Durant l’entre-deux-guerres cherchant à rivaliser avec ses homologues allemandes, britanniques, ou encore françaises l’industrie aéronautique italienne se lança tous azimuts dans des programmes aéronautiques tant civils que militaires. Certains en restèrent au stade expérimental et d’autres débouchèrent sur des constructions en série. Pourtant dans cette seconde catégorie tous n’étaient pas forcément viables, soit parce que dépassés technologiques soient parce que redondant vis à vis de programmes lancés à côté d’eux. Dans cette dernière catégorie l’un des exemples les plus frappants fut un bombardier bimoteur moyen qui ne réussit jamais à trouver réellement sa place au sein de l’aviation fasciste : le Caproni Bergamaschi Ca.135.
Lancé en juillet 1934 sur fonds propres par une équipe d’ingénieurs du bureau d’étude Bergamaschi de Caproni le Ca.135 devait permettre de fournir à la Regia Aeronautica un bombardier moyen rapide. Pour autant dès le départ de sa conception l’avion fut ostracisé par les autres équipes d’ingénieurs italiens qui le trouvaient brouillons et assez mal pensé. Il faut dire que les premières ébauches montraient un avion pataud et peu aérodynamique.
Rien à voir avec le Ca.308 Borea commercial issu du même bureau d’étude et sorti quelque mois plus tôt dont tout le monde vantait l’élégance et la modernité.
Sur décision de Giovanni Caproni le projet fut pourtant poursuivi et un prototype assemblé. Afin de faire taire les quolibets l’équipe qui travaillait sur ce Ca.135 fut envoyé à l’usine de Ponte San Pietro près de Bergame tandis que les autres groupes d’ingénieurs et de designers resteraient dans la banlieue de Milan. Et le moins qu’on puisse dire c’est qu’elle y travailla vite et assez bien. Au mois de février 1935 le prototype était assemblé.
Extérieurement le Caproni Bergmaschi Ca.135 se présentait sous la forme d’un bombardier moyen bimoteur conçu pour un équipage de cinq hommes. Animé par deux moteurs en étoile Isotta Fraschini Asso XI RC d’une puissance nominale de 800 chevaux entraînant chacun une hélice tripale il était de construction mixte. Fuselage et voilure faisaient appel au métal (tubes et feuilles d’aciers) ainsi qu’au bois et au contreplaqué. Par ailleurs l’avion disposait d’un voilure médiane et d’un empennage double dérive. Le train d’atterrissage classique rentrant se terminait par une roulette de queue, elle aussi en partie escamotable. L’armement du Ca.135 se composait de trois mitrailleuses mobiles installées à l’unité dans le nez, et en position dorsale et ventrale. Leur calibre était de 12.7mm. Une charge de bombes de 1600 kilos était quant à elle positionnée en soute.
C’est dans cette configuration que le premier vol eut lieu le 1er avril 1935.
Présenté très vite aux décideurs fascistes l’avion ne suscita pas immédiatement l’intérêt des militaires. Beaucoup le trouvaient laid et assez peu à même de répondre aux exigences doctrinales de la Regia Aeronautica. Pourtant une commande d’estime pour l’avionneur Caproni fut passée au début de l’été 1935. Trente avions furent achetés afin de permettre de lancer l’usinage du Ca.135. Il faut dire que le constructeur visait également des marchés à l’étranger. Il fut notamment présenté à une délégation japonaise en visite en Italie mais assez rapidement rejeté. Début 1936 une seconde commande italienne fut passée pour quatorze avions désignés Ca.135TP (pour Tipo Spagna, ou type espagnol) destinés à combattre en Espagne aux côtés des troupes franquistes qui affrontaient les forces républicaines.
Le vol de transit des sept premiers avions fut un fiasco retentissant ! En raison des divergences politiques sur la guerre civile espagnole la France refusa que les bombardiers italiens ne fassent escale sur son territoire. Du coup les Caproni Bergamaschi Ca.135TP durent au début de l’année 1938 se lancer à l’assaut de la Méditerranée. Deux d’entre-eux furent obligés de se dérouter vers un terrain d’aviation en Sardaigne en raison d’un givre trop important. Les cinq autre poursuivirent. Et trois d’entre-eux ne réussirent jamais à atteindre l’Espagne : ils s’abimèrent en mer. Sur les quinze militaires italiens seuls deux survécurent.
Les deux derniers Ca.135TP arrivèrent à Majorque à cours de carburant. L’un d’eux se posa même avec un moteur en panne.
Afin d’éviter tout risque il fut décidé de convoyer par bateau les sept avions restants. Quand aux deux bimoteurs déroutés en Sardaigne ils y demeurèrent jusqu’à la fin de la Seconde Guerre mondiale.
Alors que l’aviation fasciste recevait ses premiers Ca.135 en unité une commande d’export pour six avions fut passée par la Fuerza Aérea del Peru. L’aviation péruvienne avait un besoin urgent en avions modernes et le bombardier moyen italien était un des meilleurs marchés du moment. Cela lança la carrière étrangère de l’avion après l’échec japonais.
Après le Pérou c’est la Belgique qui se tourna vers le Ca.135. Un accord industriel existait entre Caproni et la SABCA, la Société Anonyme Belge de Constructions Aéronautiques. Une licence de production pour quatorze avions fut signé sous la désignation de S.45. Il s’agissait pour la Force Aérienne Belge de trouver un remplaçant à son LACAB GR.8 Doryphore demeuré sans suite.
Les SABCA S.45 entrèrent en service en juin 1938 mais furent rapidement déclassés en raison de pannes récurrentes. Les équipages belges détestèrent rapidement ce bombardier, si bien qu’en juillet 1939 il fut relégué à des tâches subalternes comme le remorquage de cibles ou encore la reconnaissance tactique. Ils furent remplacés par des monomoteurs Fairey Battle d’origine britannique bien plus adaptés.
En parallèle les appuis politiques de Giovanni Caproni permirent mi-1938 d’enregistrer une troisième commande étatique italienne. Trente Ca.135 supplémentaires furent achetés, portant ainsi à soixante-quatorze le chiffre global des avions achetés par la Regia Aéronautica.
Cette même année 1938 vit l’arrivée de la plus grosse commande de l’avion : cent machines pour la force aérienne hongroise. Ces avions furent produits à une grande cadence et entrèrent en service dès juillet 1939. La Hongrie pensa même un temps racheter les SABCA S.45 retirés du service en Belgique mais celle-ci refusa. Le gouvernement hongrois étant un allié fidèle de l’Allemagne hitlérienne cela empêchait la tenue du contrat.
Durant la Seconde Guerre mondiale Hongrois et Italiens firent un usage différent de leurs Caproni Bergamaschi Ca.135. Quand les premiers les affectèrent à des missions de frappes contre les forces soviétiques les seconds les réservèrent pour des missions jugés moins risquées, notamment contre la résistance grecque. Et chacun avec un succès différent. Quand les Hongrois appréciaient le Ca.135 les Italiens le trouvaient inadaptés. Finalement la Regia Aeronautica retira finalement du service tous ses avions en mars 1942. Les avions hongrois volèrent jusqu’à la fin de la guerre.
Pour beaucoup le Caproni Bergamaschi Ca.135 est considéré comme l’un des bombardiers moyens italiens les moins réussis, avec le CRDA-CANT Z 1018 Leone. Cet avion a pourtant combattu durant la Seconde Guerre mondiale de bout en bout. L’Ejercito del Aire a même fait voler les Ca.135TP survivants jusqu’en 1952, à l’époque pour des missions de reconnaissance et de surveillance.
De nos jours aucun de ces avions n’est préservé, il ne semble pas qu’un seul ait survécu.
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