Baigné par les océans Pacifique, Arctique et Atlantique, on comprend aisément la devise du Canada : « A Mari Usque Ad Mare » (« D’un océan à l’autre »). Le Canada doit ainsi défendre la plus longue côte maritime au monde, soit 202 080 km. L’archipel arctique canadien ainsi que l’Atlantique Nord présentent un défi particulier pour la patrouille maritime, dû à l’immensité du territoire, aux rudes conditions climatiques et l’éloignement des zones habités.
L’avènement de la guerre froide eut vite fait de transformer les régions maritimes du Canada en une vaste zone d’infiltration de sous-marins soviétiques qu’il fallait absolument contrer. Le Canada devait aussi répondre à ses obligations de patrouille dans le nord-ouest de l’Atlantique, dans le cadre de l’OTAN.
Le Commandement maritime de l’Aviation royale canadienne (RCAF) voulut donc rapidement se doter d’un avion perfectionné de lutte anti-sous-marine à très long rayon d’action, pour remplacer ses Lockheed Neptune et Avro Lancaster de patrouille maritime.
L’avionneur Canadair débuta la conception de l’Argus en 1954 et le prototype fit son premier vol en mars 1957. Inspiré de l’avion de ligne Bristol Britannia, pour lequel Canadair détenait un droit de fabrication, l’Argus reprenait les mêmes ailes, empennage et trains d’atterrissage. Le fuselage fut toutefois complètement redessiné et doté de deux soutes à bombes. Plutôt que d’utiliser les turbopropulseurs Bristol Proteus du Britannia, l’Argus fut doté de moteurs à pistons Wright R-3350 qui consommaient moins de carburant, permettant ainsi des missions de plus longue durée. Lors de la mise en service de l’Argus en 1957, le RCAF disposait de l’avion de lutte anti-sous-marine le plus perfectionné au monde.
Au total, 33 Argus furent fabriqués en deux variantes, soit 13 Argus Mk 1 doté du radar américain APS-20 et 20 Argus Mk 2 équipé du radar britannique ASV-21. L’apparence extérieure de l’appareil permet de distinguer les deux variantes puisque le dôme radar du Mk 2 est plus petit et l’appareil dispose d’une antenne de contre mesures électroniques (CME) additionnelle. Le RCAF fut l’unique utilisateur du Canadair Argus.
L’équipage de l’Argus était constitué de trois pilotes, trois navigateurs, deux mécaniciens de bord et sept opérateurs d’équipement électronique. L’Argus était doté d’un radar de recherche haute définition de moyenne portée monté sous le nez du fuselage, d’un équipement de contre-mesures électroniques, de matériel de localisation d’échos par charge explosive, de bouées acoustiques et d’un détecteur d’anomalies magnétiques sur la queue de l’appareil qui sert à repérer les sous-marins submergés grâce au champ magnétique produit par leur coque métallique. Armé de torpilles, de grenades anti-sous-marines, de bombes, de mines et de missiles air-sol, l’Argus pouvait faire face à toutes les situations.
Conçu pour des missions de patrouille de plus 26 heures, l’appareil était muni de couchettes afin de permettre la rotation des membres d’équipage. Un Argus de la 407ème escadrille du RCAF a détenu pendant une vingtaine d’années le record mondial pour le plus long vol sans ravitaillement en effectuant une mission d’un peu plus de 31 heures. Ce record a tenu bon jusqu’en 1986, lorsque l’avion expérimental Rutan Voyager fit le tour du globe.
L’Argus effectua sa dernière mission en 1981 et fut retiré du service du RCAF en 1982. Il fut remplacé par le Lockheed CP-140 Aurora. Pendant près de vingt cinq ans, le valeureux Argus fut un protagoniste de premier plan de la guerre froide en contribuant à la défense du continent nord-américain et des alliés de l’OTAN.
En savoir plus sur avionslegendaires.net
Subscribe to get the latest posts sent to your email.