Durant la Seconde Guerre mondiale la Luftwaffe fut une des rares forces aériennes à disposer d’un type d’avion d’entraînement très particulier, le monoplace de formation avancé. Dans les rares cas où cela existait il s’agissait d’avion biplaces transformés en monoplaces. Pourtant l’aviation allemande alla jusqu’à utiliser un avion conçu dès le départ pour n’accueillir qu’un seul pilote. Il s’agissait du très réussi petit biplan Bücker Bu 133 Jungmeister.
C’est au tout début de l’année 1935 que l’avionneur Bücker commença à travailler sur un avion de voltige aérienne dérivé de son biplace d’entraînement militaire Bu 131 Jungmann. Le nouvel avion devait pouvoir servir la propagande d’état des nazis, le reichsmarschall Hermann Göring souhaitant utiliser l’avion en général comme outil auprès des masses populaires. L’ancien pilote de la guerre de 14/18 comptait sur les aéronefs de voltige pour permettre de montrer la supériorité allemande. L’avion devenait donc un argument de la théorie suprémaciste nazie.
Du coup les ingénieurs de Bücker durent travailler le plus vite possible. La Luftwaffe et Göring souhaitant aligner le futur avion pour les championnats du monde de voltige aérienne de 1936. Ceux-ci se tenaient alors à Rangsdorf dans le nord-est de l’Allemagne.
Le prototype du futur avion fut assemblé au début de l’été 1935. Désigné Bücker Bu 133 il se présentait sous la forme d’un biplan à aile en flèche de construction mixte en métal et bois entoilé. La motorisation était assurée par un Hirth HM-6 en ligne actionnant une hélice bipale en bois et développant une puissance de 135 chevaux. Le nouvel avion reprenait le train d’atterrissage tricycle fixe du Bu 131 Jungmann tandis donc que son cockpit était désormais monoplace. Le pilote disposait d’un champ visuel assez large.
C’est dans cette configuration que le premier vol eut lieu le 21 août 1935 entre les mains de Louise Hoffmann. À 25 ans elle était une des rares femmes pilotes d’essais dans le monde.
Et très vite la Luftwaffe s’intéressa à l’avion, pas uniquement comme machine de propagande mais également d’entraînement avancé. Il s’agissait pour les généraux allemands de disposer d’un avion capable de former au mieux les futurs pilotes de chasse. Cette idée avait au départ germé dans l’esprit du génie de l’aviation Ernst Udet. Pour lui des pilotes de chasse ayant acquis plusieurs heures de vol sur un monoplace d’entraînement avancé ayant des capacités de voltige aérienne les rendraient plus efficace face aux pilotes ennemis. La guerre qui se profilait allait en grande partie lui donner raison.
C’est à cette époque que l’avion reçut le nom de baptême de Jungmeister, le jeune maître en français.
Cependant le 1er novembre 1935 l’avion connut un premier drame. Le second prototype était utilisé par Louise Hoffmann pour des vols de démonstration. Alors qu’elle revenait de Turquie où elle était allée présenter le Bücker Bu 133A Louise Hoffmann eut un accident au-dessus de Vienne en Autriche. Le temps était mauvais et son biplan heurta la cime d’arbres avant de s’embraser. L’aviatrice décéda le lendemain des suites de ses brûlures. Elle n’avait que 26 ans. Pourtant cela ne sembla pas contrecarrer les chances d’exportations du Jungmeister.
En 1936 au championnat de Rangsdorf les trois Bücker Bu 133 alignés par l’équipe allemande, en fait des pilotes instructeurs de la Luftwaffe, raflèrent la mise. Avec leurs avions ils surclassèrent littéralement leurs adversaires américains, britanniques, français, ou encore italiens. Ils volaient sous immatriculation civile allemande mais avec la croix gammée bien visible sur l’empennage. C’est à cette époque d’ailleurs que Bücker proposa deux nouvelle versions : le Bu 133B dérivé de la version d’origine et destiné à l’export vers la Hongrie et la Roumanie, et surtout le Bu 133C. Ce dernier était profondément modernisé avec son moteur en étoile Siemens Sh 14A de 160 chevaux actionnant une hélice en métal.
La majorité des Bücker Bu 133 Jungmeister entra en service dans la Luftwaffe peu après le championnat du monde de voltige. Les jeunes apprentis pilotes terminaient ainsi leur instruction au vol sur ce monoplace. Ensuite ils passaient sur des avions de chasse aussi modernes que les Messerschmitt Bf 109 monomoteurs ou Bf 110 bimoteurs. Il n’était d’ailleurs pas rare que les pilotes de bombardiers Henschel Hs 123 et surtout Junkers Ju 87 soient également formés dessus. Les capacités de voltige aérienne du Bu 133 permettaient de simuler au mieux l’attaque en piqué.
Les premières heures de la campagne de Pologne en septembre 1939 démontrèrent l’intérêt de cette formation avancée. Mais c’est surtout en mai suivant contre les aviations belges, françaises, et néerlandaises que le principe d’entraînement avancé des pilotes de chasse sur Bu 133 montra son intérêt.
Pourtant à partir de mars 1942 les Bücker Bu 133 commencèrent à décliner dans les rangs de la Luftwaffe. Car ces avions avaient un très gros défaut : ils consommaient énormément de carburant et étaient réputés assez fragiles face au froid. Ils commencèrent peu à peu à laisser la place à des chasseurs Arado Ar 68A et surtout Heinkel He 51B qui avaient été retiré de la première ligne. Fin 1942 il ne restait qu’une vingtaine de Bu 133C encore en service dans l’Allemagne hitlérienne.
Pourtant à l’étranger l’avion volait encore beaucoup. Outre la Hongrie et la Roumanie déjà mentionnés des Bücker Bu 133 Jungmeister évoluaient sous les cocardes croates, lituaniennes, et slovaques. Après la guerre une quinzaine d’exemplaires fut saisie par les Britanniques et versée à leur allié sud-africain qui utilisa ces avions jusqu’en 1955 pour diverses missions de soutien opérationnel. Après cela plusieurs Bu 133 sud-africains furent transformés en avions d’épandage sur cultures.
Il est à signaler que des exemplaires furent construits sous licence en Espagne par Casa et en Suisse par Dornier-Werke, la branche helvète de Dornier. Militairement la Suisse fut d’ailleurs le dernier pays à aligner de tels avions, ses Jungmeister quittant le service actif entre fin 1968 et début 1969.
Aujourd’hui de nombreux Bücker Bu 133 Jungmeister font le bonheur de conservateurs de musées aéronautiques. Mais surtout une quinzaine d’exemplaires est encore en état de vol un peu partout dans le monde, principalement en Amérique du nord et en Europe occidentale. Ils participent fréquemment à des meetings aériens.
En savoir plus sur avionslegendaires.net
Subscribe to get the latest posts sent to your email.