Démobilisés en grand nombre après-guerre, les bimoteurs Douglas C-47 Skytrain constituèrent la solution logique pour répondre rapidement à l’accroissement des vols commerciaux court et moyen-courrier. Avec ses 21 passagers et ses 275 km/h, le DC-3 pâtissait en comparaison avec les bien plus rapides et confortables Douglas DC-4 et Lockheed Constellation. Conçus pour des vols transcontinentaux et intercontinentaux, le coût d’exploitation de ces quadrimoteurs était toutefois prohibitif pour la desserte régionale hors des métropoles. Bien des constructeurs américains s’intéressèrent à la succession des DC-3 civils, mais le seul qui connût un véritable succès fut Consolidated-Vultee Aircraft, mieux connu sous son nom abrégé «Convair». Dès 1946, Convair fit voler le premier prototype d’un nouveau bimoteur toutefois jugé insatisfaisant par American Airlines associée à son développement. Le transporteur souhaitait un avion à cabine pressurisée permettant d’accueillir au moins 40 passagers et filant à 450 km/h. Les ingénieurs de Convair se remirent donc rapidement au travail et le Convair CV-240 fut la première version à sortir des chaînes d’assemblage en 1948. Avec ses évolutions subséquentes, le Convairliner deviendra un grand succès commercial avec un millier d’exemplaires assemblés à l’usine de San Diego en Californie et vendus à des clients tant civils que militaires de tous les continents. Sous la désignation C-131 Samaritan, ils seront largement utilisés par l’U.S. Air Force et l’U.S. Navy.
Dès le début des années 1950, la suprématie du Convairliner fut toutefois contestée par un nouveau venu des îles britanniques, soit l’avion turbopropulsé Vickers Viscount. Conscients que les beaux jours des bruyants moteurs en étoile Pratt & Whitney propulsant le Convairliner tiraient à leur fin, malgré leur grande fiabilité, les ingénieurs de Convair développèrent un premier prototype du Turbo-Liner. Motorisé avec des Allison 501-A4, cet appareil expérimental devint en 1950 le premier avion turbopropulsé à prendre l’air aux États-Unis. Les nombreux problèmes de mise au point du turbopropulseur Allison vont toutefois retarder le développement du Turbo-Liner. Convair se tourna donc vers le motoriste anglais Napier afin d’équiper quelques Convair 440 avec des turbopropulseurs Eland NE1-1, dont le premier exemplaire prit l’air en 1955. Prenant la désignation CV-540, l’avenir du Convairliner reposait dorénavant sur cette nouvelle version turbopropulsée.
Après le rachat de Convair par General Dynamics, l’assemblage des appareils Convairliner prit toutefois fin à San Diego au printemps 1958 pour laisser place à la production du quadriréacteur commercial Convair 880. Également propriétaire de Canadair à cette époque, General Dynamics décida de transférer la production du Convairliner à Montréal, ainsi que trois appareils CV-540 inachevés. Canadair utilisa un de ces avions à des fins de démonstration auprès d’éventuels clients, alors que les deux autres furent mis en service par le transporteur régional Québecair.
En y apportant certaines améliorations, Canadair visait à relancer la production du CV-540 sous la nouvelle désignation CL-66. Ainsi, Canadair prévoyait deux versions, soit le CL-66A pouvant recevoir de 48 à 64 passagers, et le CL-66B au fuselage renforci et large porte arrière pour le transport de fret uniquement ou en configurations mixtes avec passagers. Le succès du Viscount britannique laissait présager un marché encore intéressant pour cette classe d’avions turbopropulsés. Toutefois, l’avènement des biréacteurs BAC-111, Caravelle et Douglas DC-9 coupa les ailes du Canadair CL-66, sans compter le fait que nombre de transporteurs optèrent pour l’option moins coûteuse de remotoriser leurs appareils Convairliner avec des turbopropulseurs.
La première et seule commande pour des avions Canadair CL-66 vint de l’Aviation royale canadienne (ARC) qui souhaitait remplacer sa flotte de vieux C-47 Dakota et Fairchild C-119F Flying Boxcar. Pour ce qui est du transport tactique, l’ARC avait déjà choisi le bimoteur canadien DHC-4 Caribou ainsi que le quadrimoteur américain Lockheed C-130 Hercules. L’ARC souhaitait également disposer d’un avion turbopropulsé plus confortable pour le transport de personnel entre ses bases. Ayant initialement considéré le Viscount britannique, elle opta finalement pour une commande de dix CL-66B. Désignés CC-109 Cosmopolitan, ils furent livrés en 1960 et 1961. Lorsque que Québecair délaissa en 1962 ses CV-540 au profit d’appareils Fairchild F-27, ils furent incorporés dans la flotte des CC-109 de l’ARC.
Surnommés « Cosmo » par le personnel de l’ARC, les CC-109 firent la navette entre ses bases, tant au Canada qu’entre celles en France et en Allemagne déployées dans le cadre de l’OTAN. Aussi, les Cosmo canadiens furent des visiteurs réguliers au siège du Commandement de la défense aérospatiale de l’Amérique du Nord (North American Aerospace Defense Command, ou NORAD) à Colorado Springs aux États-Unis. Insatisfaite du manque de fiabilité des turbopropulseurs Napier Eland, l’ARC initia en 1966 un programme de remotorisation de ses CC-109 avec des turbopropulseurs Allison 501-D36. Malgré des nacelles de moteur moins aérodynamiques, la performance et la fiabilité des appareils Cosmo s’en trouvèrent améliorées. Seulement huit des CC-109 furent ainsi modernisés par Canadair, les autres étant ferraillés. À l’exception d’un appareil détruit par un incendie, les Cosmo poursuivirent leur carrière au sein de l’ARC jusqu’en 1994, lorsque finalement tous remplacés par des CC-142 Dash 8 et CC-144 Challenger.
Les CC-109 démobilisés de l’ARC furent acquis par divers transporteurs privés, notamment en Amérique centrale. Immatriculé FAB-74 pour le compte de la Fuerza Aérea Boliviana, un de ces CC-109 connût une seconde carrière militaire jusqu’en 2008. Ces derniers descendants d’une prolifique lignée auraient très bien pu disparaître sans laisser de traces, mais l’entreprise canadienne d’entretien d’aéronefs KF Aerospace se lança à la recherche des « Cosmo » perdus et en a récupéré cinq exemplaires à ce jour. Restaurés pour servir d’avions cargo civils, les increvables Cosmo connaîtront ainsi une troisième vie plus d’un demi-siècle après leur sortie d’usine.
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