Dans l’histoire de l’aviation italienne le constructeur Caproni tient une place très particulière : celui d’un précurseur. Ayant en effet commencé à construire des avions à l’époque où on les appelait encore des aéroplanes, c’est à dire avant la Première Guerre mondiale, il le fit jusqu’aux années 1980. C’est à cette époque que vola son dernier avion, un étrange petit jet d’entraînement dérivé d’un planeur de compétition mais demeuré à l’état de prototype : le Caproni Vizzola C.22 Ventura.
Après le choc pétrolier de 1973 la majorité des avionneurs prirent conscience qu’ils devaient désormais développer des aéronefs moins gourmands en carburant. Cela fut notamment très présent dans le cas des concepteurs d’avions d’entraînement et ce fut l’émergence des premiers avions à turbopropulseur, bien plus économiques que les biréacteurs, à l’image par exemple du Pilatus PC-7 Turbo Trainer suisse.
Une seconde alternative vit cependant le jour sous la forme de turboréacteurs miniaturisés et disposant d’une puissance réduite à quelques dizaines de kilogrammes de poussée, au maximum cent à deux cents.
Et c’est cette alternative que prit le bureau d’étude Vizzola de chez Caproni. Une équipe qui avait déjà travaillé sur un tel projet avec le moto-planeur A.21SJ Calif doté d’un turboréacteur de facture française Microturbo TRS 18-046 d’une poussé de 100 kilogrammes. L’A.21SJ avait connu un certain succès d’estime poussant les ingénieurs italiens à en tirer un véritable jet d’entraînement.
Il s’inspirèrent donc de ce qu’ils savaient faire et développèrent les premières ébauches en 1977 d’un futur avion militaire.
Cependant le marché était alors quelque peu encombré, ou bien allait rapidement l’être. Rien qu’en Europe quatre avions avaient vu le jour ou bien étaient déjà programmés : en Espagne le Casa C-101 Aviojet, en Italie l’Aermacchi MB-339, au Royaume-Uni le BAe Hawk, sans oublier le programme franco-allemand Alpha Jet réalisé conjointement par Dassault-Breguet et Dornier. Autant dire que le futur jet d’entraînement de Caproni n’allait pas se sentir seul.
Sauf qu’à la différence de ces quatre jets d’entraînement classiques, chargés de la formation avancé et de l’entraînement au tir le futur avion, qui venait de recevoir la désignation de C.22 Ventura, visait le marché des avions de formation initiale et intermédiaire. En gros il cherchait à concurrencer les avions à moteurs à pistons types Beechcraft T-34B Mentor ou encore Cessna T-41 Mescalero.
Le pari était osé et risqué mais méritait qu’on s’y intéresse.
Extérieurement le Caproni Vizzola C.22 Ventura détonnait. Avec son aile haute droite et son fuselage large accueillant le cockpit biplace côte à côte il ne pouvait son ascendance dans le vol à voile. Doté d’un train d’atterrissage tricycle escamotable il était propulsé par deux turboréacteurs Microturbo TRS 18-046, c’est à dire le même modèle que sur le moto-planeur Calif. À ce stade de son développement le Ventura n’était pas prévu pour être armé.
Une des grandes nouveautés de l’avion était qu’il ne soit pas intégralement construit en métal mais qu’il intégrait également des matériaux composites comme les fibres de carbone et de verre.
C’est dans cette configuration que le prototype vola le 21 juillet 1980 sous l’immatriculation civile italienne I-CAVJ.
Assez logiquement l’avion n’attira pas immédiatement les clients potentiels. En Italie l’Aeronautica Militare exprima même son rejet d’un tel avion, jugé inutile et même potentiellement dangereux comme machine d’entraînement primaire. Pourtant les ingénieurs du bureau d’étude Vizzola avaient gagné leur pari : concevoir un jet d’entraînement aussi peu gourmand qu’un avion à moteur à pistons.
Seulement voilà les essais en vol démontrèrent que le C.22 Ventura était poussif, peu manœuvrable à basse altitude, très instable lors des phases d’atterrissage, et disposant d’un rayon d’action trop faible.
Un second prototype, immatriculé I-CAVT, fut assemblé en tenant compte de ces enseignements.
Mais surtout désormais Caproni visait également d’en développer une version de reconnaissance armée et de contrôle aérien de l’avant sous la désignation C.22R, la version d’entraînement initiale devenant ainsi le C.22J. Le C.22R aurait du pouvoir emporter une charge de combat d’environ 200kg sous les ailes composée de nacelles mitrailleuses et/ou de paniers à roquettes, entre autre aux phosphores permettant le marquage des cibles avant leur frappe.
Cependant le développement aux États-Unis mais aussi plus timidement alors en France et au Royaume-Uni de la technologie de guidage laser des bombes et missiles allait définitivement tuer le contrôle aérien avancé. Le C.22R demeura donc à l’état de simple projet.
Pour autant le second prototype fut assemblé en 1981. A cette époque l’hélicoptériste Agusta était entré au capital de Caproni et avait donc un droit de regard sur le programme du C.22J Ventura. Et ses dirigeants demandèrent qu’on adapte le petit biréacteur au marché des avions de tourisme et d’affaire. En fait chez Agusta on lorgnait depuis longtemps du côté du Morane-Saulnier MS.760 Paris capable aussi bien de se vendre auprès des militaires que des civils. Mais là où le biréacteur français était quadriplace l’avion italien demeurait biplace. Et une fois encore il échoua.
Malgré des présentations en 1980 et 1982 à Farnborough et 1981 au Bourget jamais le Caproni Vizzola C.22 Ventura n’attira autre chose que la curiosité. Avion d’entraînement passablement raté il ne dépassa pas le stade du prototype.
De nos jours le premier avion construit est préservé et exposé au Museo dell’Aeronautica Gianni Caproni à Trente dans le nord-est de l’Italie. Il a été restauré entre 2007 et 2009.
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