L’histoire de l’aviation est jalonnée d’avions et d’hélicoptères n’ayant pas dépassés le stade du prototypage ou ayant simplement été construits pour remplir des essais en vol. Ces derniers sont des aéronefs expérimentaux dont les plus célèbres furent sans aucun doute possible les fameux X-planes américains. Pourtant ailleurs dans le monde d’autres bancs d’essais volants de ce type furent conçus, et parfois même avant la Seconde Guerre mondiale. L’un des plus impressionnants fut un monomoteur italien qui permit des avancés ensuite dans le domaine de l’aéronautique à réaction : le Caproni Stipa.
Dès le milieu des années 1920 l’ingénieur italien Luigi Stipa s’intéressa à la loi physique de Venturi sur l’écoulement des fluides. L’hydraulicien se passionnait pour les applications aéronautiques possibles. Il dessina dès 1927 les premières ébauches d’une machine volant permettant d’étudier de manière pratique un écoulement de fluides comme mode de propulsion. Il participait ainsi à l’élaboration de ce qui allait devenir une grosse dizaine d’années plus tard l’aviation à réaction. Stipa étudiait notamment les travaux de son collègue roumain Henri Coanda.
Le pouvoir fasciste ne mit pas longtemps à avoir vent des travaux de Luigi Stipa. La possibilité que l’Italie vole la vedette à la France et au Royaume-Uni en matière aéronautique n’était pas pour déplaire au dictateur Benito Mussolini. Une enveloppe de plusieurs milliers de lires fut allouée à Luigi Stipa afin qu’il dessine ce qui pourrait devenir l’avion idéal à la démonstration de ses études. Les premières ébauches en surprirent plus d’un. L’aéronef ressemblait plus à un tonneau doté d’une voilure et surplombé par un poste de pilotage qu’à un véritable avion.
Les constructeurs ne se bousculèrent pas au portillon pour usiner une telle machine. Caproni pourtant s’y colla, envoyant auprès de Stipa quelques-uns de ses meilleurs designers et ingénieurs.
Le futur avion reçut la désignation évidente de Caproni Stipa.
Et l’apport des personnels de Caproni fut fructueuse à Luigi Stipa car l’hydraulicien avait pensé son avion à l’envers. Au lieu comme lui de greffer des ailes sur un tunnel d’effet Venturi il fallait avant tout concevoir un avion lambda et l’envelopper d’un tel équipement. Cette fois le Caproni Stipa avait un peu plus de chances de pouvoir voler un jour. Et c’est ainsi qu’ils opérèrent.
Les ingénieurs italiens conçurent donc un avion monoplan à aile basse assez conventionnel, animé par un moteur De Havilland Gipsy Mk-III à quatre cylindres en ligne d’une puissance de 120 chevaux. Ils lui ajoutèrent ensuite le fameux tunnel permettant les études physiques tandis qu’un petit cockpit biplace en tandem à l’air libre était installé tout en haut de cette drôle de machine. Afin de gagner en stabilité la voilure était bien plus importante que sur les ébauches signées par Luigi Stipa. Elle possédait un profil elliptique. Un empennage arrière courant sur toute la hauteur de l’avion venait couper en deux la tuyère du moteur, assurant ainsi une division des flux. Enfin le Caproni Stipa disposait d’un train d’atterrissage classique fixe. Afin de gagner en masse mais aussi en facilité d’usinage l’avion fut construit en bois et contreplaqué.
C’est dans cette configuration que le premier vol de l’avion intervint le 7 octobre 1932 entre les mains du pilote d’essais maison de Caproni, Domenico Antonini. Et contre toutes attentes celui-ci se déroula sans difficulté. Selon Antonini le Caproni-Stipa était même une machine agréable à piloter une fois qu’on avait vaincu au sol l’effet de vertige ressenti à bord du poste de pilotage. Sans le faire exprès les ingénieurs italiens avaient en outre conçu un des premiers vrais avions à décollages et atterrissages courts. Sa course de décollage était de 185 mètres et il se posait sur seulement 180 mètres. Un exploit pour l’époque pour un avion avec les mensuration du Caproni Stipa.
Pour autant cet avion expérimental n’était pas dénué de défauts. Sa vitesse ascensionnelle était calamiteuse. Il lui fallait quarante minutes pour péniblement atteindre les 3000 mètres d’altitude et il ne réussit jamais à voler à plus de 133 kilomètres heures, à une altitude de 3550 mètres. La traînée de l’avion en outre était absolument désastreuse.
Lors de tous ses vols d’essais le Caproni Stipa étaient accompagné d’un biplan d’entraînement Ca.100 appartenant à l’avionneur. Durant un de ces vols d’essais ce dernier faillit s’écraser, les deux avions ayant croisés une nuée d’étourneaux. Revenu au sol sans encombre le Caproni-Stipa avait le tunnel constellé de restes animaux. Il avait sans doute percuté plusieurs oiseaux.
Finalement le programme d’essais fut abandonné fin 1933.
Les travaux du Caproni Stipa furent riches en enseignements aussi bien pour les ingénieurs italiens qu’allemands. Le Caproni-Campini N.1 doit beaucoup aux études de cet avion des années 1930.
De manière plus surprenante les ingénieurs américains et français qui créèrent durant la seconde moitié des années 1970 le réacteur CFM56 utilisèrent des acquis scientifiques hérités de cet étrange avion italien.
Considérer le Caproni Stipa comme un avion à réaction serait une totale erreur. C’est bel et bien un avion à moteur à pistons mais qui permit de poser certaines bases afin de développer ensuite l’aviation à réaction. Une réplique volante existe aujourd’hui en Australie. L’authentique Caproni Stipa n’a quant à lui pas été préservé.
Il demeure une des plus étranges machines volantes de tous les temps.
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