Caproni Ca.3

Souvent oubliée de l’Histoire de la Première Guerre mondiale l’industrie aéronautique italienne a pourtant su concevoir quelques avions et hydravions qui marquèrent alors leur époque. En fait si les chasseurs italiens ne brillaient guère il en était tout autrement des hydravions de reconnaissance et des bombardiers lourds qui jouissaient souvent d’une excellente réputation. Dans cette troisième catégorie l’avion le plus réussi était un trimoteur push-pull bipoutre qui vola même sous la cocarde française : le Caproni Ca.3.

Génie des airs incontestable Gianni Caproni se lança dans l’aventure des avions militaires dès 1914. Son premier modèle fut le bombardier Ca.1 construit à plus de 150 exemplaires pour les besoins du Corpo Aeronautico Militare. Ce dernier est l’ancêtre de l’actuelle Aeronautica Militare. Considéré comme techniquement réussi malgré quelques défauts de jeunesses il donna naissance à une sous version appelée Ca.2 et assemblée à seulement neuf exemplaires.

À l’été 1916 le Corpo Aeronautico Militare demanda à Caproni d’étudier un nouveau modèle de bombardier lourd reprenant les grandes lignes des Ca.1 et Ca.2 mais en y ajoutant de la puissance moteur et un armement plus lourd. À cette époque là les bombardiers légers Savoia-Pomilio fournissaient l’essentiel de la flotte de bombardement rapproché en Italie mais les doctrines d’emploi venues de France et de Grande Bretagne avaient fait des émules dans la botte. Gianni Caproni se mit au travail pour un avion désormais baptisé Ca.3.

Extérieurement il reprenait les grandes lignes des bombardiers Caproni. Il possédait une voilure en biplan haubanée et un fuselage bipoutre à empennage triple dérive fixé sur un train d’atterrissage tricycle fixe. Le Ca.3 était construit en bois et toile. Ses trois moteurs à six cylindres en Isotta Fraschini V.4 d’une puissance unitaire de 150 chevaux étaient montés en push-pull. Deux d’entre eux actionnaient une hélice tractive et le troisième une hélice propulsive. Ce dernier se situait entre les deux poutres de l’avion. Le pilote et le copilote prenaient place dans un cockpit côte à côte à l’air libre. Les deux mitrailleuses mobiles de calibre 7.7 millimètres étaient installées l’une dans un poste de tir avant et la seconde dans un installé au-dessus du moteur arrière. La charge offensive pouvait atteindre 450 kilogrammes de bombes. Il réalisa son premier vol en novembre 1916.

La version de série du Caproni Ca.3 fut désignée Ca.33 et entra en service en janvier 1917. Outre le bombardement de jour et de nuit l’avion s’illustre également par sa capacité à emporter et tirer une torpille de 350 kilogrammes. Le Ca.33 fut intensivement utilisé par le Corpo Aeronautico Militare contre les forces austro-hongroises à Ljubljana et dans le Tyrol. Entre le 25 octobre et le 4 novembre 1918 ils participèrent activement aux bombardements contre Trieste alors aux mains impériales.

En dehors du Corpo Aeronautica Militare des exemplaires furent pris en compte par l’AEF, l’American Expeditionary Force. Mais c’est surtout l’Aéronautique Militaire qui acheta une licence de production pour quatre-vingt exemplaires après que Caproni lui ait fourni trois Ca.33. Désignés Esnault-Pelleterie CEP-1 ces avions furent principalement employés sur les fronts de la Marne et de la Somme à partir de juin 1917. Dans les rangs de l’aviation française ces bombardiers étaient connus alors sous le surnom de Caproni.

Sans compter les exemplaires français le Caproni Ca.3 fut fabriqué durant la Première Guerre mondiale à hauteur de deux cent soixante-neuf exemplaires. Contrairement à d’autres avions sa production ne s’arrêta pas avec la paix revenue en novembre 1918. Elle se poursuivit jusqu’en 1923 avec les Ca.36 construits pour les besoins de la jeune Regia Aeronautica autant que pour l’export. Neuf exemplaires furent en effet vendus à la Fuerza Aérea Argentina qui les utilisa jusqu’en 1931. Le Caproni Ca.36 connut en fait deux versions en Italie : le bombardier moyen Ca.36M et l’avion d’évacuation sanitaire Ca.36S. Ce dernier pouvait accueillir deux blessés sur des civières fixées sous le fuselage. Ces avions firent ainsi les premières heures de l’aviation italienne sous pouvoir fasciste. Ils quittèrent finalement le service actif en 1927, étant alors jugés totalement obsolètes.

Avion fiable et bien conçu le Caproni Ca.3 fut également la monture de célèbres pilotes italiens comme Italo Balbo ou Gabrielle d’Annunzio. Plus connu pour avoir volé sur Ansaldo SVA le poète aviateur réalisa quelques missions de bombardement au sein du Gruppo 9.
De nos jours deux exemplaires sont préservés, l’un en Italie au Museo Storico del Aeronautica Militare de Vigna di Valle, et le second aux États-Unis au National Museum of US Air Force. Dans les deux cas il s’agit d’avions originaux et non de copies.