Dès 1944, il devint clair que l’armée britannique devait disposer d’un avion cargo aux performances supérieures au Bristol Bombay. La spécification G.9/45 visait un avion de transport tactique de nouvelle génération pouvant emporter trois tonnes de véhicules, canons et autres équipements militaires ou alternativement 28 civières, 36 hommes de troupe ou 23 parachutistes. La capacité d’utiliser des pistes sommairement aménagées et de voler dans des environnements aussi diversifiés que les jungles humides et les régions désertiques en feraient un avion polyvalent.
L’avionneur Bristol débuta rapidement le développement d’un prototype qui fit son premier vol en décembre 1945. Dès qu’il devint clair que ce nouvel avion ne pourrait être déployé avant la fin de la deuxième guerre mondiale, le projet évolua plutôt vers un avion civil. Soucieux d’éviter l’effondrement de son industrie aéronautique, suite à l’arrêt des hostilités, le gouvernement britannique passa la commande de deux premiers prototypes et offrit de l’aide financière à Bristol pour poursuivre le développement de l’appareil. Aménagé exclusivement pour le transport de cargo, le premier type d’appareil reçut la désignation Bristol 170 et le nom Freighter. Nommé Wayfarer, la seconde variante de l’avion était plutôt configurée pour le transport de 34 passagers.
Ces premiers prototypes furent motorisés avec des Bristol Hercules 632 équipant déjà le Bristol Beaufighter. Les nacelles du Bristol 170 furent conçues pour être en mesure de remplacer les moteurs en moins de 90 minutes. Afin d’éviter le poids et la complexité de trains d’atterrissage rétractables, le train fixe Dowty, qui avait déjà fait ses preuves avec le Bombay, fut retenu. Non conçu pour la vitesse, le Bristol 170 devait plutôt se démarquer par sa grande robustesse ainsi que sa facilité de fabrication, d’entretien et d’utilisation. Dans sa variante Freighter, l’embarquement et le débarquement rapide de véhicules et de cargo de grande dimension fut assuré par un nez ouvrable de type «Clamshell». L’installation de ces portes, à l’avant de l’appareil, donna au fuselage une forme bulbeuse accentuée par la cabine de pilotage aménagée au deuxième plancher afin de libérer la carlingue de forme carrée. La fonction utilitaire ayant visiblement préséance sur l’esthétisme et le confort, l’appareil de construction entièrement métallique et non pressurisé fut décrit par un de ses pilotes comme 40 000 rivets volant en formation serrée.
Un premier prototype entreprit rapidement une tournée de promotion en Amérique. En février 1947, l’entreprise Canadian Pacific Airlines affréta l’appareil pour une livraison urgente de cargo dans le nord-est du Québec ainsi que pour un chantier minier au Labrador où il utilisa un piste de neige comprimée sur la surface gelée d’un lac. Cette démonstration attira l’attention des forces armées canadiennes. Sous les couleurs de Silver City Airways, le même appareil fit le vol inaugural, en juillet 1948, du premier ferry aérien au dessus de la Manche entre Lympne en Angleterre et Le Touquet en France. Il participa également au pont aérien de Berlin en 1949. Il fut par la suite transformé en avion militaire, à la demande du Transport Command de la Royal Air Force, avec le remplacement de ses moteurs par des Hercules 238 plus puissants ainsi que le renforcement du plancher du fuselage. Tous les appareils déjà construits furent rééquipés pour répondre à ces nouvelles normes.
La première commande significative de Freighter vint de l’armée de l’air argentine qui reçut 15 exemplaires de la version Mark 1A en 1946 et 1947. Cinq de ces appareils furent convertis pour le transport de troupes.
En 1948, la version Mark 21 fit son apparition. Doté de moteurs Bristol Hercules 672 encore plus puissants, cela permit d’augmenter sa charge utile et la distance franchissable. Certains raffinements, comme le chauffage de la cabine, furent également incorporés. L’armée de l’air pakistanaise passa la commande de 35 de ces appareils qui furent également dotés, à sa demande, de portes de parachutage et de fenêtres dans la partie inférieure des portes du nez de l’appareil.
La version construite en plus grand nombre fut toutefois fut toutefois le Mark 31 équipée de moteurs Hercules 734 qui vola sous les couleurs des armées de l’air du Pakistan (38 appareils en plus des 35 Mark 21), de la Grande-Bretagne (19 appareils), de la Nouvelle-Zélande (12), du Canada (6), de l’Australie (4), de l’Iraq (4) et de la Birmanie (2).
En complément à ses Canadair North Star, les Bristol 170 de l’Aviation royale canadienne (ARC/RCAF) furent particulièrement utilisés pour le transport de matériel entre ses bases de l’OTAN en Europe. En pleine guerre froide, le Bristol 170 participa également à la construction de la ligne de stations radar DEW (Distant Early Warning) du NORAD, qui s’étendait de l’Alaska jusqu’à l’Islande, en passant par le grand nord canadien et le Groenland. En 1966, le dernier Freighter quitta l’ARC, faisant place au célèbre Lockheed Hercules.
Outre les conflits indo-pakistanais, le principal théâtre d’opération du Freighter en temps de guerre fut le Viêt-Nam. Dès 1950 et 1951, trois Bristol 170 de la Société Indochinoise de Transports Aériens furent utilisés par le gouvernement français dans sa lutte contre les Viêt-Minh. Les Freighter de la Royal New Zealand Air Force furent également utilisés pour le transport de troupes et d’équipement vers la Thaïlande et le Viêt-Nam, jusqu’à la fin de la guerre.
La célébrité du Bristol 170 vint toutefois davantage de son utilisation comme ferry aérien au dessus de la Manche. Silver City Airways, et sa co-entreprise Société Commerciale Aérienne du Littoral, devinrent le principal client civil du Bristol 170. Jusqu’à la livraison du dernier Mark 32 en 1956, ce sont 26 Bristol 170 qui ont ainsi fait la navette entre les côtes anglaise et française, de même que vers les îles Anglo-Normandes. Surnommé Superfreighter, la carlingue du Mark 32 était légèrement allongée afin de pouvoir accueillir jusqu’à 23 passagers ainsi que deux ou trois automobiles. Toujours avec des Bristol 170, Channel Air Bridge débuta en 1955 un autre service de ferry aérien entre Southend et Calais. L’apparition de l’ATL-98 Carvair en 1963, des Douglas DC-4 modifiés par Aviation Traders Limited, marqua le début du lent déclin du Bristol 170 comme ferry volant. De capacité supérieure au Superfreighter, le Carvair pouvait emporter simultanément jusqu’à cinq automobiles et 25 passagers.
La production du Bristol 170 s’éleva à 214 appareils, dont le dernier fut construit en 1958. De ce nombre, 94 furent livrés à des entreprises privées, 116 à des armées de l’air et les autres au gouvernement britannique pour divers usages expérimentaux. Plusieurs appareils militaires démobilisés connurent une seconde carrière civile. Les derniers Bristol 170 encore en opération volèrent au Canada jusqu’au début des années 2000 dans les contrées sauvages du nord de la Colombie-Britannique.
Alors qu’un imposant surplus d’avions cargo militaires américains inondait le marché à la fin de la deuxième guerre mondiale, le Bristol 170 réussit tout de même à se tailler une place de choix dans l’histoire de l’aviation grâce à ses qualités uniques.
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