Quand, en 1962, Lockheed fit voler son superbe A-12, tout le monde aéronautique retint son souffle devant la beauté de l’oiseau. Sa carrière, dans sa version SR-71 Blackbird, est bien connue et sa silhouette restera longtemps dans les mémoires, mais il est intéressant de noter que Lockheed ne fut pas le premier à mettre en œuvre un appareil conçu sur base d’une ligne mince.
Il fut en effet devancé – de peu – par le Bristol 188. Conçu pendant les années 50 comme appareil de recherche destiné à explorer les domaines de vol à très haute vitesse, il présentait déjà une silhouette tout en longueur et en minceur. Son histoire commença quand la RAF émit l’Operational Requirement 330 concernant la mise au point d’un appareil de bombardement et de reconnaissance à grande vitesse (mach 3) qui donna naissance à l’Avro 730. Comme cet appareil devrait accomplir de longues missions à haute altitude et à vitesse très élevée, il était indispensable d’améliorer les connaissances dans ce domaine de vol.
En février 1953, Bristol reçut un contrat de développement pour 3 exemplaires de son modèle 188, banc d’essai destiné à apporter des réponses aux questions posées par l’échauffement de l’appareil lors des vols à haute vitesse. Le premier de ces trois appareils devant être un banc d’essai pur destiné aux tests statiques (soufflerie), tandis que les deux autres étaient destinés aux essais en vol. Trois autres appareils furent commandés ensuite, mais cette dernière commande fut annulée en 1957, lorsque le programme Avro 730 fut lui-même annulé pour des raisons budgétaires.
Néanmoins, le projet Bristol 188 fut maintenu en tant que modèle de recherche sur les vols à très haute vitesse. Vu les contraintes élevées que l’appareil allait devoir supporter, la construction du Bristol 188 a nécessité l’utilisation de techniques nouvelles et de matériaux novateurs. Ainsi, des alliages d’acier au titane ou au chrome furent mis au point, tant pour la cellule que pour les propulseurs. Le revêtement extérieur, qui n’était pas riveté mais bien soudé à l’arc sous atmosphère d’argon, et sur lequel aucune peinture ne fut appliquée, était constitué d’un nid d’abeilles d’acier inoxydable contenant 12% de chrome
Les vitrages du cockpit furent conçus à base de quartz, toujours dans le but de résister aux hautes températures et un système de réfrigération du poste de pilotage fut installé – mais ne put jamais être testé en conditions réelles. Les réacteurs furent dotés de systèmes d’admission à géométrie variable destinés à donner un maximum d’efficacité aux différentes vitesses supersoniques. Cet équipement ayant quasiment obligé les ingénieurs à placer les moteurs sur les ailes et non dans le fuselage, comme cela avait d’abord été convenu. Différents réacteurs ont été testés sur les Type-188, le RR Avon, le RR AJ65 – qui se désintégra durant un test – et le De Havilland Gyron DGL10Rs qui fut finalement retenu.
Ce moteur, qui, le premier, disposait d’une postcombustion réglable à n’importe quelle puissance, était alors en cours de développement et devait équiper l’intercepteur supersonique Saunders-Roe SR.177. Sur le Bristol 188, il présenta différents problèmes, surtout une autonomie de seulement 25 minutes, absolument insuffisante pour effectuer des tests efficaces à très haute vitesse – raison d’être principale de l’appareil. En outre, lors de la transition entre le vol subsonique et le vol supersonique, ils avaient tendance à induire des mouvements en tangage et en lacet. Des modèles à l’échelle, propulsés par des boosters ont alors été utilisés pour tenter de comprendre et résoudre ce comportement.
Si les premiers tests de roulage se déroulèrent en avril 1961, ce n’est qu’un an plus tard que les premiers vols ont pu avoir lieu. En avril 1963, le XF926 réussit à atteindre pour quelques instants la vitesse de 2.300 km/h à 11.000 mètres d’altitude. Cette performance, tout honorable qu’elle fut, n’en était pas moins un échec vis-à-vis du projet qui prévoyait, quant à lui, une vitesse soutenue de mach 2 minimum. En outre, divers autres vices se manifestèrent, comme des fuites de carburant répétées. Enfin, sa vitesse de décollage de près de 480 km/h rendait les vols assez périlleux.
Tous ces facteurs conjugués ont contribué à gravement compromettre les tests en vol et ont finalement conduit à l’abandon du projet. Néanmoins, les informations récoltées sur le Bristol 188 ont permis à l’industrie britannique d’opérer des choix plus judicieux lors de la conception du Concorde, comme par exemple l’utilisation d’alliages d’aluminium en lieu et place de l’acier inoxydable.
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