandis que la voilure et l’empennage conventionnel étaient assemblé en bois et contreplaqué. L’avion possédait un train d’atterrissage classique fixe à roulette de queue mobile et un poste de pilotage biplace en tandem largement vitré. Le CA-2 ne fut pas pensé pour emporter le moindre armement, étant dédié uniquement à l’entraînement primaire.
Le premier prototype réalisa son vol inaugural le 19 septembre 1939.
Lors des essais en vol Commonwealth Aircraft Corporation décida d’équiper le second prototype d’un moteur De Havilland Gipsy Six à six cylindres en ligne de 200 chevaux. Ainsi gréé les essais en vol reprirent le 12 novembre 1939. Autant le Gipsy Major II rendait l’avion sous-motorisé que le Gipsy Six le rendait trop lourd et annulait totalement le gain de puissance. Les ingénieurs australiens se mirent alors en quête d’un nouveau moteur. Ils le trouvèrent aux États-Unis.
Leur choix se porta sur le Warner R-500 Scarab à sept cylindres en étoile d’une puissance de 175 chevaux. Avec ce nouveau propulseur le CA-2 ne reprit ses essais en vol qu’en mai 1940 alors même que les besoins en pilotes australiens se faisaient de plus en plus pressants.
Finalement le contrat fut signé en août 1940 pour un total de deux cent avions de série connus sous la désignation CA-6 et le patronyme de Wackett du nom de son concepteur, l’ingénieur en chef Lawrence Wackett.
Les premiers Commonwealth CA-6 Wackett entrèrent en service au sein de la Royal Australian Air Force en mars 1941. Cependant au vingt-sixième avion livré des retards de livraisons des moteurs mais aussi des hélices entrainèrent un arrêt obligatoire de la production australienne. Il s’agissait d’un problème purement diplomatique. Le motoriste Warner et l’équipementier Hamilton, qui produisait l’hélice, avaient leurs usines aux États-Unis, pays officiellement encore en dehors de la Seconde Guerre mondiale. Des groupes de pression pro-nazis ralentissaient les livraisons militaires américaines aux Alliés.
Finalement la production reprit en novembre 1941. L’avionneur australien ayant décidé de continuer à assembler ses avions il ne lui restait plus qu’à fixer dessus les éléments américains et à les livrer en masse aux écoles de la RAAF. Le dernier CA-6 Wackett fut ainsi livré en avril 1942.
Au titre de la loi de Prêt-Bail l’Australie proposa son avion d’entraînement élémentaire à plusieurs pays alliés. Seul le Canada s’y intéressa un temps avant de lui tourner le dos au profit du Fleet Fort de production locale. Le CA-6 Wackett ne fut donc jamais exporté.
Peint totalement en jaune, comme la majorité des avions d’entraînement des dominions britanniques, ce petit monoplan permit de former ab-initio la majorité des pilotes australiens. Bien qu’apprécié des instructeurs l’avion n’est pas sans défaut. Son train d’atterrissage fixe et sa voilure basse cantilever le rendent difficile à manœuvrer lors des phases d’atterrissages. Si bien qu’une trentaine d’exemplaire finit sa carrière à la casse bien avant la fin de la guerre, en raison d’atterrissages ratés s’étant soldés par des figures dites de cheval de bois. Pour autant le CA-6 servit dans la Royal Australian Air Force jusqu’en septembre 1945, époque à laquelle il fut remplacé par des North American Harvard Mk-I cédés par les Britanniques.
À cette même époque l’avion s’exporta enfin. La Royal Netherlands East Indies Army Air Force, c’est à dire l’aviation militaire coloniale néerlandaise aux Indes Orientales, acheta trente exemplaires déclassés par la Royal Australian Air Force. Ils permirent d’entretenir les heures de vols des pilotes présents dans la région. Le 27 décembre 1949 les Indes Orientales Néerlandaises obtinrent leur indépendance et devinrent l’Indonésie. Les trente CA-6 Wackett étaient encore en état de vol et formèrent l’ossature de l’école d’aviation militaire de ce jeune pays. Ils y volèrent jusqu’en 1956, étant ensuite réformés car totalement dépassés.
En 1946 la société australienne Kingsford Smith Aviation racheta les droits industriels de l’avion afin de l’adapter au travail agricole. Elle en tira le KS-3 Cropmaster construit à quelques dizaines d’exemplaires. Treize ans plus tard c’est l’entreprise, également australienne, Yeoman Aviation qui racheta les droits de la structure générale du CA-6 Wackett pour en faire là encore un avion agricole. Son Yeoman YA-1 fut produit à une vingtaine d’exemplaires entre 1960 et 1966. La très grand majorité fut utilisée en Australie.
De nos jours au moins dix Commonwealth CA-6 Wackett sont préservés dans des musées aéronautiques australiens dont le fameux Moorabbin Air Museum de Melbourne qui préserve au moins un exemplaire de chaque aéronef construit dans ce pays.
En 2019 le collectionneur John Gallagher avait annoncé avoir lancé la restauration de l’avion codé A3-129 afin de le faire revoler lors de meetings aériens, mais la crise pandémique du Covid-19 a fortement ralenti son projet.
Aucun CA-6 Wackett n’est préservé dans l’hémisphère nord.
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