A partir de la seconde moitié des années 50, le constructeur aéronautique français Breguet commença l’étude d’un système d’aile soufflé. Ce concept, appliqué à des avions mûs par turbopropulseurs, est une évolution du célèbre principe de Coanda mis en œuvre à la même époque par le constructeur soviétique Antonov. Pour mémoire, rappelons que le principe de Coanda prévoit qu’un souffle généré par un réacteur, ou par une hélice puissance, et dirigé vers l’extrados de l’aile permet de raccourcir les distances de décollage et d’atterrissage d’un avion. Si ce principe est une évidence physique, il fut néanmoins beaucoup plus difficile à mettre en oeuvre. Le résultat fut le Br.941.
Les études lançées par l’avionneur devaient déboucher sur un avion de transport moyen à même de servir dans les forces aériennes mais également auprès de compagnies aériennes visant le marché européen. Devant l’avancé de ces études le gouvernement français commanda un prototype volant en février 1960, privilégiant une utilisation militaire. La France était alors en pleine Guerre d’Algérie. Cependant le Ministère de la Défense ne débloqua que 25% du budget, privilégiant ainsi l’action militaire en Afrique du Nord. Les 75% restant étant alors à la charge de Breguet. Le premier prototype fut rapidement assemblé et effectua son premier vol le 1er Juin 1961.
Le Breguet Br.941 se présentait comme un quadriturbopropulseur à aile haute disposant d’un empennage classique et d’un train d’atterrissage escamotable. Les ailes disposaient des larges volets conçus de manière à permettre l’écoulement des fluides lors des phases d’approches, d’atterrissage, mais aussi de décollage. Sa soute était à peu près 40% moins vaste que celle d’un Lockheed C-130B. Son chargement s’effectuait grâce à une rampe arrière et à un porte de fuselage.
Dès le premier vol l’appareil démontra des capacités ADAC (Avion à Décollage et Atterrissage Court) surprenantes. Les officiels de l’Armée de l’Air commandèrent immédiatement quatre exemplaires de présérie sous la désignation de Breguet Br.941S. Quelques officiers de hauts-rangs de la Marine Nationale s’interressèrent également à la machine. Ces amiraux demandèrent à Breguet de travailler sur une machine destinée à servir à bord du nouveau porte-avion Clémenceau mais également à bord de son sister-ship, le Foch. L’appareil requis par les marins français devait être à même de remplir des missions de transport, de lutte anti-sous-marine, et de veille radar, un peu à la manière des Grumman C-2 Greyhound de l’US Navy.
Mais l’avionneur ne cachait pas sa volonté également d’atteindre le marché civil. Il envoya alors son prototype faire le tour des clients potentiels en commençant par les compagnies européennes. Au milieu des années 60 Breguet se lança dans un partenariat avec l’avionneur américain McDonnell Douglas afin de distribuer le Br.941 sur le marché civil américain. Malgré de bonnes démonstrations les compagnies aériennes américaines hésitèrent à investir dans un appareil français.
Le premier des appareils de présérie de l’Armée de l’Air prit l’air pour la première fois le 19 avril 1967. Il se différenciait du prototype par l’ajout d’un radar dans le nez et par une rampe arrière redessinée afin de permettre le larguage massif de parachutistes. Lors de ce premier vol l’avion fut chargé plus lourdement que lors des opérations prévus, et malgré cela il décolla en seulement 185 mètres. Les quatre exemplaires de présérie entrèrent en service au sein de l’Escadron de Transport ET-3/62 Ventoux.
Ils demeurèrent en service au sein de l’unité pendant moins de dix ans, le dernier des quatre étant rayé des registres de l’Armée de l’Air en janvier 1978, en même temps que l’escadron était dissous. La raison invoquée à l’époque pour expliquer la si faible commande militaire française de cet extraordinaire avion était le double emploie pour une machine qui venait s’intercaler entre le Nord N-262 et le Transall C.160. L’Aéronautique Navale quant à elle annula finalement son option d’achat en 1968.
Un demi-siècle après sa conception le Breguet Br.941 demeure un des ADAC les plus impressionnants au monde. Pourtant cette machine ne connut aucune suite. Sa conception révolutionnaire a pourtant permit de défricher le domaine de vol des avions utilisant le principe de Coanda.
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